La société française dans le Cantal au XIXe siècle
L'aide aux indigents
Dans une lettre au préfet du Cantal datée du 14 novembre 1829, le sous-préfet de Mauriac propose la création de deux ateliers de charité. Le premier serait établi dans le canton de Mauriac car celui-ci ne récolte, en année moyenne, que la moitié des grains nécessaires à la subsistance de ses habitants. Il en résulte que la hausse du prix des grains aurait de fâcheux résultats.
Le sous-préfet propose de mettre en place cet atelier sur la route de Mauriac à Murat et de faire exécuter les travaux par toutes les personnes indigentes valides, hommes, femmes et enfants. Le travail consistera en ouvertures, démolitions de murs, déblais, transport de matériaux, ouvrages de terrassement.
Le deuxième atelier serait sur le chemin de Salers à Pleaux. En effet, la ville de Salers recense de nombreux indigents à secourir car il n’y existe aucune industrie (AD015_174M1).
En 1847, le préfet rappelle l’ordonnance royale du 18 décembre 1846 qui avait mis à la disposition du ministre de l’intérieur un crédit de 4 millions de francs pour encourager les communes à entreprendre des travaux d’utilité communale pour secourir les classes laborieuses. Le crédit étant épuisé, une autre loi a ouvert un autre crédit d’un même montant. Le préfet propose aux conseils municipaux d’établir ou de continuer les ateliers de charité pour faire exécuter par les pauvres des travaux dans les communes tels que la réparation des chemins vicinaux (100 X 160).
En 1857, l’empereur Napoléon III a ouvert divers crédits pour aider les communes à créer des ateliers de charité. Sur les 6 000 000 francs de crédits, le Cantal a obtenu 52 420 francs. S’ajoutent à cette somme les diverses ressources obtenues par les communes pour un montant de 77 332.90 francs, ce qui porte le total des fonds pour secourir les indigents dans le Cantal à 129 752.90 francs.
De plus, l’empereur a ouvert un crédit de 25 000 francs pour le département et les communes ainsi que les particuliers ont lancé des souscriptions, fait des quêtes, organisé des loteries ce qui a rapporté 100 000 francs. Au total, la classe pauvre du Cantal a reçu 254 752.90 francs pendant la « crise des subsistances » de 1857 (AD015_100X160).
En 1868, d’une manière plus anecdotique, une allocation de 50 francs est accordée par l’Impératrice aux parents des enfants pauvres nés le 16 mars 1856, à l’occasion de leur première communion. Cette date est celle de la naissance du fils unique de l’empereur (AD015_100X165).
Le travail des enfants
La loi du 22 mars 1841 sur le travail des enfants dans les manufactures vise à protéger ces derniers en établissant des limites d’âge et de temps de travail. Elle impose ainsi que l’âge minimum pour travailler soit fixé à 8 ans dans les entreprises de plus de 20 salariés, et que la journée de travail soit limitée à 8 heures pour les 8-12 ans, et 12 heures pour les 12-16 ans ; ce travail ne peut avoir lieu que de 5 heures du matin à 9 heures du soir.
En 1865, un rapport sur le travail des enfants dans les manufactures, adressé par le préfet au ministre de l’Agriculture, précise que les filatures sont dans le département du Cantal les seuls établissements qui emploient des enfants. Ces enfants sont ceux des ouvriers de l’usine, qui commencent à travailler en général à l’âge de 12 ans. Il précise qu’ils travaillent « sous les yeux et pour le compte de leurs parents employés à la tâche » et que les parents sont « toujours maîtres d’abréger pour eux les heures de travail qui ne dépassent jamais et rarement atteignent la durée fixée par la loi » (AD015_166M1).
En 1867, le ministre de l’Agriculture, du Commerce et des Travaux Publics demande aux préfets l’avis des conseils généraux sur une éventuelle modification de la loi du 22 mars 1841. Parmi les changements pressentis : le relèvement de l’âge minimum à 10 ans, la réduction du travail des enfants en le limitant à 6 h par jour et la création d’une inspection pour surveiller l’exécution de la loi.
Un questionnaire est proposé pour faire un état des lieux du travail des enfants dans le département du Cantal. Dans l’arrondissement de Saint-Flour, une réponse au questionnaire nous apprend que « le minimum d’âge est de 8 ans. La durée du travail est de 12 h ½ : de 5 heures du matin à 7 heures le soir. Il y a repos les dimanches et fêtes. Il n’y a pas de travail de nuit. Les enfants qui travaillent dans les manufactures ou les ateliers ne fréquentent pas l’école » (AD015_166M1).
Le 19 mai 1874, la modification de la loi sur le travail des enfants fixe les conditions suivantes :
- âge minimum fixé à 12 ans mais possibilité d’employer des enfants de 10 ans dans certaines industries
- les enfants de moins de 12 ans ne pourront pas faire plus de 6 heures par jour et ceux de plus de 12 ans pas plus de 12 heures par jour.
- le travail de nuit est interdit aux moins de 12 ans sauf dans les usines à feu continu où le travail de nuit et le travail le dimanche et jours fériés sont autorisés.
- interdiction des travaux souterrains (dans les mines ou carrières) aux moins de 12 ans.
- obligation pour les enfants de moins de 12 ans de « suivre les classes d’une école pendant le temps libre de travail ».
- aucun enfant de moins de 15 ans ne pourra travailler plus de 6 heures par jour s’il ne justifie, par un certificat de l’instituteur ou de l’inspecteur primaire, qu’il a acquis l’instruction primaire élémentaire.
(AD015_166M2)
Le ministre de l’Agriculture et du Commerce écrit au préfet du Cantal le 21 avril 1879, pour l’informer qu’il sera installé dans chaque département des commissions locales dont les fonctions seront gratuites, chargées de veiller à l’exécution de la loi du 19 mai 1874 sur le travail des enfants (AD015_166M2).
Dans un rapport du Président de la Commission supérieure du travail des enfants et des filles mineures employés dans l’industrie fait au Président de la République, daté du 30 mai 1879, celui-ci constate que la présence d’enfants de moins de 12 ans devient de plus en plus rare, même dans les établissements où leur emploi est autorisé.
De plus, il souligne que l’instruction des enfants employés par l’industrie continue de donner des résultats satisfaisants : le nombre des écoles privées installées dans les fabriques, qui n’était que de 150 au 1er janvier 1877, s’élevait au 1er janvier suivant à 237 et au 1er janvier 1879 à 451. Dans le même temps, les inspecteurs d’académie constatent une augmentation notable des enfants fréquentant les écoles publiques, comme de nombreux industriels n’acceptent dans leurs ateliers que de jeunes ouvriers munis du certificat d’études. En outre, des chefs d’établissements, « comprenant leur devoir et se conduisant en véritables pères de famille envers leurs ouvriers », entretiennent, à côté de leurs ateliers, des centres scolaires où les enfants sont protégés par la loi et où les adultes peuvent compléter leur instruction (AD015_166M2).
Le quotidien des ouvriers
Enfin, la difficulté du quotidien se caractérise aussi par l’insalubrité des logements. Dans un rapport daté du 30 septembre 1853, le maire de la ville de Mauriac accompagné d’un médecin, d’un officier de santé, de trois experts géomètres, en vertu de la loi du 15 avril 1850 sur l’assainissement des logements des pauvres, ont visité les logements de la ville et ont identifié 10 maisons insalubres. Certaines sont « sans air et sans lumière », d’autres doivent être détruites (90 M 2).
L’ensemble des documents utilisés pour ce dossier sont accessibles aux Archives aux enseignants qui en feront la demande.