Archives du Cantal

Lutte autour d’une bourse au collège de Fortet (1615)

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Du coup de pouce intéressant au subside indispensable, les bourses scolaires représentent un avantage très apprécié des étudiants. Le caractère public de ce système est évidemment récent, mais l’intérêt qu’il suscite auprès des jeunes remonte à plusieurs siècles, et a pu se révéler de manière fervente. C’est ainsi que Balthazar Andrieu adresse en 1615 une opposition formelle à Claude Croisier, principal du collège de Fortet, à l’attribution de l’une des bourses du collège à un certain Guillaume Montaigne, au préjudice dudit Andrieu.

Le collège de Fortet représente en effet pour les Cantaliens une solution idéale pour suivre leurs études à Paris. Fondé par Pierre Fortet dans son testament du 12 août 1391, ce collège est un « asile » comme il en existe beaucoup d’autres dans le quartier de l’Université, l’actuel Vearrondissement. Pierre Fortet est lui-même aurillacois. Bien qu’il ait passé sa vie à Paris, il garde un attachement affectif pour sa région natale et décide, dans ses dernières volontés, d’aider les jeunes gens qui souhaiteront étudier à Paris. Titulaire d’un grand nombre de bénéfices ecclésiastiques, ce chanoine de Notre-Dame et avocat de l’Université a pu accumuler un important patrimoine numéraire autant que foncier, ce qui permettra à ses exécuteurs testamentaires de mener à bien son projet.

Le collège médiéval ne correspond pas à la définition de nos collèges actuels. Il s’agit en quelque sorte d’un internat où sont logés gratuitement 8 étudiants, dans le cas du collège de Fortet : 4 Parisiens, et 4 jeunes gens issus de la famille Fortet, ou à défaut originaires d’Aurillac, ou du diocèse de Saint-Flour. Ces élèves touchent un petit pécule pour les dépenses de nourriture et d’entretien, vont en cours dans les facultés et reviennent sans détour travailler et dormir au collège. Les règles très strictes ont pour but non pas d’obliger les étudiants à travailler, mais de leur offrir les meilleures conditions de se consacrer au travail en leur évitant les tentations du dehors, en particulier les tavernes et les femmes. Elles seront néanmoins bien plus laxistes au moment où Andrieu tentera d’intégrer cette institution.

Situé à l’origine dans une maison de Pierre Fortet, le collège déménage dès 1397 rue des Sept-Voies, l’actuelle rue Valette, tout près de l’abbaye Sainte-Geneviève où s’élève désormais le Panthéon.

Balthazar Andrieu ne compte pas sur une bourse pour étudier, puisqu’il habite déjà à Paris lorsqu’il revendique la place devenue vacante au collège de Fortet. Qu’importe, celle-ci n’est pas attribuée sur un critère de pauvreté, mais sur une appartenance familiale. Il est difficile de retrouver quel est le degré de parenté exact entre le protagoniste et la famille du fondateur (sans doute faudrait-il chercher du côté de sa mère, Catherine de Cambefort), mais il semble aller de soi pour ce dernier que ce lien est bien plus légitime que celui du sieur Montaigne, désigné comme un vulgaire imposteur. La requête d’Andrieu est adressée au principal du collège, et non au chapitre de Notre-Dame qui attribue les bourses, car il ne s’agit pas par ce document de démontrer son bon droit. C’est une démarche qui demande de la rapidité : Montaigne a été désigné pour recevoir la bourse, mais ne s’est pas encore présenté au collège pour en prendre possession officiellement. Par cet acte, Balthazar Andrieu s’oppose à ce que la bourse soit remise tant que le chapitre n’aura pas tranché entre son premier choix et le contestataire.

Quelle fut l’issue de cette démarche ? Les comptes du collège, conservés aux Archives nationales, nous en diraient sans doute un peu plus que ce document isolé. Nous savons cependant, d’après l’Etude historique sur le collège de Fortetde Raoul Busquet, que Claude Croisier était d’une médiocrité effarante et qu’il a laissé le chapitre attribuer des bourses à deux enfants de chœur de Notre-Dame logés dans un autre collège : cela ne présage rien de bon pour la distribution des autres bourses. Contrairement à Pierre Fortet, il semble que Balthazar Andrieu n’ait pas fait carrière à Paris : on retrouve la trace d’un certain « Balthezard Andrieu, prestre chanoyne en l’esglise cathedralle de St Flour » en 1669 dans les archives du notaire Pipy.

Quant au collège de Fortet, il a aujourd’hui disparu, englobé dès 1764 dans un « collège des boursiers réunis » autour du collège jésuite Louis-le-Grand, après l’expulsion puis la suppression de la Compagniede Jésus par Louis XV.

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