Etalons à carpeaux (1618)
Taille minimale des carpeaux de l’abbé d’Aurillac dans l’étang de Belbex (30 janvier 1618)
En 1612, Henry de Noailles, « bailly, gouverneur et lieutenant général pour sa majesté au pays d’Auvergne », avait, au nom de son fils Charles, abbé du chapitre Saint-Géraud d’Aurillac (et accessoirement évêque de Saint-Flour), affermé l’étang de Belbex à trois Aurillacois, Guillaume Condamine, Bernard Foix et Pierre Fontrouge. Les conditions étaient les suivantes : les preneurs devaient laisser chaque année dans l’étang 10 carpes mères et 600 carpeaux « de la longueur et grandeur marquées au marge dudit contract », et ils devaient chaque année à l’abbaye « neuf vingt [180] livres, 30 carpes et 10 anguilles ».
Mais les inondations du mois de juin 1612 avaient été telles que l’étang avait débordé, et que le poisson était parti « au-dessus de la chaussée de l’estang ». Les trois compères ne veulent pas payer le fermage ; le seigneur-abbé ne l’entend pas ainsi, prétendant qu’ils n’avaient pas assez bien entretenu l’étang, et, comme seigneur haut-justicier, il les fait emprisonner pour dettes.
Les parties arrivent cependant à un accord ; le terme du bail sera « la feste de Nostre Dame de mars » (25 mars, jour de l’Annonciation), parce qu’il faut du poisson en « Caresme ». Les compères doivent ré-empoissonner l’étang et avertir l’évêque des réparations à faire à la chaussée ; l’évêque, de son côté, renonce à une partie de sa créance. Les carpeaux laissés dans l’étang doivent être « de la longueur (…) marquée au marge des presentes » : la mesure de l’étalon dessiné dans la marge de gauche de la page montre qu’ils devaient faire au moins de 17,5 cmde long.
Cet acte, passé chez Fornols, notaire à Aurillac, permet aux parties en présence de régler un différend en abandonnant la procédure judiciaire. L’acte porte sept signatures : celle de l’abbé (« C. de Noailles E. de St Flour et abbé susdit ») et de son secrétaire Étienne Baluze (peut-être le grand-père du célèbre historien limousin homonyme), celle des trois compères (Condamine, Foix et Fontrouge) et, enfin, celle des deux notaires, Fornols et son collègue Lacarrière.
L’étang de Belbex a disparu ; il devait être au pied du château de l’abbé d’Aurillac, dont il ne reste plus que des ruines, mais qui a donné son nom à un quartier. Belbex signifie Bellevue : on jouit en effet, depuis les ruines du château, d’une superbe vue sur les montagnes. La position éminente du château lui permettait surtout de défendre l’un des accès de la ville.
Etangs et viviers procuraient aux seigneurs, notamment ecclésiastiques, les moyens de satisfaire aux exigences du Carême, durant lequel était prohibée la consommation de viande.
ADC, 3 E 46/22*, pièce 108