Construction de la chapelle du couvent des Vaysses à Mauriac (1939-1943)
Comme chacun le sait, les voies du seigneur sont impénétrables et l’édification de cette chapelle en est un nouvel exemple. Fruit du hasard ou volonté divine ? Les religieuses de la Congrégation des Petites Sœurs des Malades de Mauriac ont dû s’interroger. Car l’existence de cette chapelle n’est que la conséquence fortuite d’un autre évènement : la construction du barrage de l’Aigle et la mise en eau d’une partie de la vallée de la Dordogne.
Cette congrégation fondée en 1864 à Mauriac par l’Abbé Jean-Baptiste Serres a pour vocation de venir en aide aux malades isolés ou démunis. Répondant à un vrai besoin, son œuvre se développe rapidement et les bâtiments de la Maison-Mère originelle, rue du Balat à Mauriac, ne suffisent plus. En 1872 la comtesse d’Ussel fait don à la congrégation du couvent de Saint-Projet-le-Désert situé sur la rive corrézienne de la Dordogne. Dece couvent du XVe siècle il ne reste alors que des ruines. L’abbé Serres et ses religieuses vont peu à peu restaurer les bâtiments et en faire une succursale de la Maison-Mère, où ils pourront recevoir les sœurs malades et âgées, ainsi que les novices se formant à la vie spirituelle. Les religieuses y vivront paisiblement jusqu’à l’annonce fatidique de la construction du barrage de l’Aigle.
En prévision du futur déménagement rendu inéluctable par la montée des eaux, dès 1929 les Petites-Sœurs firent l’acquisition de l’enclos des Vaysses situé à proximité du bourg de Mauriac. Le domaine était vaste, entouré de murailles, et occupé en son centre par une maison de maître aux dimensions trop modestes pour y recevoir les religieuses de Saint-Projet. On mit sur pied un plan d’agrandissement très simple : la villa formerait le pavillon central où seraient établis la direction et les services généraux. Il serait prolongé : sur la droite, par l’aile des novices, et sur la gauche, par l’aile des sœurs en retraite.
Il manquait la chapelle. Ce n’est qu’en 1939 que l’on en commença la construction. Le projet fut confié à l’architecte mauriacois François Lascombes qui nous le présente en ces termes : « Les trois bâtiments du couvent se développent sur une façade rectiligne de 103 mètres. La chapelle en construction, disposée du côté nord, et perpendiculaire au bâtiment central, sera en communication directe avec les bâtiments, au moyen de deux galeries, de forme demi-circulaire ; l’ensemble formera ainsi un tout dont la chapelle sera partie dominante par son style, aussi bien que par l’ampleur de sa nef et l’élévation de son clocher ».
Elle est édifiée dans un style gothique afin de permettre le réemploi des magnifiques vitraux, don des comtes d’Ussel, et des boiseries de chêne de la chapelle de Saint-Projet-le-Désert. Le plan, selon la croix latine, comprend un narthex pour servir de transition entre la nef et les galeries d’accès, et à droite et à gauche du chœur, deux sacristies se présentant extérieurement sous l’aspect d’absidioles. Pour l’extérieur l’architecte fait le choix de matériaux traditionnels : « Pour affirmer la durée de l’œuvre, et se conformer aux usages du pays, le gros-œuvre est en maçonnerie de basalte, avec un large emploi de la pierre de taille de Volvic. Les combles sont en charpente, avec couverture en ardoise ». Mais à l’intérieur il opte pour des matériaux plus modernes « tels le béton armé pour les planchers, arcs et nervures, la brique pour les voûtes, le carrelage en céramique pour les sols, les ravalements et enduits en simili-pierre pour les murs ».
Interrompus puis ralentis par la guerre et le manque de main d’œuvre, les travaux ne prirent fin que quatre ans plus tard. Le 7 mai 1943 la chapelle reçut la bénédiction de Mgr Henri Pinson, évêque de Saint-Flour en visite épiscopale dans la région. Les années d’occupation entraînèrent aussi de sérieux retards dans les travaux du barrage de l’Aigle offrant un sursis aux religieuses de Saint-Projet. Cependant, à l’été 1943, il fallut envisager et réaliser le déménagement du mobilier. On sait par leurs nombreux témoignages que les habitants contraints de quitter leurs villages ont vécu ce départ comme un traumatisme, ou pour le moins comme un déchirement, leurs lieux de vie étant dénaturés, engloutis, rayés de la carte. Les sœurs en témoignent elles aussi. A la date du 21 août, jour de la dernière messe à Saint-Projet, les « Annales » de la congrégation[1]portent cette mention : « Consternation générale. C’est un arrachement pour la plupart », et au 10 septembre : « Abandon définitif. Mère Chantal et les sœurs qui étaient restées franchissent pour la dernière fois le portail de la chapelle, puis celui du vieux monastère. Les yeux plein de larmes, elles prennent le car qui les amène aux Vaysses où il leur est fait un affectueux accueil ». Saint-Projet attendra encore deux ans et le mois de juillet 1945 avant d’être totalement submergé.
31 J 686
93 Fi 2166, 2701, 2709, 2714 et 2716
Notice rédigée par Nicolas Laparra
[1] Voir Le Monastère sous les eaux, Saint-Projet-du-Désert par le chanoine E. Joubert.- Aurillac : éditions Gerbert, 1969.