Eugène Lintilhac, sénateur du Cantal, caricaturé par Noël Dorville (1903)
Eugène Lintilhac, né à Aurillac en 1854, fut reçu à l’agrégation de lettres en 1881. En 1888, il se présente sans succès aux élections législatives dans la circonscription de Saint-Flour. Dorville le croque à l’occasion de son élection au Sénat, avec l’étiquette radicale-socialiste, en 1903, à 49 ans. Réélu en 1912, il meurt en 1920 sans achever son deuxième mandat.
Brillant professeur de lettres et critique littéraire, Lintilhac poursuivit ses publications littéraires, notamment sur le théâtre et y compris en langue d’oc, après son entrée en politique en 1898 comme chef de cabinet de Leygues, ministre de l’Instruction publique. Au Sénat, il rapporta le budget de l’Instruction publique (1906), mais aussi la loi sur les retraites ouvrières (1909 et 1910). Vice-président du Sénat, il fut également conseiller général de Laroquebrou et président du Conseil général entre 1905 et 1920, avec deux interruptions en 1908-1909 et 1912-1913.
Les Archives conservent des documents qui nuancent le portrait du personnage : il s’agit du jugement de divorce demandé et obtenu par son épouse, pour injures et coups en 1896 (ADC, 1 J 508). D’autres témoignages le présentent comme un cabotin vaniteux et un médiocre avocat qui attendit longtemps d’être ministre mais ne le fut jamais (1 J 153).
Le 11 décembre 1906, il tient au Sénat un discours, demeuré fameux, en faveur de la translation des cendres d’Émile Zola (mort en 1902) au Panthéon. La proposition de loi est rejetée ce jour-là, mais elle aboutit deux ans plus tard, et la cérémonie a lieu le 4 juin 1908. Lintilhac exalte en Zola non seulement l’auteur de talent, mais aussi l’écrivain engagé en faveur de Dreyfus.
Tous s’accordent pour lui attribuer une merveilleuse faconde et une vaste culture. La municipalité d’Aurillac a donné son nom, dès 1920, au nouveau boulevard ouvert entre la place d’Aurinques et la Vilette.
Noël Dorville (1874-1938), peintre, affichiste et caricaturiste français, a croqué les figures politiques parisiennes de la Belle Époque. Les yeux de ses personnages sont uniformément tombants. Les portraits ne sont pas difformes, comme ceux de Daumier pour la période précédente ; Dorville se contente d’accentuer la corpulence : un homme maigre devient filiforme, tandis qu’Eugène Lintilhac devient imposant, et que Jean Jaurès devient obèse.
Archives départementales du Cantal, 8 Fi 11 (caricature)
2 K 496 (discours au Sénat)