Mai 1968 dans le Cantal
La lecture du principal journal cantalien, la Montagne, en mai 1968, donne à penser que les évènements de mai 1968 ont été localement peu suivis. Le journal évoque largement les évènements ayant eu lieu à Paris, puis dans une moindre mesure à Clermont-Ferrand dans les facultés. Mais mai 1968 n’est pas seulement un moment de grèves et de revendications pour les étudiants, c’est aussi un mouvement social : les travailleurs ont été nombreux à se mettre en grève. Un dossier de la préfecture sur l’agitation sociale en mai 1968 dans le Cantal nous apprend en effet que le département a aussi connu un important mouvement de grève dans de nombreux secteurs publics et privés.
Les évènements de mai 1968 recouvrent trois mouvements : le mouvement étudiant (du 3 au 13 mai, date de la grande grève générale), le mouvement social (du 13 au 27 mai, date des « accords de Grenelle ») et le mouvement politique (du 27 mai au 30 juin, date des élections législatives).
Dans le Cantal, le mouvement débute le 13 mai à la suite d’un ordre de grève générale lancé par la CGT (Confédération générale du Travail), la FEN (Fédération de l’éducation nationale) et l’UNEF (Union nationale des étudiants de France) afin de montrer sa solidarité avec les évènements intervenus dans le Quartier Latin à Paris (dans la nuit du 10 au 11 mai, les forces de l’ordre sont intervenues contre les manifestants : le bilan est de 367 blessés, 460 interpellations et 188 voitures endommagées, dont 60 détruites par le feu).
Les secteurs les plus touchés sont l’enseignement, la SNCF, l’EDF-GDF, la sécurité sociale-allocations familiales et URSSAF et les PTT. Un meeting place de la Paix rassemble 800 personnes, ouvriers, étudiants, instituteurs et professeurs.
Le secteur privé se met lui aussi en grève comme les établissements Lafargue à Aurillac.
La situation évolue peu jusqu’au 20 mai où les gares d’Aurillac, de Neussargues et de Saint-Flour sont occupées par les grévistes.
A partir du 22 mai, le mouvement de grève s’étend à tous les secteurs. Des piquets de grève sont organisés dans les usines, interdisant l’entrée de celles-ci aux non-grévistes. Le 25 mai, à l’appel de plusieurs syndicats, 1500 ouvriers, lycéens et enseignants se ressemblent place des Droits de l’Homme à Aurillac.
Les renseignements généraux donnent dans leur rapport une idée de la mobilisation lors de ces journées (cf. document n° 3 : Rapport des Renseignements Généraux).
Le 27 mai, la municipalité d’Aurillac, réunie en séance extraordinaire, vote une motion dans laquelle elle affirme sa solidarité avec tous les grévistes et manifestants et vote une aide de 10.000 francs pour « venir en aide aux familles les plus atteintes par les évènements ».
Certains manifestants subissent des pressions pour reprendre le travail. Ainsi, le personnel de la préfecture du Cantal, qui compte entre 33 et 40% de grévistes selon les jours, reçoit, le 22 mai, individuellement, une injonction à assurer ses fonctions pendant la journée du 24 mai, sous menace de procédure disciplinaire.
Afin de sortir le pays de la crise, le gouvernement décide de réunir rue de Grenelle, les représentants syndicaux et ceux des entreprises afin d’aboutir le 27 mai à un « protocole d’accord », qui prévoit notamment une hausse des salaires. Si cet accord a été refusé par les parties, il est cependant appliqué dans certaines entreprises comme les établissements Lafargue à Aurillac comme le montre le communiqué du 29 mai qui prévoit une augmentation de salaire de 10% pour le personnel de l’entreprise.
Le 1er juin, lendemain de la manifestation gaulliste à Paris qui a rassemblé entre 300 000 et 400 000 personnes en soutien au général de Gaulle, a lieu à Aurillac, place des Droits de l’Homme, à l’appel du « comité de défense de la République » un rassemblement contre les manifestations et pour le soutien au gouvernement regroupant environ 3.500 personnes, suivi d’un défilé de 2500 personnes défilant sous des banderoles « De Gaulle n’est pas seul » et « Liberté du travail ».
Le 6 juin 1968, les renseignements généraux constataient la reprise générale du travail.