Création de trois nouvelles foires à Allanche : la bonne affaire des consuls (XVIIe siècle)
Moment primordial pour le commerce, les foires se sont particulièrement développées au Moyen-Age, les plus connues étant celles de Champagne. Au XVIesiècle, ce sont les foires de Lyon qui attirent les foules, la ville étant alors le principal lieu d’importation de produits étrangers et constituant un grand centre financier où prospéraient de nombreux banquiers italiens. Cependant, loin de ces manifestations internationales, une multitude de foires locales de moindre ampleur permettaient aux marchands et éleveurs de faire des affaires près de chez eux.
En effet, bien qu’une grande foire ait ses avantages, s’y rendre n’était pas sans danger. Au coût élevé d’un déplacement pendant lequel on ne travaillait pas s’ajoutaient les difficultés à transporter des marchandises ou convoyer des animaux, ainsi que le risque non négligeable d’une attaque le long du chemin. Ces raisons sont mises en avant par les consuls de la ville d’Allanche qui réclament, en 1644, la création de trois nouvelles foires.
Il faut tout de même souligner que la démarche de ces consuls n’est pas entièrement altruiste. La foire permet aux habitants de vendre, d’acheter ou de troquer bétail, grains, fromages, vin, etc., mais elle constitue également un événement social pour la ville et, par-dessus tout, est l’occasion de lever des impôts sur les marchandises passant les portes de la cité.
Toutefois, chacun n’est pas libre de créer sa foire. Il faut pour cela l’autorisation du roi de France ou, dans certains cas comme celui du duché de Mercoeur, dont dépend Allanche, du seigneur du lieu. Ainsi, par cet acte du 17 avril 1644, Françoise de Lorraine accorde la création de trois foires à Allanche, qui viendront s’ajouter aux deux qui existent déjà.
A cette date, le duc de Mercoeur est César de Vendôme, fils illégitime d’Henri IV et de Gabrielle d’Estrées. Il a épousé en 1609 Françoise de Lorraine, qui lui apporte entre autres le duché de Mercoeur. Or, depuis 1641, Françoise de Lorraine bénéficie d’une procuration générale par laquelle son mari l’autorise à administrer tous leurs biens. Ce n’est donc pas César de Vendôme mais sa femme qui signe cette création de foires. Un sceau pendant authentifiait également le document à l’origine : le parchemin était replié sur son dernier tiers et incisé horizontalement afin de faire passer une bandelette de parchemin sur lequel était apposé le sceau. Celui-ci a disparu, mais l’incision de part et d’autre du pli est toujours visible.
Contrairement à d’autres documents du même genre, cet acte interpelle par son manque de précision : trois grands espaces ont été laissés vides à l’endroit où auraient dû être indiquées les dates des trois foires. Il faut donc supposer que les consuls seront libres de choisir eux-mêmes ces dates. Généralement, l’octroi d’une foire est bien encadré et ne se fait qu’à condition que celle-ci ne porte pas préjudice à une autre foire ayant lieu dans une ville voisine. Aucune mention de ces précautions dans ce document, alors même que le nombre de foires à Allanche, porté à cinq, est relativement élevé. La durée des manifestations n’est pas non plus précisée. Tous ces éléments suggèrent une sorte de laisser-aller inhabituel.
C’est à la lecture d’un autre document, lui aussi conservé dans les archives communales d’Allanche, qu’ils prennent tout leur sens : la résolution d’un procès entre le duc de Mercoeur et les consuls d’Allanche, datée du 16 avril 1644. Ce différend naît quatre ans plus tôt, lorsque César de Vendôme tente de contester, à tort, les privilèges de la ville d’Allanche (et notamment la levée de certains impôts), dont les habitants jouissent depuis le XVe siècle. Ayant fini par obtenir gain de cause, les consuls ont sans doute profité de leur avantage pour demander un privilège supplémentaire. On peut alors voir, dans cette désinvolture manifeste, la volonté d’en finir pour de bon avec ces sujets attachés à leurs droits et bien peu maniables.
ADC 5 E 667
(Archives communales d’Allanche)