Supplique adressée au pape Paul III Farnèse par six gentilshommes auvergnats (autour des années 1540)
La présentation matérielle de cet acte, appelé « indult » dans l’inventaire de la série E des Archives du Cantal, publié en 1904, a troublé ses auteurs, les archivistes successifs Ch. Aubépin (1870-1871 puis 1874-1898), R. Grand (1898-1903) et G. Esquer (1903-1909) : comme il ne ressemblait guère aux actes issus de la chancellerie apostolique, ils écrivent : « Copie sur parchemin ne présentant aucun caractère d’authenticité. Les deux premières lignes sont en énormes capitales romaines à l’encre bleue. De chaque côté, sont peintes, très grossièrement, les armes de la famille de Dienne et celles du Saint-Siège. L’écriture est mal assurée, d’aspect archaïque et manifestement imitée d’un acte bien antérieur ». Une main du XXe siècle a même ajouté, au revers de l’acte, la mention « Pièce fausse ».
C’est que ce document ne provient pas de la chancellerie apostolique, mais d'une officine privée, probablement romaine, qui rédige ces documents au profit des requérants. La supplique est décorée des armoiries du pape Paul III Farnèse (en haut à gauche, soit à la place d’honneur : écu d’or à six lis d’azur posés en orle, timbré de la tiare, le tout posé sur deux clefs en sautoir) et du premier requérant (à droite : écu parti, au 1, d’azur à un chevron d’argent accompagné de trois croissants d’or [Dienne] ; au 2, de gueules à un lion d’hermines couronné d’or, accompagné en chef à dextre d’un croissant du même [Chabannes brisé d’un croissant], le tout dans un chapeau de triomphe ; il s’agit de Jean de Dienne et de sa femme Hélène de Chabannes) afin de rendre la lettre de demande plus solennelle.
Les deux premières lignes sont écrites en lettres capitales : « PAULUS PAPA TERCIUS MISERACIONE DIVINA SERVUS SERVORUM DEI » (Pape Paul III par la miséricorde de Dieu serviteur des serviteurs de Dieu) ; cette dernière expression est usitée, pour les papes, depuis Grégoire I le Grand (590-604).
Jean de Dienne, conseiller du roi François Ier, ainsi que Louis de Foix, Jean d’Aubusson, Hugues de Laurie, Louis de Beaucler et Antoine de Montmar, demandent au pape, pour eux, leurs épouses et leurs enfants, plusieurs privilèges d'ordre spirituel : la faculté de choisir leur confesseur, la possibilité de faire célébrer chez eux la messe, le droit de recevoir une sépulture chrétienne même en période d'interdit, le changement de vœu, l’entrée des monastères de religieuses pour les femmes, l’usage des œufs, du beurre et des laitages en période défendue, etc.
Une mention manuscrite « Fiat ut petitur A » signifie : « Qu’il soit fait comme il est demandé [signé] A. » ; la lettre Aest l’initiale d’un collaborateur. Cette simple apostille (sola signatura) accordaient aux pétitionnaires, tous des gentilshommes auvergnats, ce qu’ils demandaient. Ces concessions, qui ne coûtaient rien au Saint siège, se justifient théologiquement par le pouvoir de lier et de délier (dont les clefs pontificales sont ici l’image) expressément concédé par le Christ à saint Pierre, dont le pape est le successeur (Evangile de Mathieu, chapitre 16).
Alessandro Farnese, pape sous le nom de Paul III de 1534 à 1549, avait été créé cardinal par Alexandre VI Borgia en 1493. Le palais qu’il fit construire à Rome est depuis le règne de Louis XIV le siège de notre ambassade en Italie. C’est l’un des plus beaux palais de Rome.
Le pape François, dont la famille ne fait pas usage d’armoiries, a repris les armes qu’il sétait choisies comme archevêque de Buenos-Aires : l’emblème IHS des Jésuites, une étoile et une grappe de raisin. La mitre épiscopale a remplacé la tiare.
Archives départementales du Cantal, 1 E 763