Les petites marraines de Cros-de-Ronesque
Apportant leur soutien aux soldats du Front, les marraines de guerre font leur apparition en 1915. Elles sont mises en contact avec leur filleul par le biais d’associations et constituent pour celui-ci un soutien moral bienvenu : alors que la guerre, que l’on espérait terminée en quelques mois, s’enlise dans les tranchées, les Poilus cherchent le réconfort de leurs proches en échangeant une correspondance régulière. Ceux qui le souhaitent peuvent également demander à être mis en relation avec une marraine qui lui écrira, l’encouragera et lui enverra des colis. C’est une manière, pour la marraine, de participer à l’effort de guerre depuis l’Arrière : en garantissant le bon moral des troupes, la victoire n’en sera que plus probable.
Face à son succès, ce dispositif est renouvelé en 1939. A cette occasion, le ministère de la Défense nationale et de la Guerre a l’idée d’y associer les enfants en lançant le projet intitulé « L’école marraine du combattant ». L’objectif est d’inviter les élèves à correspondre avec un soldat, en misant sans doute sur le fait que la fraîcheur des écrits enfantins redonnera le sourire et l’espoir aux hommes du front. Des précautions sont tout de même prises pour éviter les impairs lors de l’envoi de colis : il est demandé aux petits parrains et marraines de prendre d’abord contact avec le chef de leur filleul pour obtenir des conseils sur les coutumes, les goûts et les désirs de celui-ci. « Notre grande Armée, explique-t-on, n’enorgueillit de compter dans ses rangs les fils innombrables de la France d’Outre-Mer »… Il serait mal venu d’envoyer un saucisson ou une bouteille de vin à un homme n’en consommant pas.
Dans le Cantal, l’école de filles de Cros-de-Ronesque se porte volontaire pour être marraine d’un combattant. Le soldat qui lui est attribué s’appelle Théodore Delhaye et appartient à la première batterie du 68e régiment d’artillerie divisionnaire, stationné en Alsace depuis septembre 1939.
Théodore Delhaye est originaire du nord de la France et avoue, dans sa première lettre à ses « chères petites maraines » datée du 31 mai 1940, être ravi de cette correspondance, étant coupé de toute liaison avec sa famille en raison de l’invasion allemande. Pourtant il s’agit de la seule lettre conservée dans les archives de la commune de Cros-de-Ronesque. Y en a-t-il eu d’autres gardées par l’institutrice ? Dans tous les cas, les échanges n’ont pu durer longtemps car le 22 juin, le régiment est fait prisonnier par les Allemands. Les petites Cantaliennes le surent-elles ? Théodore Delhaye en réchappera cependant car il n’apparaît pas sur la liste des militaires décédés au cours de la Seconde Guerre mondiale (consultable sur le site Mémoire des hommes).
Bien que les échanges furent brefs, on pourra toujours conclure que l’opération fut un succès puisqu’elle permit d’apporter au moins une fois un peu de bonheur sur le front alsacien.
Archives communales de Cros-de-Ronesque
E DEP 1439/9