Un notaire nommé par Catherine de Médicis : les lettres de provision d’office d’Antoine Gély
Rédigeant et authentifiant les actes engageant deux parties, les notaires jouent un rôle essentiel dans la société depuis deux millénaires. A l’origine secrétaire d’un riche citoyen romain, le notarius va voir son statut évoluer et être investi par une autorité au nom de laquelle il exerce : le roi, un seigneur, ou encore un évêque. L’édit de Villers-Cotterêts, daté de 1539, est fondamental pour le notariat car il institue des bases solides pour le métier, qui sont encore respectées aujourd’hui : l’obligation de rédiger les actes en français (jusque là le latin était majoritairement utilisé) et de conserver ses minutes ainsi que celles de ses prédécesseurs de manière pérenne.
Le notaire royal agit donc au nom du roi ; les actes qu’il valide feront foi devant la justice. Par conséquent, n’est pas notaire qui veut. Il faut pour cela remplir certaines conditions, notamment satisfaire à une enquête de bonne vie et mœurs, être de religion catholique et bien sûr recevoir des lettres de provision d’office de la part du roi, comme ce document adressé à Antoine Gély.
Par cet acte, Catherine de Médicis accorde à Antoine Gély de reprendre l’office de notaire à Saint-Martin-Valmeroux, détenu auparavant par feu Jacques Delapierre. Cet office est une charge vénale : afin de pouvoir l’exercer, le notaire achète sa charge au roi. Ce système, étendu à d’autres domaines dans lesquels le roi délègue un pouvoir, permet à la monarchie de s’assurer d’importants revenus.
Il est à noter que la suscription de l’acte (les premières lignes présentant la personne qui agit) qualifie Catherine de Médicis de « royne de France » ainsi que de « duchesse d’Auvergne ». La reine mère agit en réalité non en tant que reine de France mais comme régente, son fils Charles IX n’étant déclaré majeur que quelques mois plus tard, en août 1563. Quant à la deuxième titulature, elle est volontairement inexacte. Il a bel et bien existé, à différentes périodes du Moyen-Age et de l’époque moderne, un duché d’Auvergne qui englobait Aurillac, Clermont et La Chaise-Dieu, mais ce duché avait rejoint les possessions de la couronne suite à la mort de Louise de Savoie, mère de François Ier, en 1531, et le titre n’était plus porté en 1563. En revanche, Catherine de Médicis est héritière du côté de sa mère du comté d’Auvergne, qui comprend la seigneurie de La Tour d’Auvergne à cheval entre le Cantal et le Puy-de-Dôme actuels, ainsi que Saint-Saturnin et Vic-le-Comte. Mais il va de soi que, lorsqu’on est reine, il est préférable de se dire duchesse plutôt que comtesse, d’autant plus que personne n’osera vous contredire…
Le contenu même de l’acte est peu original. Il reprend les formules et clauses habituelles des lettres de provision d’office : « avons donné et octroyé, donnons et octroyons par ces présentes l’office de notaire royal au lieu de St Martin de Valmarous au Hault-Auvergne […] et ledit office avoir, tenir et doresnavant exercer par ledit Gély ». Il reviendra à Antoine Gély de présenter ces lettres de provision au bailli des Montagnes d’Auvergne, représentant du roi installé à Saint-Martin-Valmeroux, afin de prendre définitivement possession de sa charge. L’acte est daté du « VIe jour de avril l’an de grace mil cinq cens soixante deux avant Pasques. » Cette précision finale nous rappelle que la chancellerie royale établissait le début de l’année civile à Pâques, et ce jusqu’en 1564. Il faut donc calculer que la période comprise entre le 1er janvier et Pâques 1562 correspond pour nous au début de l’année 1563.
On ne sera pas étonné que ce document ne soit pas décoré : les lettres de provisions d’office ne sont jamais luxueuses. Il faut toutefois remarquer que les deux-tiers du parchemin, cachés par le repli, sont vierges, alors que la matière est coûteuse. L’incision à droite de la signature est le seul vestige de la présence d’un sceau pendant fixé sur une bande de parchemin, appelée « double queue » puisqu’elle dépassait des deux côtés du repli. Quant à la signature elle-même, il s’agit bien sûr de celle d’un secrétaire, la reine de France et duchesse d’Auvergne ne signant pas chaque acte passé en son nom.
544 F 1