Un bas-relief riche en symboles : la maquette de Delamarre
Inauguré en 1958, le bâtiment des archives du Cantal s’orne d’une plaque en bas-relief, commandée par l’archiviste départementale Léonce Bouyssou, et traduisant sa vision oecuménique de l’histoire. Les ayants-droit du sculpteur Raymond Delamarre (1890-1986) ont fait don de deux maquettes en plâtre de ce bas-relief aux Archives départementales, en 2011 et 2013, nous donnant l’occasion de venir admirer de plus près cette oeuvre.
Grand Prix de Rome en 1919, Raymond Delamarre est à la fois sculpteur et médailleur : il a notamment réalisé une médaille en l’honneur de Robert Garric (fondateur des équipes sociales né à Aurillac et académicien), dont les Archives conservent également les plâtres désormais (23 Fi 20). Dès 1954, il reçoit commande de Léonce Bouyssou pour réaliser une plaque décorative qui sera placée près de l’entrée du bâtiment. Du Moyen-Age à l’Empire, le tableau trace une histoire des archives de France dans la continuité.
La maquette ici exposée est le premier projet réalisé par Delamarre, elle diffère légèrement de la plaque finale. Les quatre personnages, placés différemment, sont néanmoins les mêmes : le premier à droite représente un moine, un registre à la main. Capables de lire et d’écrire, les moines sont pendant longtemps les détenteurs de la mémoire écrite, conservée dans les grandes abbayes et monastères. Sur le projet final, trois sceaux au-dessus de sa tête rappellent qu’ils sont au service des clercs (sceau en « navette » à droite, où figure un évêque assis « en majesté »), mais aussi du roi (sceau fleur-de-lysé au centre) et des seigneurs laïcs (sceau armorié, orné d’un blason, à gauche).
1194 marque un tournant dans l’histoire des Archives : défait lors de la bataille de Fréteval, Philippe Auguste est contraint d’abandonner l’ensemble de ses archives, qui tombent aux mains de Richard Coeur-de-Lion. De la même façon que la Cour du roi était ambulante, voyageant de châteaux en châteaux, les archives du royaume suivaient le souverain dans ses déplacements. Le roi, placé à la gauche du moine, et le chariot tiré par un cheval, en bas à droite de la maquette, rappellent cet épisode. La perte est considérable, les archives gardant trace, entre-autres, de tout ce qui est dû au roi, en hommages comme en nature. Cet événement décide Philippe Auguste à créer ce qui deviendra, des siècles plus tard, les Archives nationales : un dépôt unique et sédentaire, appelé le Trésor des chartes.
La Révolution française inscrit un second temps fort, en déclarant que les archives du royaume deviennent archives de la Nation : elles sont publiques et ouvertes à tous gratuitement. Armand-Gaston Camus, premier archiviste national nommé en l’an II, organise la nouvelle institution. Alors qu’il était prévu de transférer les archives de toute la France à Paris, la loi du 5 brumaire an V (26 octobre 1796) crée les archives départementales, dans chacune des circonscriptions nouvellement créées. Enfin Pierre Daunou, garde général des Archives de l'Empire et successeur de Camus, transfère en 1808 le dépôt à l’hôtel Soubise, situé dans le Marais à Paris.
Faisant audacieusement se cotoyer le régicide Camus et l’ancêtre de Louis XVI, Léonce Bouyssou nous dévoile sa vision irénique de l’histoire des archives, traçant son chemin au-dessus de toute rupture idéologique.
Les quatre blasons, celui d’Aurillac en bas à droite, et ceux de Saint-Flour, Murat et Mauriac à gauche, recentrent le sujet sur le Cantal. Entouré de quatre symboles forts, le sanglier gaulois, le lys royal, l’aigle impérial et le faisceau de licteur coiffé d’un bonnet phrygien, l’écu d’Aurillac réunit les différentes périodes de l’Histoire de France comme des éléments univoques au service d’un même peuple. L’ensemble surmonte un phylactère portant la mention « OMNIA VINCIT VERITAS » : la vérité vainc tout. Lecteurs avides de vérité, soyez les bienvenus dans la demeure où repose la mémoire, authentique et unique, de notre Nation.
23 Fi 22