Le 1er-Mai « Fête du travail » ou « fête des travailleuses et travailleurs » ?
C’est en juillet 1889 que l'Internationale ouvrière et socialiste, ou IIe Internationale, choisit la date du 1er mai comme journée d'action des ouvriers dans le monde entier. Comme nous le relate Rosa Luxemburg en 1894, « le mouvement ouvrier en Europe s’était renforcé et animé. La plus forte expression de ce mouvement intervint au Congrès de l’Internationale Ouvrière en 1889. A ce Congrès, constitué de 400 délégués, il fut décidé que la journée de 8 heures devait être la première revendication. Sur ce, le délégué des syndicats français, le travailleur Lavigne de Bordeaux, proposa que cette revendication s’exprime dans tous les pays par un arrêt de travail universel. Le délégué des travailleurs états-uniens attira l’attention sur la décision de ses camarades de faire grève le 1er mai 1890, et le Congrès arrêta pour cette date la fête prolétarienne universelle. […] Le Congrès décida que les travailleurs de tous les pays manifesteraient ensemble pour la journée de 8 heures le 1er mai 1890. Personne ne parla de la répétition de la journée sans travail pour les années suivantes. Naturellement, personne ne pouvait prévoir la façon brillante dont cette idée allait être un succès et la vitesse à laquelle elle serait adoptée par les classes travailleuses. Cependant, il a suffit de manifester le 1er mai une seule fois pour que tout le monde comprenne que le 1er mai devait être une institution annuelle et régulière."
Mais dès 1941, le gouvernement de Vichy récupère les célébrations du 1er-Mai et décide d’en faire une fête maréchaliste, occasion de propagande. En avril 1941, le maréchal Pétain rend férié le 1er mai, date qui correspond à la Saint-Philippe ou « Fête du Maréchal ». La fête des travailleurs devient la « Fête du travail et de la concorde sociale ». La propagande vichyste y adjoint le nom du saint du jour, afin de montrer la place centrale du chef et de contribuer à son culte. Sur cette affiche du 1er mai 1942, même si c’est assez discret, le Maréchal est bien présent, c’est sa main qui montre la voie et met à « l’honneur » le travail, représenté par un forgeron entouré d’une couronne de laurier.
Le 1ermai 1941, Pétain déclarait lors d'un discours à Commentry (Allier) : "Le 1er-Mai a été, jusqu’ici, un symbole de division et de haine. Il sera désormais un symbole d’union et d’amitié, parce qu’il sera la fête du travail et des travailleurs. Le travail est le moyen le plus noble et le plus digne que nous ayons de devenir maître de notre sort." Il ne s’agit plus de mettre en avant les revendications des travailleurs mais bien de fêter la valeur « travail », conformément à la devise du régime « Travail, Famille, Patrie ». « La fête des travailleurs » faisait trop référence à la lutte des classes.
Réunissant sur un même fond bleu deux images différentes, signées Roland Hugon, l’affiche du 1er mai 1942 illustre bien la volonté du Régime de Vichy de fêter ce jour dans une ambiance sereine et apaisée : à gauche, la main de l’ouvrier, loin de son usine à l’arrêt, se tend vers un délicat brin de muguet tandis qu’un papillon volète tout près. Les revendications ouvrières sont oubliées.
Cette fête est supprimée à la Libération. En 1947, avec le soutien du ministre communiste du Travail Ambroise Croizat, le 1er-Mai redevient un jour chômé et payé. Le 29 avril 1948, la date devient officiellement "fête du travail". Avec cette institutionnalisation et cette « appellation officielle » on s’éloigne de nouveau des valeurs revendicatives d’origine. Toutefois, dans de nombreux pays, pour le mouvement ouvrier le 1er-Mai reste la journée internationale des travailleurs commémorant les luttes pour la journée de 8 heures.
5 E 1337/5 (10 PH 399)
Document rédigé par Nicolas Laparra