Lorsque la chance vous sourit… Un chef de mission interalliée accueilli et guidé par un soldat allemand (1944)
En mai 1944, le major britannique Cardozo, dit Vecteur, fut parachuté près du Mont-Mouchet, haut lieu de résistance à la frontière des trois départements de la Haute-Loire, de la Lozère et du Cantal, avec pour missions de suivre l’organisation des maquis, de veiller à la répartition des armes et des fonds parachutés aux résistants, de participer aux décisions de sabotage et d’assurer les liaisons radio avec Londres. Mais tout son travail aurait pu être compromis par le choix de la mauvaise porte…
André Decelle nous livre cette anecdote étonnante, recueillie parmi d’autres témoignages dans les archives de l’association des Anciens du Barrage de l’Aigle et de ses Maquis déposées aux Archives départementales. André Decelle, alias commandant Didier, était alors ingénieur-concepteur au barrage de l’Aigle sur la Dordogne. Dès 1940, il accueillit des prisonniers évadés, des militants anti-fascistes espagnols et italiens, puis des réfractaires au Service obligatoire du travail. Sous couvert de la construction du barrage, le chantier servit à cacher du matériel destiné au maquis.
L’état-major du Service Technique des Grands Barrages, dont les membres constituaient également l’état-major du Bataillon Didier, s’était quant à lui installé temporairement dans le nouvel hôpital de Mauriac, où le major Cardozo devait venir les rejoindre. Or, au même moment, une compagnie allemande s’installa dans leur bâtiment. Seul un couloir les séparait désormais, et il était bien sûr impossible de contacter le major britannique pour le prévenir… Il ne resta plus qu’à attendre et espérer qu’il ne croisât pas le chemin des Allemands.
C’est pourtant ce qui se passa, bien que l’issue n’ait aucune des conséquences tragiques que l’on pouvait craindre : voyant arriver le major, l’un des occupants, empreint de bonne volonté, le conduisit au bureau du Service Technique des Grands Barrages, pensant sûrement qu’il s’agissait d’un entrepreneur. Il était loin de se douter que grâce à ses contacts avec Londres, le major Cardozo permettrait le parachutage de plusieurs tonnes de matériel pour les maquisards dans le mois qui suivrait.
« Extraordinaire : le Major Vecteur accueilli par… l’armée Allemande ! »,
par André Decelle, 106 J 10
Photographie du barrage de l’Aigle : 49 NUM 46,
coll. Dumas-Rossignol, cl. anonyme (vers 1950)
Document rédigé par Amélie Varet, stagiaire aux Archives départementales