Mon Cantal secret
Ecrin de l’histoire, les Archives recèlent des trésors souvent peu connus, des documents qui attisent la curiosité par leur ancienneté, leur rareté, leur beauté. Quelques uns sont exposés ici : une partition médiévale ornée, la photographie de modillons sculptés, un fragment de sarcophage carolingien.
Mais les Archives, ce sont également des actes de l’administration quotidienne, qui passeraient inaperçus parmi tant d’autres si l’on ne se penchait sur leur contenu. Procès-verbaux, plans, lettres de dénonciation sont autant de documents banaux dans leur forme, mais si riches pour l’histoire. Il suffit de s’y pencher pour reconstituer une époque : à la narration des faits s’ajoutent les allusions aux détails de la vie quotidienne, qui apportent toute leur saveur à ces archives et les réintègrent dans leur contexte, bien loin du nôtre. Quand dans la rue du Buis s’alignaient les maisons closes autorisées, quand la cathédrale avait trois tours, quand les bals étaient interdits, quand un jeune vacher faisait tant d’allers-retours jusqu’au buron l’hiver qu’il devenait champion de ski, quand on mourrait pour la liberté de sa patrie… Ce sont moins des secrets que les épisodes d’un passé plus ou moins oublié qui sont abordés dans cette exposition.
Inaugurée à l’occasion de la parution du hors-série La Montagne « Mon Cantal secret », l’exposition est indissociable de l’ouvrage. Organisée en douze sujets thématiques, elle présente successivement des lieux, des évènements et des personnalités qui ont marqué le Cantal et qui font l’objet d’un article dans le hors-série. Les documents d’archives illustrent le travail des journalistes et le complètent en développant le sujet selon un certain axe, mais renvoient à l’ouvrage pour une présentation plus générale de chaque thème.
Mes remerciements vont à Nicolas Clément, archéologue chargé des fouilles de l’abbaye Saint-Géraud (Mosaïques Archéologie), et à La Montagne – Aurillac, en particulier Bruno-Serge Leroy. Merci également au personnel des Archives, Laure Barbet, Véronique Besombes, Frédéric Bianchi, Pierre Chanut, Christine Delmas, Laurent Joly, Sylvain Maury, Philippe Michalet et Véronique Vernier, qui ont tous participé à la réalisation et au montage de cette exposition.
Lucie Dorsy
Directrice des Archives départementales du Cantal
ALFRED JACOMIS CHAMPION DE SKI
Né en 1910 à Laveissière – et non à Albepierre comme souvent mentionné – Alfred Jacomis effectue son service actif dans le 27e Bataillon de Chasseurs Alpins. Titulaire du Brevet de skieur militaire, il sera rappelé en 1939 et affecté au Bataillon de Chasseurs Pyrénéens.
1930
1 R 1812, n° 1529
Chaque hiver les performances des skieurs locaux sont relatées dans Le Nouvelliste de Murat – Saint-Flour, et les succès de Jacomis sont nombreux depuis plusieurs années. En ce mois de février 1932, le skieur international militaire remporte un nouveau concours de ski. L’auteur de l’article – qui n’est autre que son entraîneur – en profite pour mettre en avant le talent de son protégé, assez peu reconnu semble-t-il…
27 février 1932
18 JOUR 11
Février 1936
39 FI 71
Le maillot de Jacomis portant l’inscription « Fédération Pyrénées » laisse supposer que cette photographie est postérieure à 1937.
Sans date
39 Fi 113
LES PORTES GARDIENNES DU TEMPS
L’échoppe était de petite taille, basse et obscure, ouverte sur la rue par une arcade en cintre surbaissé et retombant sur un mur d’appui appelé « taulier » servant d’étal et coupé au milieu par une petite porte. Deux grands volets de bois permettaient de fermer l’échoppe.
Très souvent une cloison de bois haute de deux mètres partageait les échoppes : la place manquait et l’arrière-boutique, fort sombre, servait de cuisine et de salle à manger au commerçant.
[2000-2004]
Cliché Maneau, 42 Fi 17
Ancienne entrée de la chapelle du collège des Jésuites dont la porte, sculptée dans du trachyte du pays en 1620, est de style baroque avec des colonnes cannelées puis ornées de feuillages de lierre et dont le fronton est particulièrement typique du style « jésuite ». En 1899, la chapelle devint le musée des Beaux-Arts d’Aurillac et en 1950, elle fut transformée en gymnase annexé au collège actuel. Depuis sa restauration en 2009, elle sert de salle de polyvalente au collège.
Un acte de vente daté du 24 juillet 1821 décrit cette maison ainsi : « Une maison sise rue du Consulat connue sous le nom de maison Niossel, composée d’un principal corps de logis faisant face à ladite rue, cour au derrière, bâtiment et mansarde au fonds de la cour, autre corps de logis ou vieille maison tombant en vétusté ayant une autre entrée du côté de la rue des Forgerons, et tous les bâtiments autour de ladite cour confrontant d’une part avec la rue des Forgerons, d’autre part avec maison et écurie de Me Courbaize, substitut de M. le Procureur du Roi, d’autre part avec la rue du Consulat, d’autre avec maison du Sieur Magnhes, chaudronnier, et sur le derrière avec maisons de diférens particuliers au nombre desquels est la demoiselle Déora ».
Aujourd’hui, cet ensemble est divisé entre plusieurs propriétaires. Cette maison a appartenu à Colinet de Niossel, ancien lieutenant criminel au baillage d’Aurillac, qui fut décapité par la foule le 12 mars 1792.
L’avant-toit de la façade principale a la particularité de posséder 24 modillons en bois peint aux embouts sculptés représentant des visages d’hommes et de bêtes qui sourient ou grimacent.
PROSTITUTION ET MAISONS CLOSES
28 février 1942
2 SC 6798
[1946 ?]
2 SC 6798
Extrait d’un rapport d’écoutes téléphoniques concernant les maquereaux Lulu et Marcel.
23 novembre 1940
2 SC 6798
LA FRANC-MAÇONNERIE
Ce diplôme de vénérable d’honneur ad vitam est donné à François Maurel, né en 1814, par la loge « La persévérante amitié » d’Aurillac. On y retrouve la plupart des symboles maçonniques : trois points, pelle, marteau, équerre, compas. La loge a été créée en 5825, c'est-à-dire, selon la tradition biblique qui date la création du monde en l’an 4000 avant Jésus-Christ, en 1825. Il n’est pas jusqu’à l’imprimeur parisien Viallet qui ne fasse suivre le « F » de « Frère » des trois points réglementaires.
1er septembre 1862
1 J 650
La loge des élus de Sully, dont les travaux furent ouverts en 1781 et qui fonctionna jusqu’à la Révolution, est composée essentiellement d’aristocrates et de notables. On retrouve les symboles de la franc-maçonnerie dans les signatures et sur le cachet plaqué.
Le tableau est daté du 24e jour du 4e mois de l’an de La Vraie Lumière 5783, soit le 24 juin 1783 selon le calendrier maçonnique, qui fait débuter l’année le 1er mars.
7 février 1918
1 J 154
LES REMPARTS D'AURILLAC
Délibération des consuls de la ville d’Aurillac concernant la réparation des murailles
« […] les premieres desdites reparations commenceront par ung petit gabion qui sera faict à la tour des Cordelliers à l’endroit de la fenestre pour servir de murtrieres sur la porte et aussy ung ravelin quy sera faict et dressé au devant de la porte des Fargues pour garder que l’on ne puisse aprocher de pont lover [du pont-levis] pour poser les petartz [les explosifs] ».
Moins de cent ans plus tard, les murailles sont toujours dans un état déplorable, comme le décrit une délibération du 16 mai 1650 : « les portes sont toutes sans pons levis et sans revelins, mesmes presque sans portes, les tours descouvertes, sans planchier, et sans galeries pour y entrer, et les muralhes entieremant ruynees, y ayans plusieurs bresches, les marchepiedz abatus presque partout, de sorte qu’on ne sçauroit marchier sur icelles pour faire les rondes » (E DEP 1500/37).
22 février 1584
E DEP 1500/33
Tracé approximatif de l’enceinte de la ville à la fin du
XVIe siècle
Hypothèse élaborée d’après le descriptif fait par Louis Farges dans Le Réveil du vieil Aurillac (22-23 août 1936, 2 BIB 10312) sur fond du plan Daudé (Musée d’art et d’archéologie d’Aurillac).
2016
V. Vernier, AD 15
LES TOURS DE LA CATHEDRALES
Deux des trois tours que possédait la cathédrale avant la Révolution sont visibles. Il s’agit de la tour au-dessus du portail nord, aujourd’hui détruite, et de l’une des tours de la façade. L’existence d’une quatrième tour, au-dessus du portail sud, reste hypothétique.
1780
1 G1
En exécution de l’arrêté « pour la destruction du fanatisme » de Châteauneuf-Randon, représentant du peuple en mission dans le Cantal et virulent partisan de la déchristianisation, les clochers de la cathédrale furent détruits en 1794.
1802
3 V 5-1
Ce projet, qui propose deux tours dissemblables, ne sera pas retenu. Par manque de crédits, les travaux envisagés dès 1802 ne sont autorisés par le ministre des Affaires ecclésiastiques qu’en 1826, uniquement pour la tour nord. La tour sud sera achevée en 1831.
1825
3 V 5-3
LA VIE DE CAMPS A ALBEPIERRE
Rapport avec plan de l’Ingénieur en chef américain sur la forêt de Murat
L’ingénieur étudie la surface et les essences à exploiter, les difficultés que présente le terrain pour transporter le bois et l’endroit où installer le camp.
7 février 1918
7 P 1203
Article de l’Avenir du Cantal annonçant l’arrivée prochaine des Américains dans le Cantal
Ce bref article n’indique pas la finalité de cette exploitation forestière : alimenter en bois le Front des tranchées.
10 mars 1918
14 JOUR 37/2
Lettre du sous-préfet de Saint-Flour adressée au préfet du Cantal, qui relate la journée du 5 décembre 1940
Lors de cette journée ont été inaugurées les premières baraques du chantier de jeunesse n° 40.
6 décembre 1940
1 W 126
[1941-1944]
Fonds Eugène Martres, 48 FI 36
Au premier plan, avec le bâton, se trouve le Général ; à ses côtés, le chef du chantier de jeunesse Le Fouest.
5 décembre 1940
Fonds Eugène Martres, 48 Fi 13
De là-haut… Camp des Arvernes
Premier numéro du journal édité par le chantier de jeunesse.
1er décembre 1940
MELANGE 15
LES BALS CLANDESTINS
Copie d’une lettre envoyée au comité départemental de la Libération par l’instituteur de Faverolles
L’instituteur s’offusque que les jeunes gens de Faverolles et des environs s’amusent et dansent trop fréquemment alors que ceux de leur âge se battent dans les Vosges, où la Libération n’est pas achevée.
13 novembre 1944
1 W 128
Procès-verbal de gendarmerie suite à la plainte formulée par l’instituteur de Faverolles à propos de bals clandestins
Le rapport souligne qu’en un mois, 14 infractions pour bals clandestins ont été dénombrées par la brigade de Ruines.
8 décembre 1944
1 W 128
Lettre adressée à M. le préfet du Cantal par une habitante de Saint-Georges, qui dénonce « un bal et festin » non autorisé, organisé au profit des prisonniers de la commune
22 avril 1945
1 W 409
Lettre du commissaire spécial chef du service des Renseignements Généraux au préfet du Cantal, au sujet du bal clandestin de Saint-Georges
Le commissaire conclut en proposant de classer l’affaire.
26 avril 1944
1 W 409
LES FUSILLES DE SOUBIZERGUES
Page de garde de l’ouvrage Soubizergues terre de sang
Arrêté en juin 1944, frère Gérard Mayet côtoiera les suppliciés de Soubizergues à l’Hôtel Terminus de Saint-Flour. Il sera ensuite transféré avec d’autres prisonniers, dont la femme et la fille du Docteur Mallet, à la caserne du 92e RI de Clermont-Ferrand, prison de la Gestapo.
1956
2 BIB 5721
Rapport du conseiller à la Courd’appel de Bordeaux Alfred Chardon sur les violations des lois de guerre et les atrocités commises par les Allemands dans le Cantal
Le docteur Louis Julhe, médecin légiste, fut appelé près des cadavres le 14 juin 1944. Il témoigne.
9 septembre 1944
1 W 358
Cérémonie d’hommage aux 25 fusillés de Soubizergues, le 27 août 1944
Compte-rendu dans le Journal La Margeride (organe des mouvements unis de résistance du Cantal).
2 septembre 1944
74 JOUR 1
Octobre 1944
Fonds André Lac, 85 Fi 9
Le Colonel Gaspard se tient debout près des sept cercueils renfermant les corps.
Octobre 1944
Fonds André Lac, 85 Fi 8
LES SECRETS DES ARCHIVES
Télégramme chiffré du sous-préfet de Saint-Flour au préfet du Cantal, demandant si les inventaires des biens des Eglises doivent se faire ou non par la force
Suite à la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905, qui confie les bâtiments cultuels aux communes tandis que leur administration revenait à des associations cultuelles, l’Etat fait procéder à un inventaire des biens des Eglises qui seront remis à ces associations. Cette initiative provoqua la résistance de certains curés et fidèles, qui la perçurent comme une profanation ou une tentative de spoliation.
17 mars 1906
2 V 66
Projet de réponse par télégramme chiffré du préfet du Cantal au sous-préfet de Saint-Flour
19 mars 1906
2 V 66
Instructions du préfet du Cantal au chef du service départemental des Renseignements Généraux organisant la sécurité du Premier Ministre Georges Pompidou lors de sa visite les 2 et 3 juillet 1966
22 juin 1966
2130 W 84
Partition ornée d’un dragon, réutilisée au XVIIe siècle pour servir de couvrure à un registre
Le parchemin étant un matériau solide mais cher, il est fréquent de trouver des actes anciens dans les reliures de registres plus récents. Il est plus rare en revanche de découvrir des documents enluminés.
[XVIesiècle ?]
346 F 107
Photographie d’un modèle de jouet déposé par l’entreprise arpajonnaise Dejou
15 février 1972
1717 W 13
Boîte utilisée pour le dépôt d’un modèle de housse pour 2 CV Citroën par l’entreprise aurillacoise Mastella
Jusqu’en 1979, les dessins et modèles étaient déposés auprès des conseils de prud’hommes, sous boîtes ou enveloppes scellées ; elles ont été versées aux Archives, au même titre que les archives papier du tribunal. Cette démarche garantissait le respect de la propriété industrielle, mission qu’exerce aujourd’hui l’Institut national de la Propriété industrielle.
6 juin 1960
1717 W 12
Testament olographe scellé
Rédigé par le testateur lui-même, ce testament fut remis au notaire Cabanes de Cros-de-Montvert, qui en accusa réception sur le document lui-même. Il est difficile de savoir pourquoi il ne fut jamais ouvert : rédaction d’un nouveau testament ? Ignorance des héritiers et négligence du notaire ?
9 septembre 1792
3 E 224/650