Archives du Cantal

Les petites affaires d’un grand « terroriste »

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Jean-Baptiste CARRIER, né à Yolet le 16 mars 1756, fut député à la Convention puis représentant en mission à Nantes, du 20 octobre 1793 au 16 février 1794, où il fit régner la « Terreur ». Il s’y illustra en couvrant de son autorité la noyade dans la Loire des « ennemis de la République », dans le contexte tendu de la guerre de Vendée. Sa cruauté et son arrogance en firent un bouc-émissaire commode sous Thermidor ; il fut guillotiné le 16 décembre 1794.

Cette lettre inédite, entrée tout récemment dans les collections départementales, est adressée à Labro, son collègue avoué à Aurillac. Le 16 octobre 1792, Carrier n’est encore qu’un simple député à la Convention ; il se préoccupe d’une affaire judiciaire en cours, ainsi que du rachat de son office. Les offices de procureur avaient en effet été supprimés, comme tous les offices d’Ancien Régime, dès 1789. Les procureurs étaient devenus des avoués, mais l’État s’était engagé à indemniser les anciens offices de procureurs. Carrier se plaint de ce que les offices de procureur d’Aurillac ne soient évalués qu’à 4000 livres, alors que ceux de Saint-Flour le sont à 6000.

Outre la traditionnelle jalousie de l’Aurillacois pour Saint-Flour, cette lettre montre la vraie nature de Carrier : à côté des immortels principes révolutionnaires proclamés avec emphase, le fils du laboureur devenu marchand était méticuleusement soucieux de ses intérêts personnels. De ce point de vue, il est la caricature des hommes qui ont fait la Révolution : des petits bourgeois de robe frustrés et médiocres, soucieux d’ascension sociale et d’enrichissement, maladivement assoiffés de pouvoir et de reconnaissance.

Comme disait le futur général Milhaud, pourtant son collègue et ami (mais qui sut jouer plus habilement) : « L’homme obscur, qui aurait toujours vécu dans ses foyers, aurait pu terminer ses jours paisibles en bon citoyen. Mais souvent, arraché à sa modeste obscurité et revêtu d’une grande autorité, il se trouve entraîné, emporté par le torrent révolutionnaire, et se précipite lui-même dans l’abîme. »

Archives départementales du Cantal, 1 J 642

Don, avril 2008.

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