Manhattan-sur-Jordanne : la Dorinière a 50 ans
La Dorinière : il y a de quoi être intrigué par la fascination des Aurillacois pour une « grande barre » des Trente glorieuses, au point que le quotidien local lui a consacré un feuilleton à succès pour son cinquantenaire, et que les Archives départementales lui dédient désormais une exposition. Tout se résume-t-il à l’étonnement devant ce que certains ont perçu comme une incongruité architecturale, celle d’un « Manhattan sur Jordanne » ? Les choses sont plus complexes : il y a là un beau cas de « fascination-rejet », de propension à sublimer l’ordinaire tout en le décriant ; et à le constituer de ce fait en matériau identitaire.
« La Dorinière », c’est un nom, d’abord. Il porte toute la richesse et les méandres de la fonction toponymique. Féminin, il atténue inconsciemment le possible sentiment d’agression faite au paysage par « un » immeuble (masculin…). Sans étymologie a priori évidente, il a un côté caché, secret. Sans doublon toponymique local, ce nom d’origine apparemment vendéenne singularise le lieu dont il est le marqueur. Bien peu d’Aurillacois savent qu’il renvoie à la famille éponyme installée à Aurillac au XVIIIe siècle : Nicolas puis Jean-Baptiste Dorinière étaient conseillers du roi et receveurs des tailles, et leur hôtel particulier de la rue du Rieu, devenu siège de la première préfecture, puis bureau de poste, était réputé comme le plus fastueux de la ville. Si la famille, malgré sa disparition, a finalement perpétué son empreinte, c’est donc par le truchement de l’un de ses biens fonciers en périphérie de la ville (elle possédait aussi Tronquières et un moulin qui n’a porté qu’un temps son nom, éclipsé par celui des tanneurs Barthélémy).
La Dorinière, « c’était un champ », se sont souvenus en effet les « vieux Aurillacois » interrogés par le quotidien local pour le cinquantenaire du bâtiment. Certes, il n’y a pas eu à cet emplacement de constructions « en dur » jusqu’à celle du grand immeuble, mais ils oubliaient au passage qu’en cet emplacement, dans les années 1940, des baraquements accueillaient des réfugiés républicains espagnols, et quelques autres étrangers, dont des Juifs : c’est ce qui vaut à Aurillac de figurer sur la carte des « camps d’internement » en France à la fin de l’Occupation (Denis Peschanski, La France des camps. L’internement, 1938-1946, Paris, Gallimard, 2002, p. 460). Étaient également logés dans ces baraquements des élèves de l’école nationale de Marine, réfugiée à Aurillac.
Cependant, la partie de la parcelle la plus proche de la rivière était restée à découvert, avant d’accueillir le collège de la Jordanne en 1966. Prairie longtemps inondable, La Dorinière constituait donc bien, à la fin des années 1950, une sorte de reliquat rural dans une périphérie méridionale de la ville qui avait absorbé le gros du flux de l’urbanisation depuis les années 1860. Les premières matrices cadastrales (1812) parlaient de « pré », désormais partagé entre trois familles de l’élite locale : Esquirou, Boudet, Delzons. Dans cet espace aux parcelles de grande ampleur (la sienne même représentait plus de 4 ha), et suffisamment éloigné du cœur de la ville historique pour éviter les nuisances, c’étaient d’abord des établissements industriels ou scolaires, requérant des surfaces importantes, et possiblement pollueurs pour les premiers, qui avaient pris place : abattoirs (1865), institution Saint-Eugène (1882), distillerie Chanabier, briqueterie Rispal (1886, et sa cheminée de 1904), usine Bar (travail du bois, 1903), Sodibra (bière, 1920). C’est dans un second temps que l’habitat s’y est développé, en s’insérant dans les interstices : d’abord des constructions pavillonnaires privilégiant la bordure des grands axes structurants (années 1910-1920 notamment), puis, à compter des années 1950, de l’habitat collectif, forme caractéristique de l’époque, propre à absorber la forte demande en logement en détournant les utopies des urbanistes de la lignée de la « Charte d’Athènes », propre aussi à offrir à tous un confort inégalé grâce aux économies d’échelles. Pour le promoteur privé, il y avait là également la possibilité de maximiser le retour sur investissement, la construction en hauteur démultipliant la surface commercialisable. L’édification de La Dorinière par le comte d’Ussel, propriétaire du terrain hérité de ses ancêtres Esquirou de Parieu, s’est donc pleinement inscrite dans ce cadre. À proximité, l’immeuble du Bar, en 1957-59, avait donné l’impulsion, suivi de peu par celui du Cayla, avant la Dorinière. Ils’agissait là d’immeubles destinés à la copropriété. C’est beaucoup plus au sud ou tout au nord, aux périphéries extrêmes de la ville, que se sont concentrés les ensembles collectifs HLM des Trente glorieuses : aux Camisières (1953, 54), à la Remonte (1956), en attendant La Montade (1968).
Mais alors que les ensembles élevés jusque là se limitaient à quelques dizaines de logements, la fin des années 1950 a marqué un passage à une échelle supérieure : il a été amorcé par la Cité de la gare, en logement aidé (1958 : 120 logements du Foyer cantalien, coopérative HLM), la Dorinière en annonçant d’abord 222 ; le Foyer cantalien a poursuivi aux Alouettes avec un ensemble de 142 appartements (1962), et La Montade a atteint les 424. Il y a eu là en partie les effets d’une réponse à la forte reprise de la croissance urbaine (Aurillac, de 22 000 habitants en 1954, passe à 24 500 en 1962, 28 000 en 1968, près de 31 000 en 1975), prenant place aussi dans une active politique nationale impulsant la construction de logements à compter de 1953-54.
Ce faisant, c’est une architecture non seulement non vernaculaire qui s’est imposée (celle de la deuxième moitié du XIXe, déjà, ne l’était plus), mais aussi en rupture avec les formes traditionnelles de l’habitat : le toit, à pente unique ou à deux versants, encore présent aux Camisières, à la Remonte, ou dans les ensembles du Foyer cantalien, disparaît dans les constructions proches des avenues des Pupilles et des Volontaires, celui de La Dorinière innovant même avec un système de pentes inversées – non visibles, en tout cas, de l’extérieur. Loin de susciter une réprobation d’essence paysagère – les critiques à l’égard de La Dorinière, sur le moment, portent davantage sur son gigantisme, mettant en doute sa solidité, que sur son esthétique – ces formes nouvelles semblent fonctionner auprès des contemporains comme des marqueurs d’urbanité et d’entrée en modernité, perçus positivement. Les cartes postales, destinées à porter au loin l’image d’Aurillac, ne lésinent pas sur les vues générales de la ville nouvelle, avec ses grandes masses blanches. En cela, la confection d’un nouvel enduit, orange et gris, en 1983, a signé l’amorce d’une modification des regards : il était là pour habiller, individualiser, intégrer, comme cela avait commencé à se pratiquer pour de grands bâtiments tant commerciaux ou industriels que d’habitat à compter de la fin des années 1970. L’ampleur de l’édifice, certes, fait qu’ici cette quête d’intégration se transforme en étendard. Mais la dépréciation de la grande barre est bien signifiée, en une époque où les constructions pavillonnaires avaient de nouveau pris le pas, gagnant de plus en plus l’espace périurbain.
Dans un quartier qui avait parallèlement entrepris sa requalification fonctionnelle, avec un abandon ou un desserrement des activités industrielles (Rispal et la Sodibra ferment au milieu des années 1960, Bar déménage à Naucelles), les friches n’ont donné lieu qu’à la construction de résidences de faible hauteur et d’envergure au sol réduite, toujours en copropriété. La conversion fonctionnelle à venir du vaste enclos de l’institution Saint-Eugène annonce également un renforcement de l’habitat, vraisemblablement à bon niveau de standing. Ici réside sans doute, au-delà de l’attachement identitaire à la Dorinière et du satisfecit des habitants qui y sont installés, une forme de malaise qui se manifeste dans la difficulté actuelle à commercialiser ses appartements : dans un quartier de classes moyennes, d’habitat « à taille humaine », il ne peut s’empêcher de projeter, par sa forme architecturale, une évocation de la « banlieue à problème », alors même qu’il a été pensé, et qu’il est vécu, comme un lieu de confort et de qualité de vie, proche du cœur de la cité, promontoire artificiel exceptionnel pour admirer la « ville à la campagne » où il a pris racine.
Vincent Flauraud
Président de la Société des lettres, sciences & arts « La Haute-Auvergne »,
Maître de conférences à l’université de Clermont-Ferrand
Plan cadastral (section D 1)
A la fin du Premier Empire, la Dorinière est un pré que se partagent trois familles de notables aurillacois : les Boudet, les Delzons et les Esquirou. Le chef de cette dernière famille est alors Pierre Esquirou Puechmège, père d’Hippolyte Esquirou de Parieu, futur maire d’Aurillac (1791-1876) et grand-père de Félix Esquirou de Parieu, futur président du Conseil général du Cantal et du Conseil d’État (1815-1893).
3 P 470/1
1812
Lettre du directeur des Ecoles techniques de la marine au préfet
C’était la première fois, en 1943, et depuis bien longtemps, que la mer arriva à Aurillac. Les Écoles techniques de la Marine ont fait « aménager » les baraquements qui avaient accueil des réfugiés et des Juifs ; les élèves étaient priés de venir sans leur famille. Mais les élèves ayant des enfants, ainsi que l’encadrement, furent accueillis dans des logements réquisitionnés – d’ailleurs non sans mal : c’est déjà, du fait de la guerre et de l’afflux des réfugiés de toute sorte, la « crise du logement ».
1 W 249
10 novembre 1945
Déclaration de la succession de François, Marie, Jacques, comte d’Ussel
Le comte d’Ussel était mort le 7 décembre 1941 à Lyon. Le 6 avril 1943 est déclarée la partie cantalienne de sa succession. Il s’agit de trois prés situés dans la partie méridionale d’Aurillac : Soulery (16 hectares, non loin de l’usine Matière), Berthou (10 hectares ; parcelles vendues en 1950 – vente assortie d’un don important – où seront érigés l’église et l’institution Saint-Joseph) et les 4 hectares de la Dorinière. Ces prés deviennent indivis entre les cinq enfants : Guillaume, Marguerite, Antoine, Hélie et Jean, dont la filiation est expliquée par la généalogie.
6 avril 1943
3 Q 1355
Statuts de la Société civile immobilière de la Dorinière
Par acte sous seing privé, Jean d’Ussel crée, avec Mademoiselle Marie Caron et Mme Vigier, née Éliane Ponchon, une SCI qui porte le nom du terrain dont il possède alors 80 %. Le but est « l’acquisition, l’exploitation, la mise en valeur par tous les moyens du terrain », notamment par l’érection « d’un ou plusieurs immeubles à usage d’habitation ». Le capital est de 40 millions d’anciens francs ; Jean d’Ussel apporte, avec les 80 % du terrain, 30.000 parts de 1.000 francs. Ses associées apportent chacune 5 millions de francs en numéraire.
20 mars 1958
3 Q 1108
Chronologie des opérations de la SCI « la Dorinière »
Le dossier de suivi de l’opération immobilière tenu par les bureaux de la préfecture comporte un récapitulatif :
- La « grande Dorinière » (bâtiment A) est projetée en 1959, approuvée en 1960, construite en 1960-1962 : elle reçoit un certificat de conformité le 22 décembre 1962.
- La « petite Dorinière » (bâtiments B) est approuvée en 1962 et construite dans la foulée.
- Le bâtiment C, immeuble de 16 étages projeté près de la Jordanne en 1963, ne verra jamais le jour.
1964
3 SC 4079
Vente par Antoine d’Ussel à la SCI la Dorinière du dernier cinquième du terrain
La SCI est constituée depuis 4 jours ; pour que l’opération immobilière puisse démarrer, il importe qu’elle possède tout le terrain. Les derniers 20 % sont vendus non au tarif du terrain agricole, mais au prix du terrain à bâtir : 10 millions d’AF !
24 mars 1958
3 Q 811
Une barre à Aurillac : plan du bâtiment A
La barre aurillacoise, qui fait 9,66 m de large, comporte 5 cages d’escalier (et 5 ascenseurs) desservant chacune deux appartements. Parmi ces dix appartements on trouve deux F 2 (37 m²), trois F 3 (de 48 à 56 m²), quatre F 4 (67 m²) et un F 5 (78 m²). Les chambres mesurent entre 9 et 10,80 m², et les séjours, entre 15 et 15,5 m².
3 février 1959
61 Fi 270
Une barre à Aurillac : coupe du bâtiment A
Les architectes C. Duchemin, J.-C. Morin et P. Terrisse (architecte aurillacois dont les plans ont été déposés aux Archives départementales par le cabinet Estival, auquel dont fils Charles fut l’associé) ont prévu douze étages avec 2,70 m sous plafond (2,50 au dernier étage), ce qui fait quinze niveaux en tout (avec un rez-de-chaussée de 3,50 m sous plafond et deux sous-sols). L’ensemble fait 37 m de haut, et c’est toujours l’immeuble d’habitation le plus haut du Cantal.
3 février 1959 (modifié le 23 juillet 1959)
61 Fi 270
Répartition du terrain en lots
La « verdure », ici matérialisée par la couleur, était un élément important des projets immobiliers des Trente glorieuses, comme en témoigne par exemple l’ouvrage de vulgarisation de P. Lelièvre, La vie des cités, Paris, 1950 : « permettre aux habitants le repos dans le calme, dans la verdure et dans une atmosphère saine ».
Les photographies de « barres », au moment de la construction, insistent sur le caractère aéré de ces immeubles plantés au milieu d’une verdure que le soleil fait resplendir et où l’air circule sans entrave, contrairement aux centres urbains alors décatis. Cinquante ans après, force est de constater que l’image (et la réalité) de ces immeubles s’est dégradée.
Esquisse au crayon et colorée
30 octobre 1959
61 Fi 270
Répartition du terrain en lots
La parcelle I, délimitée par l’avenue des Pupilles de la nation, l’enclos Dumas, la Jordanne et l’enclos Rispal, était divisée en cinq : le lot A, sur lequel fut construit le bâtiment A (dit la « grande Dorinière ») ; le lot B, sur lequel furent construits les bâtiments B 1 et B 2 (la « petite Dorinière ») orthogonaux entre eux, au lieu du grand et unique bâtiment, parallèle à l’avenue comme le bâtiment A ; le lot C, où était prévue une tour de 16 étages qui ne se fit jamais ; le lot D, où était prévu que l’association départementale de l’éducation nationale construisît un « centre culturel » ; le lot E réservé au parking.
La parcelle II, en vertu du « plan d’aménagement d’Aurillac » était destinée à un lycée de jeunes filles ; c’est aujourd’hui le collège de la Jordanne.
1ernovembre 1959
61 Fi 270
Programme des constructions et des aménagements projetés
Les bâtiments A, B et C devaient contenir respectivement 120, 36 et 64 logements (soit 220 logements en tout) et compter respectivement 12, 6 et 16 étages. Les rez-de-chaussée sont à usage partiellement commercial ; une station-service (supérette 2011) complétait le bâtiment A. Il est précisé que « le sol à état de prairie est sain en raison de sa composition d’alluvions de gros volume, parfaitement perméables » : le Manhattan aurillacois est construit sur le lit de la Jordanne, ce qui nécessita des fondations spéciales et explique les deux sous-sols.
Ce programme est présenté conjointement par Jean d’Ussel, gérant de la SCI, et par les architectes.
15 décembre 1959
3 SC 4079
Demande d’autorisation de création d’un groupe d’habitations
Le bâtiment C, presque carré, devait s’élever à 48,25 mde hauteur, ce qui aurait pulvérisé le record, toujours détenu dans le Cantal par le bâtiment A (37 m).
Ces tailles font sourire lorsqu’on les compare avec les grandes tours de Dubaï (Burj Khalifa, 828 m) ou de Chine (Sky City Center, 838 m) – sans parler des projets saoudiens aspirant au kilomètre. Mais cette course au gigantisme babélien procède de la même affirmation de prospérité et de modernité.
s.d. [1959]
61 Fi 270
Le « comte Jean d’Ussel », gérant de la SCI, le préfet Guy Malines et l’architecte Pierre Terrisse († 17 août 1961) examinent la maquette des trois bâtiments. Jean d’Ussel remercie le préfet pour son aide, le sénateur-maire Piales, le Crédit foncier, maître de Surrel son notaire et les architectes. Le préfet Malines indique à Jean d’Ussel que son projet, « d’autant plus nécessaire que la ville est en pleine expansion », est « conforme à l’intérêt général ». Et l’auteur de l’article (G. D.) de conclure : « Donc de nouveaux immeubles vont encore s’édifier à Aurillac. On construit partout. Dans le cœur de la ville on détruit même pour construire. Partout, d’immenses grues dressent dans le ciel leur silhouette métallique. On finira tout de même par la juguler, cette fameuse crise du logement ».
1er juillet 1960
31 NUM 4600 ; cliché La Montagne
Le préfet pose la première pierre – même si les deux sous-sols sont déjà construits et que la grue de l’entrepreneur Elion a commencé son travail depuis quelques temps.
1er juillet 1960
31 NUM 4601 ; cliché La Montagne
Sur la prairie a été posé un buffet arrosé de champagne servi par une dame souriante portant le saint-esprit auvergnat, et derrière laquelle se détachent les maisons de l’avenue des Pupilles.
1erjuillet 1960
31 NUM 4598 ; cliché La Montagne
Derrière la maquette posée en situation se détachent, suivant l’angle pris par le photographe ; l’usine Rispal ou le Puy Courny.
1er juillet 1960
31 NUM 4602 à 4605 ; cliché La Montagne
Vente à la ville d’Aurillac de la parcelle située près de la Jordanne
Le 30 juin 1960 avait déclaré d’utilité publique l’acquisition d’un terrain « destiné à la construction d’un logement de jeunes filles » de 28.032 m². La SCI cède cette parcelle à la ville pour 250.000 NF (soit 25 millions d’AF).
10 septembre 1960
3 Q 827
Plan d’un appartement F 2 du bâtiment A
Plus de 37 m², un séjour doté de deux fenêtres, une salle d’eau comportant douche et lavabo, des WC séparés : pour des nouveaux Aurillacois venant de la campagne et ayant grandi dans une maison sans eau courante ; pour d’anciens Aurillacois ayant connu l’insalubrité du centre ancien, ce F 2 confortable, aéré et propre apparaissait évidemment comme un eldorado.
13 septembre 1960
61 Fi 270
Plans de toitures et plan de masse des bâtiments B 1 et B 2
Le bâtiment B prévu initialement était unique : parallèle à l’avenue (et au bâtiment A), il aurait dû contenir 36 logements dans 6 étages et mesurer plus de 55 mètres de long.
Le projet est modifié. Il comporte désormais deux bâtiments : le bâtiment B 1, parallèle à l’avenue, compte 8 étages et mesure 33,66 m de long. Le bâtiment B 2, orthogonal à l’avenue et au B 1, compte 4 étages et mesure 36,13 m de long.
28 février 1962
61 Fi 270
Arrêté du préfet du Cantal refusant le permis de construire du bâtiment C
16 étages, 48,25 m de hauteur : cette fois, c’était trop pour Aurillac. Le règlement d’urbanisme de la ville plafonne les constructions nouvelles à 20 m ou sept étages habitables ; les voisins, et notamment le chirurgien-dentiste Dumas, n’ont pas donné leur accord en ce qui concerne les servitudes de prospects ; les mesures de défense et de sauvegarde contre l’incendie ne sont pas prévues ; enfin la construction est incompatible avec la création du lycée de jeunes filles sur la parcelle voisine. Le préfet Raymond Long, en refusant le permis de construire au bâtiment C, signe la fin du projet de la Dorinière. Le terrain C est exproprié, au profit de la ville ; il est rattaché à la parcelle vendue le 10 septembre 1960 par la SCI, et l’ensemble est aujourd’hui occupé par le collège de la Jordanne.
20 août 1963
3 SC 4079
« Un monument aurillacois »
Jean-Claude Champeil, dans son 3e tome des Vies de Cantaliens du XXe siècle, consacre en 2008 plusieurs pages à la Dorinière, présentée comme un « monument aurillacois ». Comme le fera la Montagne en février 2012, il recueille le témoignage d’habitants et décrit l’évolution de cette barre de copropriétaires jusqu’au début du XXIe siècle.
2008
8 BIB 2685
« 1962-2012. Aurillac 50 ans de la Dorinière »
Entre le lundi 20 et le vendredi 24 février 2012, La Montagne publia cinq doubles pages consacrées à ce « bâtiment emblématique ». Thibault Jourdan, évoquant la construction, souligna le « manque criant d’archives techniques » conservées par la SGI, représentante des copropriétaires. Rien de tel pour piquer la curiosité des archivistes : l’exposition est née de là…
20-24 février 2012
La Montagne, édition du Cantal
La Dorinière, c’est d’abord l’histoire de la circulation toponymique et onomastique d’un nom. Lieu et famille de l’ouest de la France ; famille installée à Aurillac sous l’Ancien Régime donnant son nom à un hôtel particulier, un moulin et à un pré ; le nom ne reste qu’au pré lorsque l’hôtel devient poste et que le moulin prend le nom de Barthélémy ; le pré fait l’objet d’une opération immobilière telle qu’il n’en reste plus suffisamment pour nourrir une vache : le nom fleurant bon le bocage vendéen est désormais celui d’une barre orange aurillacoise des sixties immortalisée par Depardon.
Grille-pain géant, barre urbaine au bord de la Jordanne, solution-miracle au problème du logement, cage à lapins, verrue désormais orange et décrépite, symbole de modernité dans une ville moyenne, moyen d’accession à la propriété et à une certaine prospérité pour les classes moyennes, Babel de Haute-Auvergne, immeuble qui serait anodin à Marseille ou en banlieue parisienne, étape du développement de la ville vers le sud, emblème des Trente glorieuses à Aurillac, appartements confortables et jouissant d’une vue superbe, balcon sur le Puy Courny, toilettes séparées d’avec la salle de bain, juteuse opération immobilière, Manhattan-sur-Jordanne, image choisie par le photographe Raymond Depardon pour représenter Aurillac : la Dorinière, inaugurée en 1962, est un peu tout cela.
Elle fait partie du patrimoine.
Elle méritait bien une petite exposition.
REMERCIEMENTS
Le Conseil général du Cantal (Archives départementales) remercie vivement :
- M. Vincent Flauraud, président de la Société des lettres, sciences & arts « La Haute-Auvergne », maître de conférences à l’université de Clermont-Ferrand, d’avoir bien voulu rédiger une introduction à cette exposition ;
- Estival Architecture, qui a déposé en août 2010 ses plans anciens, parmi lesquels se trouvent les plans de la Dorinière, dus à Pierre Terrisse ;
- Le groupe Centre-France, qui a déposé en décembre 2011, pour inventaire, numérisation et mise en ligne, les archives photographiques du journal La Montagne depuis 1955, dont les photographies, ici exposées, de la pose de la première pierre de la Dorinière le 1erjuillet 1960.