1943-1944 : des espions au cœur de la préfecture du Cantal
Le camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau, libéré le 27 janvier 1945 par les troupes soviétiques et où plus de 1,1 million de personnes ont été exterminées, fut la destination principale des Juifs déportés de France. Envoyés dans ce camp – et d’autres – ils avaient été préalablement et minutieusement identifiés, dénombrés et listés par les services de police et de gendarmerie.
L’administration préfectorale dans le Cantal a œuvré à ce recensement. Les Juifs tant étrangers que français, locaux ou réfugiés, ont fait l’objet d’un comptage précis. L’établissement de listes, comme celle en date du 15 juin 1941 pour la commune d’Aurillac, mentionnant les nom, prénom, lieu et date de naissance, adresse ainsi que la profession, montre un respect et une soumission aux ordres et directives du Régime de Vichy.
Pourtant, cette « collaboration » administrative à la préfecture du Cantal n’a pas pu se faire dans les meilleures conditions et l’occupant, ainsi que ses soutiens, ont vu leurs propagande, actions et atrocités freinées, voire empêchées, par un groupe de personnes qui ont réussi au cours de l’année 1943 à s’immiscer au cœur même de la préfecture. Le « Service de Renseignement » formé autour de Jean Lépine, responsable départemental du mouvement de résistance « Franc Tireur », et de Pierre Mitanchez, chef du service des Réfugiés à la préfecture, va, pendant de longs mois, entraver le bon fonctionnement des actions des Allemands et de la Milice française dans le département du Cantal et au-delà. Contrôle du courrier, du standard téléphonique, des télégrammes chiffrés, le Service possède également des relais au commissariat de police, à la gendarmerie, à la Poste, au service des Ponts et chaussées, à la mairie d’Aurillac ou encore au dépôt des armes de chasse rattaché au cabinet du préfet.
L’ouvrage présenté n’est communicable que depuis 2015 par la volonté des auteurs soucieux de « protéger » les personnes décrites et nommées. Sans chercher une quelconque glorification pour leur rôle et leur influence sur le déroulement des événements locaux, les auteurs – eux-mêmes témoins et acteurs – Jean et Renée Lepourcelet (née Belaubre) présentent la création, le fonctionnement, les missions du Service de Renseignement ainsi que les risques pris par ses membres.
Réfractaires au Service du Travail Obligatoire (S.T.O.), résistants de la première heure, maquisards, juifs, communistes, tous ceux-là et bien d’autres furent aidés et protégés autant que possible par le Service de Renseignement. Au-delà de ce rôle défensif, ce service d’espionnage mènera pendant l’Occupation un rôle offensif en permettant des actions de sabotage, des attaques contre les Allemands et leurs alliés ou en trompant l’ennemi sur les intentions des Forces Françaises de l’Intérieur (F.F.I.). Enfin, le Service de Renseignement sera un acteur majeur, après la Libération, dans l’indentification des Français soupçonnés d’intelligence avec l’ennemi. Les témoignages et documents fournis par le Service aideront dès septembre 1944 la Cour martiale, le Tribunal militaire puis la Cour de justice à établir jugements et condamnations.
Cet ouvrage vient compléter celui donné aux Archives départementales du Cantal en 1984 et communicable depuis 2010 intitulé La Résistance dans le Cantal : le Service départemental de Renseignement(cote 4 BIB 554).
Liste nominative des Juifs résidant à Aurillac au 15 juin 1941 : 1 W 153-1
La prise de contrôle d'une préfecture par la Résistance sous l'occupation 1940-1945,
par Jean Lepourcelet ; Renée Lepourcelet. – [S.l.] : [s.n.], [1970-2000]. – 119 p. : 4 BIB 836
Notice rédigée par Sylvain Maury