Un projet architectural grandiose pour le centre-ville d’Aurillac (1940-1941)
Ces trois vues perspectives, au crayon sur calque, sont l’œuvre de l’architecte aurillacois Georges Breuil (1903-1999). Elles servirent à illustrer le grand projet d’urbanisme que ce dernier avait élaboré pour remédier au problème des îlots insalubres du centre-ville d’Aurillac. Il prévoyait ainsi de percer une large avenue dans la vieille ville, entre la place du Palais de Justice et l’église Saint-Géraud. Cette percée aurait été complétée par un dégagement établi à la perpendiculaire en son centre entre la Préfecture et l’Hôtel de Ville.
Pour Breuil, « Aurillac est constituée par deux agglomérations situées de part et d’autre de la place centrale dite du Palais de Justice : la nouvelle ville du sud et la vieille ville du nord. […] La vieille ville s’agglomère en îlots resserrés les uns contre les autres, ne réservant entre eux que des rues tortueuses et étroites où pénètrent difficilement l’air et la lumière ». Il considère qu’elle « entretient au cœur de sa constitution des éléments malsains qui doivent disparaître, pour l’amélioration de son état sanitaire et économique ». Deux villes s’opposent, l’une salubre et l’autre insalubre. C’est pourquoi il propose de percer deux grandes avenues perpendiculaires, à la manière du cardo maximus et du décumanus des villes romaines. L’objectif est d’assainir la partie centrale de la ville en supprimant la plus grande partie des îlots insalubres, en particulier ceux de la rue des Forgerons et de la rue du Monastère. Il s’agit de démolir les maisons anciennes pour les remplacer par de grands immeubles modernes bordant de larges avenues. La grande avenue centrale doit aussi permettre une liaison directe entre les deux villes en réalisant une grande transversale nord-sud.
Au premier abord, ce projet peut sembler grandiose et quelque peu utopique, mais il s’inscrivait parfaitement dans la politique nationale (décret-loi du 24 mai 1938 relatif à la destruction des immeubles et îlots insalubres) et dans les conceptions hygiénistes de l’époque. Il obtint d’ailleurs l’assentiment général de ses contemporains. Les principaux architectes aurillacois réunis le 30 janvier 1941 afin de procéder à l’examen du projet de Georges Breuil se déclarent « partisans du projet » et lui donnent leur « entière approbation ».
C’est en sa qualité d’architecte du département que cette étude lui avait été commandée. Georges Breuil est né le 28 juillet 1903 à Clermont-Ferrand, mais c’est à Aurillac qu’il fera carrière. Après une brillante scolarité, il suit l’enseignement de la prestigieuse Ecole Nationale des Beaux-arts de Paris dont il sera lauréat. Diplômé par le gouvernement le 24 février 1925, il obtient cette même année le prix du meilleur diplôme d’architecture. Récompensé par plusieurs prix et médailles, il reçoit aussi le diplôme de l’Architectural Association de Londres dont il suivra les cours. Après quelques stages et emplois chez des confrères parisiens, il s’installe à son compte en 1927. Il arrive à Aurillac dès 1928, date à laquelle il devient architecte du département, des monuments historiques, et de l’hôpital-hospice d’Aurillac.
Son étude se présente sous la forme d’un long rapport très détaillé (112 pages), et accompagné de plans, vues perspectives et photographies. Elle est le résultat d’un travail considérable lui permettant d’établir un « état de recensement des propriétés, immeubles et commerces ». Ce tableau, établi pour chaque étape de travaux résume les renseignements se rapportant au recensement des immeubles affectés par le projet. C’est une véritable « photographie » du centre historique d’Aurillac tel qu’il était en 1940. On y trouve la superficie des terrains et immeubles constituant chaque îlot, la nature et le nom des propriétaires des commerces qui s’y trouvent, ainsi qu’une estimation de la valeur marchande de chacun des éléments. Et ce, pour les 161 lots compris dans la zone d’exécution du projet.
Il s’agissait donc bien d’un projet très sérieux, et non de vues fantaisistes d’un architecte quelque peu mégalomane, comme pourraient le laisser penser aujourd’hui ces dessins. Les travaux devaient s’étaler sur une vingtaine d’années et entraîner la destruction de près de 13 000 mètres carrés d’immeubles. Mais malgré de nombreux soutiens, et on serait tenter de dire fort heureusement, ce projet ne verra jamais le jour. Est-ce en raison de son coût financier, associé aux difficultés administratives, juridiques ou encore politiques qu’il n’aurait pas manqué de susciter ? Difficile de le dire, mais on peut penser que l’arrivée de la Seconde Guerremondiale est venue y mettre un terme définitif.
84 Fi 3404 (calque), 84 Fi 6306-6308 et 6316 (photographies), 34 J 217 (dossier papier)
Notice rédigée par Nicolas Laparra