L'enracinement de la République dans le Cantal (1880-1914)
Durant les années 1880 à 1914, la IIIe République a voté plusieurs lois visant à affirmer les libertés fondamentales. La liberté de la presse est instaurée par la loi du 29 juillet 1881 qui supprime le cautionnement, l’autorisation préalable et la censure. Dans le département du Cantal, il y avait 21 journaux avant cette date. A partir de 1881 et jusqu’en 1914, ce ne sont pas moins de 40 journaux qui sont créés, pour certains assez éphémères, mais pour d’autres plus durables comme La Croix du Cantal qui est paru de 1892 à 1944. De même, la liberté syndicale (loi du 21 mars 1884) entraîne une importante vague de création de syndicats dans le Cantal (14 créations).
La culture républicaine se diffuse par l’utilisation de symboles dont plusieurs sont empruntés à la Révolution française de 1789.
Le préfet du Cantal reçoit en 1871 une proposition de Royer, éditeur à Paris, pour un buste de Marianne destiné à être placé dans les monuments publics (préfectures, mairies, tribunaux, écoles). Le modèle proposé n’est pas coiffé d’un bonnet phrygien (symbole interdit par Auguste Thiers en 1871 à la suite des émeutes parisiennes de la Commune) mais d’une couronne de feuilles de chêne, de feuilles d’olivier et d’épis de blé et porte un bandeau avec les mots « honneur et patrie ». Elle repose sur un socle orné des attributs de la justice, entourés par le sigle RF.
Les républicains s’entendent sur l’importance de l’école pour enraciner le régime. Jules Ferry fait voter deux lois scolaires : celle de 1881 rend gratuite l’école primaire publique ; celle de 1882 la rend obligatoire pour tous les enfants de 6 à 13 ans et laïque (l’instruction religieuse disparaît des programmes, les instituteurs sont obligatoirement laïcs en 1886).
De nombreux établissements scolaires sont construits ou transformés pour accueillir les nouveaux élèves. A Aurillac, outre la construction du lycée Emile Duclaux entre 1884 et 1887, de nombreuses écoles sont construites entre 1881 et 1910 comme les écoles de Belbex, de la rue Caylus, Jean-Baptiste Rames et du Palais. De nouvelles écoles ouvrent aussi dans tout le Cantal comme à Prunet, Maurs, Leynhac, le Rouget ou Vitrac.
Mais le modèle républicain n’est pas accepté par tous. Ainsi, en janvier 1879, à Chaussenac, dans le canton de Pleaux, des photographies de Louis Bonaparte, ex-prince impérial, sont distribuées. A Aurillac, en août 1896, ce sont des portraits du duc d’Orléans qui sont affichés sur les murs et devantures des magasins. En 1889, les autorités s’alarment de placards annonçant la publication du journal Le Petit National avec, en bas, un portrait du général Boulanger, et d’autres affiches concernant le journal La République, qui annonce sa publication avec des extraits de plusieurs discours de Boulanger. Le portrait dans la partie basse du placard doit être arraché ou recouvert avec une autre affiche, de même que la signature du général en bas du placard sur La République.
L’Affaire Dreyfus a quelques retentissements à Aurillac : d’après un rapport du commissaire de police au préfet, le 22 janvier 1898, une quinzaine de conscrits passant devant le magasin de monsieur Cahen ont crié « A bas les juifs, conspuez Zola » et comme monsieur Terrisse, directeur de l’Indépendant, entrait dans le café avec Cahen, les mêmes conscrits ont crié « Vive Terrisse ». Ce dernier leur a répondu qu’il était avec Zola et qu’il ne voyait pas pourquoi ils criaient ainsi. Les jeunes gens ont immédiatement cessé. Plus tard, les mêmes, sortant d’un café et passant devant le magasin de monsieur Blum, ont crié « Conspuez Zola, à bas les juifs », sans s’arrêter.
Les documents relatifs à ce dossier sont disponibles au service éducatif des archives départementales et peuvent donner lieu à des séances de travail avec les enseignants qui le souhaiteraient.