Marcellin Boule (1861-1942). De Montsalvy aux hommes fossiles
Né à Montsalvy voici 150 ans, professeur de paléontologie au Musée national d'histoire naturelle, premier directeur de l'Institut de paléontologie humaine (fondé voici 100 ans, en 1910, par le prince Albert Ier de Monaco), Marcellin Boule est l'auteur de publications tout à tour savantes, pédagogiques et touristiques.
Le catalogue présente ses objets personnels, légués à la commune de Montsalvy par ses descendants, exposés à Aurillac puis à Montsalvy en 2010-2011. Livres parfois annotés de sa main, photographies, diplômes, médailles, matériel de terrain, microscope, pierres taillées, souvenir, sculptures, moulages : ainsi est reconstitué l'univers du savant montsalvyen
Le cantalien
Premiers travaux cantaliens
Un volume portant la mention « Opuscules divers » regroupe les premiers articles de Boule, à partir de 1883. On y trouve un compte-rendu de la « section des sciences » de l’exposition, tenue au palais de justice d’Aurillac en 1883, dont le texte se termine par le vœu de création d’un musée municipal « d’histoire naturelle ». Outre des articles parus dans des revues savantes toulousaines, ville où Boule fit ses études de 1880 à 1886, y figure son compte rendu de la « Réunion extraordinaire de la Société géologique de France à Aurillac », présidée par son premier maître Jean-Baptiste Rames en 1884 – qui donna son nom au musée d’histoire naturelle espéré par Boule en 1883.
Collection Mairie de Montsalvy
1883-1886
La question des eaux à Aurillac : le rapport du géologue
Autour de 1900 se pose avec acuité la question de l’approvisionnement en eau de la ville d’Aurillac, dont la population croît substantiellement. Plusieurs civils et militaires sont morts de la typhoïde. Il faut organiser un captage et non plus boire l’eau de la Jordanne ou de la seule source du Morou. Une source est identifiée à Velzic par l’abbé Moulier ; c’est Boule, « professeur au Muséum », qui est chargé du rapport géologique. L’avis des experts concorde sur l’intérêt de cette solution ; les travaux sont entrepris sans retard. Cent ans plus tard, les Aurillacois boivent encore l’eau de Velzic.
ADC, 2 BIB 5490
1908
Biface acheuléen (n° 1)
Le biface (hauteur 133 x largeur 90 x épaisseur 20 mm) est en silex blond moucheté et lustré, d’origine locale (aquitanien du bassin d’Aurillac, 23,5 à 20,43 Ma). Il est l’outil typique du paléolithique inférieur et particulièrement caractéristique de l’acheuléen.
Cet outil en forme d’amande, taillé avec soin, à bords vifs et tranchants sur tout son pourtour, à base arrondie, tranchante, finement travaillée et extrémité en pointe, à symétrie bifaciale, est de faible épaisseur et il tient bien en main. La fraîcheur des arêtes et le léger lustrage indiquent que cette pièce n’a pas été roulée.
Ce silex taillé a été trouvé par Marcellin Boule en objet isolé dans l’une des carrières d’argile de Berthou (Champs-Migières), à Aurillac, dans les alluvions quaternaires.
Plusieurs savants, le Belge Aimé Rutot en tête, faisaient des éolithes, ces silex trouvés dans la carrière de Coissy au pied du puy Courny, des pierres taillées par un hypothétique homme de l’ère tertiaire. Boule démontre qu’il s’agit de pierres naturellement taillées. Et bientôt tout le monde scientifique s’accorde pour lui donner raison. Mais, à Berthou, il s’agit bien de silex taillés par l’homme quaternaire.
Collection Mairie de Montsalvy
500 000 ans à 200 000 ans avant notre ère.
[Notice de Nicole Vatin-Pérignon]
Biface acheuléen (n° 2)
Ce biface (hauteur 127 x largeur 72 x épaisseur 33 mm), accompagnant le précédent, peut appartenir au même gisement des alluvions quaternaires d’Aurillac. Outil en silex blond, de forme ovale irrégulière, à arêtes onduleuses, présentant des négatifs d’enlèvement larges mais pas de trace d’usure, est de facture plus fruste que le biface acheuléen précédent. On note, cependant, la similitude de la matière première et de la patine des deux bifaces.
Le paléolithique est un terme à connotation chronologique créé par John Lubbock en 1865 ; il désigne l’époque de la préhistoire durant laquelle l’homme était encore partout un chasseur-cueilleur . Le paléolithique inférieur s’étend entre 1,7 million d’années et 500 000 ans environ ; c’est l’époque de l’apparition du biface . L’Acheuléen succède au Chelléen (ou Abbevillien) et dure environ de 500 000 à 200 000 ans avant notre ère.
Collection Mairie de Montsalvy
500 000 ans à 200 000 ans avant notre ère.
[Notice de Nicole Vatin-Pérignon]
Portraits
Portrait du Commandeur
La médaille de bronze gravée par Paul-Marcel Dammann (1885-1939) en 1936 montre Boule de profil, âgé de 75 ans (« AETATIS SUAE LXXV »), le revers de sa veste habilement fleuri de la rosette sur canapé du commandeur de la Légion d’honneur (il avait été promu l’année précédente). Au revers, une allégorie féminine, nue et accroupie, médite sur un crâne qu’elle tient sur les genoux. Cette médaille fut offert par Boule le jeudi 27 mai 1937, à l’Institut de paléontologie humaine, pour honorer ses 50 ans travaux au Muséum national d’histoire naturelle.
Collection Mairie de Montsalvy
1936
Monaco : des grottes de Grimaldi à l'Institut de paléontologie humaine (IPH)
Les grottes de Grimaldi
Le prince Albert Ier appela Boule pour diriger les fouilles du rocher des Baoussé-Roussé, près de Grimaldi (Italie), entre Menton et Vintimille. L’imprimerie de Monaco fait une édition somptueuse du rapport des fouilles, dont la partie géologique et paléontologique est naturellement assurée par Boule. Les planches hors-texte en héliogravure sont une merveille de précision et de beauté ; le texte est agrémenté de photographies stéréoscopiques de l’auteur.
La faune pléistocène de ces grottes comprend 138 espèces ; l’étude apporte surtout une « contribution nouvelle à l’histoire paléontologique de nos mammifères actuels », soulignant que, si la théorie des « variations brusques ou discontinues par saltation » comportent du vrai, les observations de Grimaldi mettent surtout en lumière des « variations lentes et continues ». Cette dialectique du continu et du discontinu demeure l’un des axes d’analyse de la paléontologie contemporaine.
Collection Mairie de Montsalvy
1906
Plaquette en argent de l’Institut océanographique – Fondation Albert Ier prince de Monaco
L’avers de cette plaquette en argent (au titre de 950/1000) est dû à René Grégoire : l’Institut, bâti sur le rocher, au bord de la mer où croise un deux-mâts, sert de toile de fond à une naïade sommairement vêtue d’algues, étendue sous la vague, au-dessus de la devise « EX ABYSSIS AD ALTA » (Depuis les abysses vers les sommets). Au revers, un poisson effrayant ouvrant une bouche sur des dents acérées, au fond de l’eau, est environné de coraux, d’un poisson et d’une étoile de mer.
Collection Mairie de Montsalvy
1909
Médaille à l’effigie d’Albert Ier de Monaco
Cette médaille fut frappée en souvenir de la visite du prince à l’hôtel Métropole de Monte-Carlo, le 27 mars 1913, au cours du IXe congrès international de zoologie.
Le portrait d’Albert Ier est dû à Tony Szirmaï, qui grava aussi, la même année, la médaille de la société des bains de mer de Monaco.
Collection Mairie de Montsalvy
1913
Plaquette de l’Institut de paléontologie humaine – Fondation Albert Ier prince de Monaco
L’avers représente, sous l’effigie du prince de profil, le bâtiment de la rue Panhard, le tout entre des lauriers. Le cartouche, en bas, porte le nom de « M. Marcelin Boule ». Le revers, dû à René Baudichon (1878-1963), représente une allégorie féminine qui découvre dans une grotte, grâce à une torche, des ossements enfouis et un mammouth peint sur la paroi.
L’étui est décoré d’un médaillon doré : le soleil se couche sur la mer où vogue un voilier ; dans une anfractuosité de la côte dort un squelette, recroquevillé, les jambes repliées, à l’image de l’homme découvert dans la grotte de Grimaldi (dont les fouilles avaient été publiées entre autres par Boule), retrouvés avec quelques restes de parure (bracelet et coquillages).
Collection Mairie de Montsalvy
Après 1913
Diplôme de commandeur de l’ordre de Saint-Charles
Le 23 décembre 1920, Boule est fait commandeur de l’ordre de Saint-Charles, l’équivalent monégasque de la Légion d’honneur créé en 1858 par le prince Charles III. La titulature d’Albert Ier, « par la grâce de Dieu, prince souverain de Monaco », ne comporte pas les titres secondaires (que son successeur Albert II porte encore aujourd’hui) de comte de Carladès et de baron de Calvinet. Les armes de la principauté figurent en frontispice et sur le sceau plaqué sous papier : un fuselé, tenu par deux franciscains, avec la devise « DEO JUVANTE » (« Dieu aidant »), timbré d’une couronne fermée de souverain.
Boule était officier de cet ordre depuis 1906.
Collection Mairie de Montsalvy
Cravate de commandeur de l’ordre de Saint-Charles
Avers : croix émaillée blanche bordée de rouge à huit pointes, portant le chiffre de Charles III (deux « C » entrelacés) et la devise « PRINCEPS ET PATRIA » (Le prince et la patrie).
Revers : croix émaillée blanche bordée de rouge à huit pointes, portant les armes de Grimaldi (fuselé de gueules et d’argent) et la devise « DEO JUVANTE » (Dieu aidant).
Collier : rouge et blanc (couleurs de la principauté).
L’étui porte en revanche le chiffre d’Albert Ier (deux « A » entrelacés).
Collection Mairie de Montsalvy
1920
Une fondation monégasque à Paris : l’Institut de paléontologie humaine
Situé 1, rue René-Panhard, dans le XIIIe arrondissement, l’IPH, figuré sur la page de titre, a fêté son centième anniversaire en 2010. La présence du prince Albert II de Monaco aux cérémonies officielles a permis de rappeler qu’il avait été fondé par le prince Albert Ier, son trisaïeul. Dirigé, jusqu’en 1939, par Marcellin Boule, ce lieu d’étude est aussi un lieu de publication. Le premier volume de Mémoires des Archives de l’Institut de paléontologie humaine, publié en 1927, est consacré à la grotte de l’Observatoire, à Monaco. Ces fouilles, entreprises par le chanoine de Villeneuve, savant chapelain du prince savant, complètent celles de Grimaldi.
Il est frappant de voir que Boule, sceptique en matière religieuse, était entouré de collègues ecclésiastiques, tels les abbés Bouyssonie, le père Teilhard de Chardin, l’abbé Breuil et le chanoine de Villeneuve. On ne sait comment ces clercs conciliaient leur sacerdoce catholique avec le « transformisme » darwinien. Teilhard, qui s’y est risqué, n’a pas eu les faveurs du Saint-Office, c’est le moins que l’on puisse dire.
Voici ce que disait Jacqueline Marcellin-Boule de cette collaboration : « Tous les hommages que je chercherais à rendre à son esprit de tolérance ne parleraient pas aussi clairement que le rappel de l’union sacrée en honneur de son laboratoire : des prêtres y faisaient bon ménage avec des libres penseurs, un jésuite prenait familièrement le bras d’un député communiste à la vue de ses ‘anges gardiens’ en lui disant : ‘sous mon égide vous serez à couvert’, toutes les nations s’y coudoyaient, s’y toléraient. Plus démonstratif encore est le choix électif de son maître [Gaudry], catholique fervent et pratiquant et sa propre préférence pour un élève, dans une voie religieuse autre que la sienne. J’ai dit plus haut que Marcellin Boule était le contraire d’un parvenu, j’ajoute qu’il était le contraire d’un sectaire. Avec quel tact il se défendait d’effleurer les questions métaphysiques ! »
Collection Mairie de Montsalvy
1927
En collaboration avec le père Teilhard de Chardin : Le Paléolithique de la Chine
En 1928, l’IPH publie son 4e mémoire, consacré à la stratigraphie, à la paléontologie et à l’archéologie de la Chine. Outre Boule, H. Breuil (son collègue à l’IPH depuis 1910, qui devient professeur au Collège de France en 1929) et E. Licent, il compte parmi ses auteurs un Auvergnat, Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955), qui a dirigé la mission envoyée en Chine par l’IPH en 1923-1924. Le jésuite collaborait depuis 1912 avec Marcellin Boule au Muséum d’histoire naturelle. Dans une lettre du 28 mars 1931 à son « maître et ami », Teilhard dit qu’il est « celui à qui je dois tout dans ma carrière scientifique ».
Collection Mairie de Montsalvy
1928
Les grottes paléolithiques des Beni-Segoual (Algérie)
Le 13e Mémoire des Archives de l’IPH paraît en 1934. Il est consacré à des grottes paléolithiques kabyles. Boule y collabore à la partie anthropologique. Les planches de « la Norma facialis des têtes osseuses d’Afalou » ont un petit côté warholien, la couleur en moins.
Collection Mairie de Montsalvy
1934
Diplôme d’officier d’académie
Le récipiendaire est alors agrégé de l’université (depuis 1887) et « ancien attaché au Muséum d’histoire naturelle ». À 29 ans, il reçoit là sa première distinction prestigieuse ; il devient officier de l’instruction publique en 1896. Cette série de distinctions, créée en 1808, sera remplacée en 1955 par l’ordre des palmes académiques.
Collection Mairie de Montsalvy
1890
Une renommée mondiale
Chevalier de la Légion d'honneur en 1898 à 37 ans, commandeur en 1935, élu membre correspondant de quantités de sociétés savantes françaises, Marcellin Boule reçoit également des titres honorifiques des pays de trois continents. Ces diplômes et ces médailles montrent la renommée internationale du savant montsalvyen ainsi que l'existence d'une véritable "république de sciences" mondialisée, avant et après la première guerre mondiale.
Médaille d’or de l’exposition universelle de 1900 (France)
Marcellin Boule reçoit une médaille d’or comme seize autres géographes (tel Vidal de la Blache), dans le Groupe III : Instruments et procédés généraux des lettres, des sciences et des arts (classe 14 : Cartes et appareils de géographie et de cosmographie. Topographie). C’est comme « auteur de monographies géologiques très appréciées sur le Cantal et la Corrèze » qu’il est primé.
Diverses figures allégoriques dues à Camille Boignard, gravées par Adrien Didier et imprimées par A. Porcabeuf, représentent sur cette eau-forte les valeurs promues par l’exposition universelle : Arts, Paix, Travail, Force, Idéal, Pensée.
La médaille elle-même est due à Jules-Clément Chaplain (1839-1909).
Collection Mairie de Montsalvy
1900
Diplôme de membre correspondant de la société italienne d’anthropologie, d’ethnologie et de psychologie comparée (Florence – Italie)
En 1869 fut créée, à l’Istituto di studi superiori de Florence, la première chaire italienne d’anthropologie. Son premier titulaire, Paolo Mantegazza (1831-1910), fonda en 1871 la Società italiana d’antropologia, etnologia e psicologia comparata. Le diplôme de « socio corrispondente » est signé du président Mantegazza, porte un médaillon gaufré représentant, de profil, Linné et Darwin, sous les auspices desquels se place la première société d’anthropologie italienne. Fondée à Florence vingt-deux ans avant celle de Rome, elle illustre la multipolarité de la science italienne, bien différente de la centralisation parisienne.
Le diplôme est précédé d’une lettre du secrétaire, Ettore Regalia, qui explique que cette distinction est accordée au récipiendaire à cause des « éminents services rendus dans ses travaux et dans le journal L’anthropologie à la « science palethnologique » (« paletnologica », c’est-à-dire à l’étude des hommes préhistoriques dans leur milieu).
Collection Mairie de Montsalvy
1904
Diplôme de membre associé étranger de la Société géologique de Londres (Angleterre)
Déjà nommé correspondant étranger de la Geological Society of London, Boule en devient membre étranger en 1912, comme le spécifie ce diplôme entièrement rédigé en langue latine : « Marcellinum Boule (…) in sociorum exterorum ordinem ascribi voluit ».
L’acte est signé du président Aubrey Strahan (1852-1928), et scellé du sceau portant la devise « QUICQUID SUB TERRA EST » (Tout ce qui est sous terre), empruntée au poète Horace. C’est toujours la devise de la « Societas geologica Londinensis », créée en 1807 et approuvée par le roi George IV en 1825, désormais dotée d’un riche site internet http://www.geolsoc.org.uk
En 1933, Boule reçoit la médaille Wollaston de la Société géologique. Cette prestigieuse distinction scientifique avait été attribuée à Darwin en 1859 et à Gaudry en 1884.
Collection Mairie de Montsalvy
1912
Diplôme de docteur honoris causa de l’université de Liège
La distinction est décernée, sur un parchemin manuscrit, au nom du roi des Belges.
Collection Mairie de Montsalvy
1924
Diffuser la science : manuels d'enseignement secondaire et guides touristiques
Conférences de paléontologie
Masson, l’éditeur scientifique, avait une collection de Cours élémentaire d’histoire naturelle, dans laquelle Boule publie des Conférences de paléontologie à l’usage des classes de philosophie et de mathématiques A et B. Il est à noter que, si l’éditeur Masson existe encore de nos jours, l’enseignement de la paléontologie a complètement disparu du lycée.
Ce volume, dédié « à M. Albert Gaudry », porte des corrections manuscrites de Boule, inspirées par une lettre à lui adressée par un collègue dont les initiales doivent être « S. R. », puisqu’il signe, en grec, « Σ Ρ ».
L’archéoptéryx, qui mélange caractères d’oiseaux et de reptiles, est une créature du jurassique ; elle fut découverte en 1860. Son caractère hybride inspire Alfred Jarry qui , en 1897, en fait le sous-titre de sa pièce Ubu cocu : l’archéoptéryx, « préhistorique, croisé vampire-archéoptéryx, ichthyornis, avec de nombreuses qualités des chéiroptères, léporides, rapaces, palmipèdes, pachydermes et porcins ! » (acte I, scène 5), est l’enfant adultérin (dont la nativité est célébrée le 25 du mois de sable du calendrier pataphysique) de la Mère Ubu et de Barbapoux.
Collection Mairie de Montsalvy
1905
Cours d’histoire naturelle pour l’enseignement primaire supérieur
Marcellin Boule, Ch. Gravier, assistant au Muséum d’histoire naturelle et H. Lecomte, qui y est professeur, publient, à partir de 1905, un Manuel d’histoire naturelle en 3 volumes, pour chacune des années de l’enseignement primaire supérieur.
Les exemplaires ici présentés sont ceux de Marcellin Boule ; les corrections qu’il y fit au crayon montrent son souci de toujours améliorer ces ouvrages didactiques, agrémentés d’illustrations claires, au fil des rééditions.
Au sujet du précis de géologie à l’usage de l’enseignement secondaire, Jacqueline Boule a écrit : « Ce petit classique eut un nombre d’éditions si peu… classiques, qu’il faisait dire à son auteur avec une bonhomie nuancée de coquetterie : ‘C’est la seule affaire que j’ai réalisée de ma vie, moi si peu façonné pour en faire’ ».
Collection Mairie de Montsalvy
1905 et 1907
Le Cantal
L’autre mode de diffusion qu’utilisa Boule pour la science est la littérature touristique. Il dirige chez Masson, son éditeur, une collection de Guides du touriste, du naturaliste et de l’archéologue. Le premier volume, publié en 1898, est – à tout seigneur tout honneur –consacré au Cantal. La préface présente les objectifs de la nouvelle collection : « au moment où se produit en France un mouvement considérable en faveur des études géographiques, des voyages d’instruction et du tourisme, nous avons cru devoir attirer l’attention du public sur un des pays les plus intéressants et les plus pittoresques de notre France si belle et si variée ». Le Guide aura une visée savante (donner « l’état actuel de nos connaissances ») et pratique (pour les visiteurs) : « c’est à la fois une monographie et un guide », pour « associer (…) les plaisirs de l’esprit aux plaisirs des yeux ».
Outre Boule, l’ouvrage est écrit par Louis Farges, archiviste paléographe et cantalien. Pierre Duclaux (l’un des fils d’Émile) a écrit une notice sur l’agriculture, et Pierre Marty a envoyé quelques dessins. Boule termine sa préface par un hommage à Jean-Baptiste Rames (1832-1894), « notre maître et ami si regretté (…) lui, qui, le premier, nous initia à l’histoire de nos montagnes et nous apprit à les aimer ».
Collection Mairie de Montsalvy
1898
Les « guides Boulle » (sic) récompensés
En 1911, la Société de géographie commerciale de Paris attribue sa « médaille Meurand » à Boule pour sa collection de guides. L’avers, dû au médailler Louis-Alexandre Bottée (1852-1940), représente un curieux Mercure féminin, coiffé d’un casque ailé et tenant un caducée, couronné de laurier (emblème d’Apollon) par une autre femme : cette allégorie hybride doit probablement représenter la « géographie commerciale ». Les deux femmes, sur fond de port (la mer, un navire et un phare) sont debout sur le quai, où sont posés divers objets : ruche, roue dentée, globe terrestre, tonneau, enclume, longue-vue, etc.
Comme l’indique la notice de la médaille, « le nouveau Guide, vrai modèle du genre, à la fois érudit et pratique sous une forme élégante et même coquette, sera fort apprécié des touristes, qui – chaque année plus nombreux, et ils ont bien raison – se dirigent vers la vieille terre des volcans éteints ».
Collection Mairie de Montsalvy
1911
Professeur de paléontologie au Muséum d'histoire naturelle de Paris
Médaille du centenaire du Muséum
L’avers montre sagement une ruche entourée de deux rameaux d’olivier, avec l’inscription « LE 10 JUIN 1893 LE MUSEUM D’HISTOIRE NATURELLE CELEBRE LE CENTENAIRE DE SA FONDATION ». Le revers montre une femme nue en pied, les cheveux longs dénoués ; de la main gauche, elle enlève le voile qui la recouvre encore, tandis que, de la main droite, elle soutient son sein gauche. Le voile découvre aussi un lion derrière la femme. En bas à gauche de la médaille coule un flot, tandis qu’en haut à droite brille le soleil. La légende explicite la tenue et le geste de la femme : « VELIS AMOTIS SCIENTIA APPARET NATURA » (Une fois les voiles enlevés apparaît la nature de la science). Cette agréable scène, qui ne donne pas de la science une image trop austère, est due au médailler Louis-Alexandre Bottée (1852-1940).
Collection Mairie de Montsalvy
1893
Médaille frappée à l’occasion de l’édification des nouvelles galeries du Muséum
Boule fut chargé de l’aménagement de la galerie de paléontologie (ce qui lui valut la légion d’honneur) sous la direction de son maître Gaudry qui expliquait en ces termes l’objectif de cette galerie : « Si l'homme ne peut lire dans l'avenir, et c’est là une des plus dures épreuves de sa destinée, il peut essayer de lire dans le passé ».
Le paléographe déchiffre les traces écrites d’un passé récent (4000 ans au plus), tandis que les archives non écrites du paléontologue ont plusieurs centaines de milliers, voire plusieurs millions d’années.
Collection Mairie de Montsalvy
1898
Disciple de Gaudry
En 1886, Boule entre au Muséum ; il va bientôt y devenir le disciple préféré d’Albert Gaudry (1827-1908). Une plaquette est frappée en l’honneur du maître en 1900. A l’avers, il porte le buste de profil ; au revers, sous l’inscription « A ALBERT GAUDRY PALEONTOLOGISTE SES ELEVES SES AMIS SES ADMIRATEURS 1900 », une allégorie féminine de la paléontologie creuse la terre d’une pioche pour en extraire un énorme fossile. Sous l’allégorie, l’inscription « PIKERMI 1855-1860 » rappelle le séjour que fit Gaudry dans cette ville de Grèce entre 1855 et 1860, durant lequel il récolta la matière de son maître ouvrage, Animaux fossiles et géologie de l'Attique (2 volumes, 1862-1867).
Les dessins de ce médaillon sont signés « F. Vernon » ; il s’agit probablement de Frédéric-Charles Victor de Vernon (1858-1912), sculpteur et graveur de médailles.
Collection Mairie de Montsalvy
1900
Boule, fondateur et directeur des Annales de paléontologie
En 1903, Boule a succédé à Albert Gaudry à la chaire de paléontologie du Muséum d’histoire naturelle de Paris. Dès 1905, il entreprend la création d’une publication nouvelle, Les annales de paléontologie, à laquelle Gaudry « envoie ses vœux ». Dans l’introduction, il affiche sa préférence pour, d’une part, « les travaux de paléontologie stratigraphique ou de systématique pure, dont le but principal ne sera pas la multiplication des genres et des espèces », puisque « mieux valent des choses sans noms que des noms sans choses » et, d’autre part, pour les « travaux de paléontologie philosophique ».
La première année, Boule publie lui-même un article sur « Les grands chats des cavernes », illustré, notamment, par le squelette fossilisé de lion trouvé dans la caverne de L’Herm (Ariège), et offert au Muséum par Edmond de Rothschild.
Collection Mairie de Montsalvy
1906
Médaille à l’effigie de Lamarck
Lamarck (1744-1829) est, cinquante ans avant Darwin, le père fondateur de l’évolutionnisme, même s’il l’exprime avec prudence en 1809. Le transformisme lamarckien a été souvent résumé par une phrase simple, voire simpliste : « La fonction crée l’organe ».
Au revers de la médaille, on trouve l’inscription « MUSEUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE » avec, dans le cartouche, « Mr Boule. Professeur au Muséum ».
Collection Mairie de Montsalvy
Après 1903
Eprouvettes pour échantillons
Ces petites éprouvettes ne contiennent plus que du coton et une fiche à l’en-tête du Muséum (Paléontologie), où sont inscrits, après la définition de l’échantillon, le terrain et la localité dans lesquels il a été trouvé.
Collection Collège « Marcellin-Boule » de Montsalvy
1e tiers du XXe siècle
Les hommes fossiles
L’homme fossile de la Chapelle-aux-Saints
En 1908, les abbés Amédée et Jean Bouyssonie découvrent, dans le canton de Beaulieu-sur-Dordogne (Corrèze), un squelette qui les intrigue au point qu’ils en confient avec confiance l’étude et les restes au jeune professeur du Muséum, lequel le publie dans le tome VI des Annales de paléontologie en 1911.
Collection Mairie de Montsalvy
1911
L’œuvre maîtresse : Les hommes fossiles
En 1920, Boule publie une synthèse intitulée Les hommes fossiles. Éléments de paléontologie humaine. L’ouvrage, réédité et enrichi en 1923, a pour objet « de soulever un coin du voile cachant à[ l’homme] à la fois l’humilité de ses origines et la gloire de son ascension ». Cet exposé très clair et très convaincant du rapprochement étroit entre « le rameau humain » et les « rameaux simiens » souleva l’enthousiasme des milieux scientifiques et suscita aussi « l’ardente et légitime curiosité du public ». C’est grâce aux « hommes fossiles » que Boule se fit un nom dans le grand public.
Collection Mairie de Montsalvy
1923
Fossil Men
La seconde édition française des Hommes fossiles est publiée, dès 1923, en langue anglaise, à Edimbourg. Les traducteurs, Jessie Elliot Ritchie et James Ritchie, dans leur introduction, expliquent la prééminence française en matière de connaissance de l’homme préhistorique par sa « position géographique », qui a permis au sous-sol français de conserver nombre d’hommes fossiles, lesquels ont eu ensuite la « chance » de « tomber entre les mains d’un scientifique aussi compétent que le Professor Marcellin Boule ».
Collection Mairie de Montsalvy
1923
Revue L’anthropologie
Boule n’est pas anthropologue, c’est un géologue passé à la paléontologie sous l’influence de son maître Albert Gaudry (1827-1908). La paléontologie humaine amène tout naturellement Boule à l’anthropologie. Il dirigea, avec René Verneau, la revue L’anthropologie, publiée tous les deux mois par l’éditeur Masson. Depuis son origine en 1890, elle a joué un rôle fondamental dans le développement des sciences préhistoriques et anthropologiques, et reste aujourd'hui l'une des premières revues internationales de cette discipline. Elle publie cinq fois par an des mémoires originaux, des nouvelles d'actualité et des analyses d'ouvrages, dans le domaine de la géologie du quaternaire, de l'environnement de l'homme fossile, de la paléontologie humaine et de la préhistoire. Son rédacteur en chef actuel est Henri de Lumley, ancien directeur du musée de l’homme et successeur de Boule à la tête de l’Institut de paléontologie humaine.
Collection Mairie de Montsalvy
1922 (n° 32) et 1929 (n° 39)
Le matériel du savant
Microscope
Ce microscope a été offert à Boule en 1891 par l’Académie des sciences. A 30 ans, Boule représente l’avenir de la science française. Plus tard, il ne sera candidat qu’une seule fois à l’Académie des sciences, en 1908, à la mort de son maître Gaudry ; mais la « cuisine électorale » le dissuadera à jamais de s’y représenter.
Ce magnifique instrument, qui a conservé l’essentiel de son optique et ses lamelles, est l’un des grands modèles de la maison « Nachet, à Paris ».
Collection Mairie de Montsalvy
1891
Grattoir aurignacien
Ce grattoir en silex (hauteur 85 x largeur 35 x épaisseur 22 mm) du début du paléolithique supérieur (Aurignacien), est de forme simple à front semi-circulaire dégagé. La face supérieure est plus travaillée que la face inférieure. Cet outil est à fonction mixte probable (grattoir et burin) et à usage multiple ; il est typique de l’industrie aurignacienne.
L'Aurignacien a été défini par Henri Breuil et Émile Cartailhac (1845-1921, professeur de Boule à Toulouse) en 1906 à partir de l'industrie lithique de la grotte d'Aurignac ( Haute-Garonne ), fouillée par Édouard Lartet (1801-1871) en 1860.
Collection Mairie de Montsalvy
35 000 ans avant notre ère.
[Notice de Nicole Vatin-Pérignon]
Grattoir et outil à pointe aurignaciens
Ce grattoir (hauteur 80 x largeur 42 x épaisseur 14 mm) et cet outil à pointe trouvé en 1901 (hauteur 90 x largeur 26 x épaisseur 8 mm) sont des silex taillés au début du Paléolithique supérieur (Aurignacien). Ils sont typiques de l’outillage lithique (lame en silex, grattoir, outil pour perforer, pointe retouchée) de l’industrie aurignacienne, liée à l’industrie osseuse. Il est possible que ces outils proviennent de Dordogne (?).
Collection Mairie de Montsalvy
35 000 ans avant notre ère.
[Notice de Nicole Vatin-Pérignon]
Mémoire du grand homme : Aurillac et Montsalvy
1962 : un centenaire en retard
Les samedi 23 et dimanche 24 juin 1962 se succédent toute une série de manifestations organisées par la Société de la Haute-Auvergne. Le samedi soir, l’hommage solennel rendu par Abel Beaufrère précède les témoignages de ses élèves J.-P. Lehman et Jean Piveteau.
Le dimanche, une fois achevée l’inauguration de la stèle à Aurillac, le cortège officiel se dirige vers Montsalvy. Après un plantureux banquet, une plaque est dévoilée sur la demeure de Boule, et le collège d’enseignement général « Marcellin Boule » est inauguré.
ADC, 3 J 32 (fonds André Muzac)
1962