Archives du Cantal

Les racines cantaliennes de Georges Pompidou : de l'Elysée à Montboudif

Portrait officiel du Président
Portrait officiel du Président

Mais les princes mieux nés n'estiment leur vertu

Procéder ni de sang ne de glaive pointu,

Ni de harnois ferrés qui les peuples étonnent,

Mais par les beaux métiers que les Muses nous donnent.

Pierre de Ronsard, Institution pour l'adolescence du Roi très chrétien Charles IXe de ce nom. 

Depuis le début de la IIIe République, les présidents se font photographier en habit et revêtus des insignes de grand-maître de la Légion d'honneur. Le général de Gaulle est le premier à être photographié dans la bibliothèque de l'Élysée. L'agrégé de lettres ne pouvait pas faire moins ; il s'inscrit ainsi très clairement dans la filiation gaullienne. Il est le dernier président à poser en habit. La rupture intervient sous son successeur, Valéry Giscard d'Estaing, dont le seul visage apparaît sur fond de drapeau tricolore. La bibliothèque réapparaît dans les photographies officielles de François Mitterrand et de Nicolas Sarkozy. 

1969 (cliché de François Pagès).

Collection Mairie de Montboudif

Maison natale du Président
Maison natale du Président

Dieu nous prête un moment les prés et les fontaines,

Les grands bois frissonnants, les rocs profonds et sourds,

Et les cieux azurés et les lacs et les plaines,

Pour y mettre nos cœurs, nos rêves, nos amours !

Victor Hugo, Tristesse d'Olympio. 

La maison où naquit, le matin du mercredi 5 juillet 1911, au premier étage, Georges, Jean Raymond Pompidou, porte sur son linteau la date de 1867. 

Mme Françoise Coolen, nièce du Président et fille de M. et Mme Henri Domerg, possède toujours la maison natale, en face de la fontaine couronnée par une statue de Jeanne d'Arc (curieusement absente sur le dessin). 

Début des années 1960

Dessin de Marcel Capitaine.

Des racines presque exclusivement cantaliennes

Il laboure le champ que labourait son père.

Honorat de Racan, Stance.


M. Denis Vieyres, maire de Rouziers et généalogiste chevronné, a établi la généalogie du Président, parfois jusqu’à la neuvième génération. À quelques rares exceptions près, ces ancêtres sont tous cantaliens. Ont donc quelque chance d’être cousins ou apparentés du Président les habitants actuels de la Châtaigneraie portant les noms de Bastide, Bersagol, Boissou, Bons, Bories, Concasty, Couderc, Crouzols, Fau, Gineste, Gouzou, Graves, Grimal, Laborie, Lafon, Lavergne, Loudières, Malroux, Marcenac, Mazières, Momboisse, Pompidou, Puech, Puechguirbal, Ravanel, Renac, et les habitants du Nord-Cantal portant les noms d’Andraud, Badin, Barbat, Chavagnac, Echavidre, Espinasse, Malgat, Manaranche, Papon et Trapenat.

Travail de Denis Vieyres, juin 2011 

Naissance du Président
Acte de naissance
Acte de naissance
Avis de mention du décès
Avis de mention du décès
Mention du mariage avec Claude Cahour
Mention du mariage avec Claude Cahour
Maison natale
Maison natale
Eglise de la Chevade
Eglise de la Chevade

Elle a passé, la jeune fille,

Vive et preste comme un oiseau :

À la main une fleur qui brille,

À la bouche un refrain nouveau.

Gérard de Nerval, Une allée du Luxembourg. 

Marie-Louise Pompidou est venue accoucher chez sa mère. L'acte de naissance de Georges porte, comme tous les autres actes du registre, la mention du mariage avec Claude Cahour (27 octobre 1935), la "jeune fille" du Luxembourg, et du décès le 2 avril 1974. La mairie de Montboudif y a ajouté, pour le président mort en exercice, l'avis de mention adressé par la mairie du IVe arrondissement de Paris. 

Montboudif, 5 juillet 1911.

ADC, 2 E 129/8
Image : maison natale à Montboudif, 10 NUM 99 (1974) ; église de la Chevade, dans la commune de Chastel-sur-Murat où Georges fut mis en nourrice (juin 2011, photographie Édouard Bouyé)

Anthologie de la Poésie française dédicacée à Alice Garrigoux
Anthologie de la Poésie française dédicacée à Alice Garrigoux

Poète, prends ton luth et me donne un baiser.

Alfred de Musset, La nuit de mai. 

Directeur général de la banque Rothschild, Georges Pompidou, ayant dépassé le "milieu du chemin de la vie", connaît, dit-on, plus de 10.000 vers. Il en publie une anthologie, avec l'aide de son beau-frère Henri Domerg, et d'Alice Garrigoux. Archiviste paléographe et Cantalienne, cette dernière avait classé les archives londoniennes du général de Gaulle, et celles de la présidence depuis 1958. Conservatrice à la Bibliothèque nationale, elle procura à Georges Pompidou les ouvrages dont il avait besoin pour son livre, ce qui lui valut des "remerciements" pour son "son aide et sa complaisance". 

On dit qu'aux lèvres du Président venaient des vers dans toutes les circonstances de la vie. Il n'a donc paru ni artificiel ni hors de propos d'accompagner chaque document de la présente exposition d'un fragment de l'Anthologie. Cinquante ans après sa première parution, elle est fréquemment rééditée. Romain Pompidou, fils du professeur Alain Pompidou, perpétue le goût de son père, de son grand-père et de son arrière-grand-père pour la littérature et la poésie.

19 novembre 1961

Collection privée

Mariage de Léon Pompidou et de Marie-Louise Chavagnac
Chœur de l’église paroissiale de Montboudif
Chœur de l’église paroissiale de Montboudif

Aimer, c'est savourer, aux bras d'un être cher,

La quantité de ciel que Dieu mit dans la chair.

Victor Hugo, André Chénier. 

Léon avait raconté à ses camarades d'École normale qu'il avait fait sa demande officielle à M. et Mme Chavagnac à la fin d'octobre 1908, et que sa lettre venait d'être agréée. "Consummatum est ! ", leur dit-il fort bibliquement. 

Le professeur à l'école primaire supérieure de Murat épouse l'institutrice en congé, en l'absence de Mme Pompidou, empêchée par maladie (elle meurt d'ailleurs le 30 octobre suivant). Les quatre témoins sont de la famille Chavagnac : trois frère et sœurs de Marie-Louise, et l'oncle Auguste Barbat, "voyageur". Le mariage religieux a lieu le lendemain, 25 septembre, dans l'église paroissiale de Montboudif édifiée quarante ans auparavant.

Montboudif, 24 septembre 1910

ADC, 2 E 129/2
Image : chœur de l’église paroissiale de Montboudif, 45 Fi 19210 (années 1970)

Fiche matricule de Léon Pompidou
Eglise de Saint-Julien-de-Toursac
Eglise de Saint-Julien-de-Toursac
Maison natale à Naucaze
Maison natale à Naucaze

Si je mourais là-bas sur le front de l'armée

Tu pleurerais un jour ô Lou ma bien-aimée

Et puis mon souvenir s'éteindrait comme meurt

Un obus éclatant sur le front de l'armée

Un bel obus semblable aux mimosas en fleur.

Guillaume Apollinaire, Si je mourais là-bas… 

La loi de 1889 permettait aux prêtres et aux instituteurs de faire un an de service militaire au lieu de deux ; la loi de 1905 supprima ces exceptions, mais instaura un régime transitoire pour les jeunes gens âgés de plus de 18 ans (mais de moins de 20 ans). En devançant l'appel, Léon Pompidou, né le 1er août 1887, n'eut à faire qu'un an de service militaire. Sa démarche est moins celle d'un patriote que celle d'un pacifiste. 

Engagé volontaire le 26 mai 1906, Léon (cheveux châtains, yeux gris, 1 m 66) achève donc son service militaire le 26 avril 1907. Mobilisé le 1er août 1914, il est blessé au tibia le 19 août 1914 à Didenheim. Soigné par "mécanothérapie", il repart à la guerre et n'est démobilisé que le 15 mars 1919. Sa fille Madeleine naît à Albi en 1920. Il souffrira de la jambe toute sa vie.

1907-1937

ADC, 1 R 1672
Image : église de Saint-Julien-de-Toursac, 45 Fi 1193 (dessin de 1893) et maison natale à Naucaze (juin 2011, photographie Denis Vieyres)

Naissance de Marie-Louise Chavagnac

Les vases ont des fleurs de givre,

Sous la charmille aux blancs réseaux ;

Et sur la neige on voit se suivre

Les pas étoilés des oiseaux.

Théophile Gautier, Fantaisie d'hiver. 

Marie-Louise naît cinq jours avant son cousin Eugène-Jules-Alfred Chavagnac (fils de Jean, frère de son père Etienne), qui ne vivra que 18 jours. La petite fille est présentée par Antoinette Reboisson, sage-femme. Les parents de ces deux cousins sont tous qualifiés de "marchands" et domiciliés à Montboudif. Jean et Étienne Chavagnac sont d'ardents radicaux-socialistes. 

Le nom de Chavagnac est composé du nom propre gaulois Cavanus terminée par une finale en -acos.

Montboudif, 20 mars 1886

ADC, 2 E 129/1

Mariage de Jean Pompidou et Jeanne-Anastasie Renac
Ruines du château de Naucaze
Ruines du château de Naucaze

Que j'aime à voir la décadence

De ces vieux châteaux ruinés,

Contre qui les ans mutinés

Ont déployé leur insolence !

Marc-Antoine de Saint-Amant, La solitude. 

Jean, "cultivateur" à Naucaze (Saint-Julien-de-Toursac ; il s'agit du domaine du château ruiné de Naucaze), épouse Jeanne-Anastasie Renac, couturière née à Rouziers. Les deux époux ont perdu leur père, mais ils ont toujours leur mère, respectivement Marie-Anne Malroux et Antoinette Momboisse. "Les futurs ont déclaré ne savoir signer". 

Après 1921, Jean Pompidou vient s'installer chez son fils Léon et sa belle-fille à Albi, où il meurt en 1928. Georges a 17 ans quand meurt son grand-père ; il passe son bac à Albi et ses biographes nous parlent de ses premiers émois amoureux. "On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans", dit un autre poète.

Rouziers, 3 mars 1886

ADC, 2 E 194/5
Image : ruines du château de Naucaze, 29 Fi 62, (collection Beyne, début du XXe siècle)

Mariage de Jacques Pompidou avec Marianne Malroux
Acte de mariage
Acte de mariage
Acte de mariage
Acte de mariage
Une maison aux Estresses
Une maison aux Estresses

Femme je suis pauvrette et ancienne,

Qui rien ne sais ; oncques lettre ne lus.

François Villon, Ballade que fit Villon à la requête de sa mère pour prier Notre-Dame. 

Domestique aux Estresses (Saint-Julien-de-Toursac), Jacques épouse Marianne, servante au Feyt (Saint-Julien-de-Toursac).

Saint-Julien-de-Toursac, 21 février 1838

ADC, 2 E 194/5
Image : une maison aux Estresses, 45 Fi 17658 (3e quart du XXe siècle)

Mariage de Marty Pompidou avec Jeanne Lafon
Acte de mariage
Acte de mariage
Acte de mariage
Acte de mariage
Extrait de l'acte de mariage
Extrait de l'acte de mariage
Extrait de l'acte de mariage
Extrait de l'acte de mariage
Maison au Feyt
Maison au Feyt

J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans.

Charles Baudelaire, Spleen. 

Les deux mariés et les quatre témoins sont tous originaires du village du Feyt (Saint-Julien-de-Toursac). Les époux ne connaissent pas leur âge et ne savent pas signer.

Saint-Julien-de-Toursac, 6 pluviôse an IV (26 janvier 1796)

ADC, 2 E 194/1
Image : Le Feyt (juin 2011, photographie D. Vieyres)

Acte de mariage
Acte de mariage
Chœur de l’église de Saint-Étienne-de-Maurs
Chœur de l’église de Saint-Étienne-de-Maurs

Mariage d'Henry Pompidou avec Suzanne Lavergne

Et les regards paisibles des étoiles

Bienveillamment souriront aux époux.

Paul Verlaine.

Seul le célébrant, Merle, vicaire de la paroisse, et Martres, huissier, l'un des témoins, savent signer. Si Henry Pompidou est le plus ancien ancêtre Pompidou connu du Président, les parents de sa femme Suzanne sont connus. 

Dans son acte de décès du 1er octobre 1734, à Maurs, il est appelé " Henry Pompidou dit Abram ", ce qui laisse imaginer une origine protestante, d'autant que l'on trouve des Pompidou protestants à Espinadel (auj. Commune de Glénat) à la fin du XVIIe siècle.

Saint-Étienne-de-Maurs, 19 novembre 1715

ADC, E DEP 1417/1
Image : chœur de l’église de Saint-Étienne-de-Maurs, 45 Fi 4720 (1978)

Les Pompidou du Pompidou (Espinadel, commune de Glénat) : une hypothèse
Registre paroissial de Glénat
Registre paroissial de Glénat
Registre paroissial de Glénat
Registre paroissial de Glénat
Grange au Pompidou, à Glénat, en 1967
Grange au Pompidou, à Glénat, en 1967
Grange au Pompidou, à Glénat, en 2011
Grange au Pompidou, à Glénat, en 2011

Que je trouve doux le ravage

De ces fiers torrents vagabonds,

Qui se précipitent par bonds

Dans ce vallon vert et sauvage !

Marc-Antoine de Saint-Amant, La solitude. 

Dans les registres paroissiaux d'Espinadel, on trouve force Pompidou, ce qui n'est pas très étonnant puisque le village del Pompidou se trouve dans cette paroisse. On peut donc formuler l'hypothèse que les ancêtres d'Henry "Pompidou dit Abram", dont on ne trouve pas trace dans les registres de Maurs, provenaient de Glénat et étaient protestants, comme semble l'indiquer le surnom d'Abram (prénom biblique peut-être devenu un surnom après la révocation de l'Édit de Nantes en 1685). En 1656, le greffier et secrétaire du consistoire de l'Église réformée de Glénat s'appelait Pompidou. En 1673, à Glénat, un Abram Pompidou est mentionné à la faveur de la naissance de son fils Pierre. 

On trouve aussi des Pompidou dans les registres des paroisses environnantes, dont Laroquebrou, Siran, ou, comme ici, Glénat : sur cette seule double page, par exemple, on peut voir le mariage de Pierre Valadou et Antoinette Pompidou (29 août 1685), un baptême où Toinette Pompidou est marraine (23 octobre 1685) et le baptême de Pierre Escouveyrou, fils d'Antoine et de Jeanne Pompidou, dont Marie Pompidou est marraine (13 février 1686). Mais, malgré les recherches actives (y compris dans les archives notariales) de M. Denis Vieyres, maire de Rouziers, le "chaînon manquant" n'a pas à ce jour été retrouvé. 

Registre de la paroisse de Glénat.

1685-1686

ADC, 5 E 218/1
Image : grange au Pompidou, à Glénat, 45 Fi 1496 (1967) ; état en juin 2011 (photographie Denis Vieyres)

Acte de mariage
Acte de mariage
Grange à Bombos
Grange à Bombos

Mariage d'Étienne Chavagnac avec Marie Espinasse

La charrue écorche la plaine ;

Le bouvier, qui suit les sillons,

Presse de voix et d'aiguillons

Le couple de bœufs qui l'entraîne.

Théophile de Viau, Le matin. 

Cultivateur à Bombos, Étienne épouse la fille d'un cultivateur de la Baronne. Sur les quatre témoins, l'un est rentier, les trois autres cultivateurs. Tous savent signer.

Montboudif, 8 octobre 1881

ADC, 2 E 129/1
Image : grange à Bombos (juin 2011, photographie Édouard Bouyé)

Acte de naissance
Acte de naissance
Grange à Bagnard
Grange à Bagnard

Naissance de Léger Chavagnac

Je suis veuf, je suis vieux, et sur moi le soir tombe.

Victor Hugo, Booz endormi.


Pierre Chavagnat (ou Chavagnac), cultivateur à Bagnard, présente son fils Léger, qu’il eut de sa seconde (et jeune) épouse Anne Trapenat, née à Saint-Genès-Champespe (Puy-de-Dôme), de 26 ans sa cadette. Ni Pierre Chavagnac ni les témoins ne savent signer ; Léger sera le premier Chavagnac à savoir lire et écrire. Bagnard se situe aujourd’hui à Montboudif, section distraite de la commune de Condat le 5 août 1865.

Condat, 27 septembre 1826

ADC, 2 E 54/8
Image : grange à Bagnard (juin 2011, photographie Édouard Bouyé)

Acte de naissance
Acte de naissance
Lac de la Crégut
Lac de la Crégut

Naissance de Pierre Chavagnac

Ô lac ! rochers muets ! grotte ! forêt obscure !
Vous que le temps épargne ou qu’il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir !

Alphonse de Lamartine, Le lac.


Pierre Chavagnac (ou Chavaniac) et son épouse Marguerite Radis (ou Badin) habitent à la Crégut, non loin du lac de ce nom, sur l’âpre plateau d’Artense. La vie est rude. Le père du bébé de 1764 est le premier ancêtre Chavagnac connu de la mère du Président.

Tremouille, 30 juillet 1764


ADC, 2 E 240/1
Image : lac de la Crégut, 2 Fi 2597 (début du XXe siècle)

Acte de naissance
Acte de naissance
Chœur de l’église d’Antignac
Chœur de l’église d’Antignac

Naissance de Louis Espinasse

Je verrai, si tu veux, les pays de la neige,
Ceux où l’astre amoureux dévore et resplendit,
Ceux que heurtent les vents, ceux que la neige assiège,
Ceux où le pôle obscur sous sa glace est maudit.

Alfred de Vigny, La maison du Berger.


Les parents de Louis Espinasse, Antoine et Jeanne Malbec, sont cultivateurs au village de Drulh (Antignac). Louis Espinasse se marie le 8 janvier 1861 avec Marguerite Manaranche ; ils sont les arrière-grands-parents maternels du Président.

Antignac, 5 décembre 1834



ADC, 2 E 8/7
Image : le chœur de l’église d’Antignac

Léon Pompidou, ou l'enseignement comme ascenseur républicain

Plan et élévation de l’école de Saint-Julien-de-Toursac

C’est la douce loi des hommes
De changer l’eau en lumière
Le rêve en réalité
Et les ennemis en frères.

Paul Éluard, Bonne justice


Dressé par l’architecte Félix Corcinos le 25 septembre 1881, le plan revient aux archives de la préfecture, revêtu de l’approbation ministérielle, le 2 décembre 1881. Ce projet posait d’autant moins de difficulté que l’école de Saint-Julien-de-Toursac allait ressembler à des milliers d’autres écoles construites à partir des années 1880 par la Troisième République.

C’est dans cet établissement, achevé en 1886, que le jeune Léon Pompidou, né en 1887, va sucer le lait du savoir et de la laïcité, sous les auspices de M. Joie, frères des Ecoles chrétiennes défroqué et libre penseur. C’est ainsi que Léon Pompidou devient instituteur (puis professeur) et socialiste.

25 septembre 1881


ADC, 2 O 194/1

Demande d’indemnité de frais de trousseau
Demande d’indemnité de frais de trousseau
École normale de garçons d’Aurillac, vers 1920
École normale de garçons d’Aurillac, vers 1920

Demande d’indemnité de frais de trousseau

Seule ma peine est ma propriété.

Paul Éluard, La puissance de l’espoir.


L’inspecteur d’académie écrit au préfet pour solliciter du conseil général une indemnité en faveur de Léon, qui vient d’être admis premier à l’École normale d’Aurillac.

Jamais on ne donna définition plus limpide de la situation des ouvriers agricoles, véritable prolétariat rural, qui n’est riche que de ses enfants : « Ils ne possèdent rien et sont locataires de la maison qu’ils habitent. Le père est domestique agricole et gagne 250 francs par an ; la mère est couturière et gagne peu ; elle a dû se faire amputer un pied il y a quatre ans et il en résulte pour la famille de graves dépenses ; outre le postulant, ils ont à leur charge deux enfants âgés de 7 et 8 ans ».

Le Conseil général accorde 100 francs, soit plus du tiers de ce que gagne le père annuellement.

17 août 1903


ADC, 1 T 721
Image : École normale de garçons d’Aurillac, 41 Fi 227 (vers 1920)

Livret scolaire de Léon Pompidou, élève-maître à l'École normale d'instituteurs d'Aurillac

Le ciel est, par-dessus le toit,

Si bleu, si calme !

Un arbre, par-dessus le toit

Berce sa palme.

Paul Verlaine

Durant les trois années d'École normale, Léon brille, mais ne travaille pas suffisamment : "serait un brillant élève s'il avait une plus grande puissance de travail" ; "esprit vif, mais peu profond parce qu'il recule devant l'effort" ; "pourrait encore donner davantage" ; "réussit bien mais aurait pu encore mieux faire avec plus de travail". 

On retrouve ce mélange de brio et d'apparente indolence chez le Président, qui semble avoir hérité de son père son hypermnésie. Le Président avait de surcroît une capacité d'analyse comme de synthèse et une rapidité de travail déconcertantes.

1903-1906

ADC, 1 T 721
Image : École normale de garçons, 2 Fi 293 (début du XXe siècle)

École normale de garçons d’Aurillac, début XXe siècle
École normale de garçons d’Aurillac, début XXe siècle

Hommage à Léon Pompidou, alias « Papillon »

Pauvre je suis de ma jeunesse,
De pauvre et petite extrace.

François Villon, Le Testament.


René Vérard, journaliste anticonformiste, publie ce curieux texte, comme un bilan de son année passée à Aurillac, avant d’en prendre congé – puisqu’il est congédié du journal local. Il utilise les documents possédés par Pierre Parra, ancien maire de Barriac-les-Bosquets et conseiller général de Pleaux, et surtout ancien condisciple de Léon Pompidou à l’École normale, pour tracer un portrait de l’instituteur « déraciné », mort l’année précédente. Avec ses condisciples Soubeyre, J. Mons et Pierre Parra, Léon Pompidou formait un « Quatuor », qui décida, pour mieux garder contact, de publier un petit journal à usage amical et interne de ce nom, de 1907 à 1909.

A l’occasion du premier voyage de Georges Pompidou dans le Cantal en tant que président (Murat, 16 mai 1970), Vérard rend hommage à son père – non sans malice, puisque c’est la figure du jeune instituteur socialiste et « laïque » qui est exalté, naturellement opposée au banquier devenu Président.

Léon souffre, en 1907-1908, de la médiocrité et de l’étroitesse de sa position ; l’avenir confirmera qu’il fera tout pour évoluer et devenir professeur.

René Vérard, aujourd’hui retiré à Sancerre avec son épouse, a ensuite poursuivi une œuvre d’écrivain, consacrant notamment des ouvrages à Jean Pierre-Bloch, Flaubert, Jaurès, ainsi qu’à l’histoire de la Picardie et de Sancerre.

16 mai 1970


ADC, 3 SC 7829

Les Chavagnac à Montboudif : agriculture, négoce et aisance

Achat par Léger Chavagnac du domaine de Fraisse (Condat)

Salut, champs que j’aimais, et vous, douce verdure,
Et vous, riant exil des bois !

Nicolas Gilbert, Ode imitée de plusieurs psaumes.


Léger Chavagnac, cultivateur à Bagnard (Montboudif), achète le domaine de Fraisse, pour l’importante somme de 9.000 francs, à la famille Bresson. Ce « petit corps de domaine », aujourd’hui ruiné, est situé près du village de Charreyre. Il s’installe à Fraisse avec Françoise Echavidre, épousée en 1854 ; et c’est là que naîtront leurs enfants. Ils exploiteront ensuite d’autres fermes (La Ruche, Bombos, le Grand Jolon) et Léger diversifiera ses activités agricoles par du négoce et du maquignonnage.

9 juillet 1856



ADC, 3 E 300/248
Image : ruines de la maison du Fraisse (juin 2011, photographie Édouard Bouyé)

Ruines de la maison du Fraisse
Ruines de la maison du Fraisse
Plan de la commune de Montboudif
Plan de la commune de Montboudif

Là, deux ruisseaux cachés sous des ponts de verdure
Tracent en serpentant les contours du vallon.

Alphonse de Lamartine, Le vallon.


Créée en 1865 par distraction de celle de Condat, la commune de Montboudif est le cadre de vie des Chavagnac et de leurs familles alliées depuis la fin du XVIIIe siècle. Sur ce plan dressé peu après la création de la commune, on peut voir le bourg et les hameaux successivement habités par les Chavagnac : Bagnard (famille Duthuel, première épouse de Pierre né en 1763), La Ruche (ou La Russe), Bombos et le Grand Jolon.

30 août 1866



ADC, 2 O 129/2

La famille Chavagnac en 1891

Mais le vert paradis des amours enfantines,
Les courses, les chansons, les baisers, les bouquets,
Les violons vibrant derrière la colline,
Avec les brocs de vin, le soir, dans les bosquets.

Charles Baudelaire, Maesta et errabunda.


La liste nominative de recensement de la commune de Montboudif présente la famille d’Étienne Chavagnac et de sa femme née Marie Espinasse, tous deux marchands, âgés respectivement de 29 et 27 ans, installés dans le bourg avec leurs quatre enfants : Hélène Eulalie (née en 1883), qui sera célibataire et institutrice en Algérie ; Émile Léger dit Camille (né en 1884), qui sera marchand de toile à Angoulême ; Marie (née en 1886), la mère du Président ; Marie Louise Anne, dite Julie (née en 1888), qui épousera Jean Andraud avec lequel elle aura trois enfants (Etienne, Simone et Pierre), cousins germains et compagnons de jeu de Georges durant ses vacances estivales cantaliennes.

1891



ADC, 98 M 4

Concession
Concession
Concession
Concession
Plaque de la tombe Chavagnac
Plaque de la tombe Chavagnac

Concession à perpétuité de la famille Chavagnac dans le cimetière de Montboudif

Loin des sépultures célèbres,
Vers un cimetière isolé,
Mon cœur, comme un tambour voilé,
Va battant des marches funèbres.

Charles Baudelaire, Le guignon.


Les Chavagnac et les familles qui leur sont alliées (Andraud, Auzary, Espinasse, Malgat et Fournier) obtiennent de la mairie de Montboudif une concession à perpétuité dans l’angle « sud-est du cimetière » de la commune. Elle regroupera les corps des descendants de Léger Chavagnac et d’Anne Chavagnac, veuve Pradel, sa sœur.



7 septembre 1905



ADC, 2 0 129/1
Image : plaque de la tombe Chavagnac au cimetière de Montboudif (mars 2011, photographie Édouard Bouyé)

Terre d'élection(s)

Présentation des corps constitués au Premier ministre dans les salons de la préfecture
Présentation des corps constitués au Premier ministre dans les salons de la préfecture

Toute sorte de biens comblera nos familles,
La moisson de nos champs lassera nos faucilles,
Et les fruits passeront les promesses des fleurs.

François de Malherbe, Prière pour le Roi Henri le Grand, allant en Limousin.


Georges Pompidou commence son premier voyage dans le Cantal comme premier ministre, le 19 juin 1964, par une « présentation aux corps constitués ». Cette rencontre, nécessairement fugitive, n’apportera rien d’autre au Premier ministre que des impressions, mais elle lui permet de se faire voir, et donne l’impression aux élus, militaires, ecclésiastiques, fonctionnaires, juges, officiers publics et autres membres d’associations d’avoir un contact direct avec le chef du gouvernement.

Printemps 1964



ADC, 3 SC 5997

Trente minutes au collège technique d’Aurillac

Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J’écris ton nom

Paul Éluard, Liberté.


Le Premier ministre consacre une heure à l’enseignement lors de son voyage du 19 juin 1964. Il ne s’agit plus de rêver à Pindare ou à Barbey d’Aurevilly, mais de « moderniser » la France. Après avoir visité l’École normale, l’agrégé de lettres découvre la mécanique, l’électricité, la forge, la menuiserie, la chimie, la physique et le terrain de sport. Le plan-masse dressé en octobre 1961 par l’architecte aurillacois Terrisse porte le minutage précis de cette visite, entre 17 h et 17 h 30, du « Collège technique et centre d’apprentissage masculin ».

Printemps 1964



ADC, 3 SC 5997

Brouillon autographe du télégramme adressé par le préfet Paraf au ministère de l’Intérieur après la visite de 1964
Brouillon autographe du télégramme adressé par le préfet Paraf au ministère de l’Intérieur après la visite de 1964

La province qui s’endort !
Plaquant son dernier accord,
Le piano clôt sa fenêtre.
Quelle heure peut-il bien être ?


Jules Laforgue, Complainte de la lune en province.


Pour la première fois le Premier ministre vient en visite dans le Cantal, à l’invitation du Conseil général qui en forme le vœu au début de janvier 1964. Déjà le général de Gaulle lui avait suggéré de se faire élire quelque part. Les élections législatives doivent se tenir en 1967 ; Pompidou hésite : Cajarc (Lot), région parisienne, Cantal ?

Maurice Paraf, préfet depuis le 30 octobre 1963, a pris la température durant le voyage. Et elle est bonne : « véritable élan populaire », « plus de quinze mille personnes se sont pressées sur ensemble du parcours ; cet accueil enthousiaste mérite d’être noté de la part population généralement réservée ».

C’est à l’occasion de l’inauguration du nouvel établissement thermal de Chaudes-Aigues que le Premier ministre remarqua le maire de cette commune, Pierre Raynal, qui fut son suppléant en 1968, pour lui succéder comme député en 1969.

20 juin 1964



ADC, 3 SC 5996

Cinquième centenaire de la consécration de la cathédrale de Saint-Flour
Cinquième centenaire de la consécration de la cathédrale de Saint-Flour

Le soleil s’est noyé dans son sang qui se fige…
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir !

Charles Baudelaire, Harmonie du soir.


La voiture du Premier ministre débouche sur la place d’Armes depuis la rue du Breuil. Après un temps d’arrêt devant le monument aux morts et les honneurs militaires, le « P.M. » est accueilli au seuil de la cathédrale par le nonce apostolique et par Mgr Pourchet, évêque de Saint-Flour, qu’il salue avec déférence. Il assiste à la messe pontificale, puis expose une définition étonnante de la laïcité à la française, qu’il résumera par écrit dans la formule suivante : « la prière au service de la liberté ». L’après-midi, il visite la station du Lioran, à laquelle il a donné une impulsion décisive, et achève sa visite par Murat.

3 juillet 1966



ADC, 3 SC 5999

Allocution à la mairie
Allocution à la mairie
Portrait de Guillaume Duprat
Portrait de Guillaume Duprat

Discours d’accueil d’Augustin Chauvet, maire de Mauriac

Montagnes derrière, montagnes devant
Batailles rangées d’ombres, de lumières.

Jules Supervielle, Descente de géants.


Après Saint-Flour et Murat, au début de l’été, Pompidou visite l’arrondissement de Mauriac à l’automne, de Riom à Mauriac (avec arrêts à Valette, Trizac, Moussages et le Vigean). Sa candidature aux prochaines législatives se précise, au moins dans son esprit. Le maire de Mauriac (député de la 1e circonscription du Cantal [Aurillac] depuis 1956) joue de la fibre classique du Premier ministre pour sa captatio benevolentiae initiale, rappelant que les notables de Mauriac accueillirent leur évêque de Clermont, Guillaume Duprat, en 1539, par « plusieurs allocutions en latin et en grec » ; né à Issoire, ce fils du chancelier de France fonda le collège jésuite de Mauriac, où l’on cultivait en effet les humanités classiques.

Mais c’est bien en français que l’habile Chauvet souligne « la légitime fierté d’accueillir en la personne du Premier ministre de la France, un de nos compatriotes dont l’attachement au pays natal ne s’est jamais démenti » – surtout depuis quelques temps, n’ont pas dû manquer d’ajouter intérieurement quelques esprits malins…

15 octobre 1966



ADC, 3 SC 5998
Image : portrait de Guillaume Duprat au lycée de Mauriac, 16 NUM 641 (huile peinte du XVIIe siècle)

Message de la gendarmerie
Message de la gendarmerie
Lycée agricole d’Aurillac, à droite à mi-pente
Lycée agricole d’Aurillac, à droite à mi-pente

Menace de corrida au lycée agricole

Bientôt les aquilons
Des dépouilles des bois vont joncher les vallons :
De moment en moment la feuille sur la terre
En tombant interrompt le rêveur solitaire.

Jacques Delille, Les jardins : l’automne.


Six jours de campagne électorale (entre le 12 février et le 4 mars 1967) ; 62,26 % des voix au premier tour : le premier ministre a reçu avec succès l’onction du suffrage universel. Il doit se rendre à Aurillac le 14 octobre 1967. La gendarmerie prévient la préfecture que les paysans menacent de « conduire leurs animaux dans l’enceinte du Lycée Agricole pendant la cérémonie d’inauguration ». Le secrétaire général, Jean-Claude Tressens, note seulement en marge, impavide et peut-être bravache : « Ils peuvent toujours essayer ! S’ils n’ont jamais vu de corrida, je veux bien jouer le toréador ! ».

10 octobre 1967



ADC, 3 SC 6187
Image : lycée agricole d’Aurillac, à droite à mi-pente, 41 Fi 1071 (vers 1970)

Note au préfet
Note au préfet
Maison natale à Montboudif
Maison natale à Montboudif

René Galy-Dejean règle les détails du voyage de mars 1968

Et quand viendra l’hiver aux neiges monotones,
Je fermerai partout portières et volets
Pour bâtir dans la nuit mes féeriques palais.

Charles Baudelaire, Paysage.


Alors qu’il n’est question ni de mai ni de grèves, ni d’élections, le Premier ministre doit poser la première pierre de l’hôpital local de Condat le 15 mars, et inaugurer le central téléphonique automatique d’Aurillac le lendemain. Le directeur de cabinet du préfet transcrit pour le préfet la conversation téléphonique qu’il vient d’avoir avec René Galy-Dejean, chargé de mission au cabinet du Premier ministre, où il suit, entre autres, les affaires cantaliennes.

En marge du voyage officiel, Georges Pompidou souhaite s’entretenir avec l’architecte de Condat, probablement pour les travaux qu’il entend faire à sa maison de Montboudif, et avec le notaire de Condat. Du 15 mars à 16 h jusqu’au samedi 16 mars à 10 h 50, « les déplacements du premier ministre prennent un caractère privé » ; il « dîne et couche à Montboudif ».

26 février 1968



ADC, 3 SC 6187
Image : maison natale à Montboudif, 2 Fi 1678 (années 1970)

Le Cantal ouvrier et paysan attend le Premier ministre de pied ferme

Rapportons-nous, dit-elle, à Raminagrobis.

Jean de la Fontaine, Le Chat, la Belette et le petit Lapin.


Tout barbouillé de rouge, comme il se doit, par le cabinet du préfet, « l’organe hebdomadaire de la Fédération communiste du Cantal » donne sa lecture du programme de la visite des 15 et 16 mars : inauguration de suppressions d’emplois (téléphone automatique), menaces sur les petites exploitations agricoles, menaces sur les écoles rurales. L’ancien banquier de chez Rothschild n’est pas épargné par le COP

Aux élections législatives du 23 juin suivant, Pompidou bat Louis Taurant, candidat unique et communiste, avec plus de 80 % des voix.

16 mars 1968



ADC, 3 SC 6188

Télégramme officiel des résultats boudimontois du premier tour de l’élection présidentielle de 1969
Télégramme officiel des résultats boudimontois du premier tour de l’élection présidentielle de 1969

Le vieillard, qui revient vers la source première,
Entre aux jours éternels et sort des jours changeants ;
Et l’on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens,
Mais dans l’œil du vieillard on voit de la lumière.

Victor Hugo, Booz endormi.


Avec 258 voix sur 276 suffrages exprimés, le député du Cantal recueille à Montboudif plus de 93 % des voix (contre 44,47 % pour l’ensemble de la France) ; le communiste Jacques Duclos, avec un peu de plus de 4 %, arrive ensuite, suivi d’Alain Poher (1,45 %) et d’Alain Krivine (0,72 %), tandis que ni Gaston Deferre, ni Michel Rocard ne recueillent aucune voix. Au second tour, l’enfant de Montboudif, prophète en son pays, y obtient plus de 96 % des voix (58,21 % pour l’ensemble de la France), ne laissant à Alain Poher que 10 voix sur 274 suffrages exprimés.

Léon Pompidou ne put voir ce résultat, puisqu’il était mort à Paris le 4 février précédent.

1er juin 1969



ADC, 3 SC 7583

Lettre au préfet du Cantal
Lettre au préfet du Cantal
Apostille
Apostille
Documentation Cournil
Documentation Cournil
Documentation Cournil
Documentation Cournil

Lettre au préfet du Cantal d’un chargé de mission à la présidence de la République

Ainsi certaines gens, faisant les empressés,
S’introduisent dans les affaires.

Jean de la Fontaine, La mouche du coche.


Gérard Chasseguet, chargé de mission à la présidence de la République (1969-1973), futur député de la Sarthe (1973-1993) et actuel maire de Dissay-sur-Courcillon, adresse au préfet Jacques Corbon une note accompagnant un télégramme de la CGT (Confédération générale du travail) et des précisions du ministère du Travail, à la suite du voyage du Président dans le Cantal, le 16 mai 1970. Mise en liquidation, la société Cournil (Aurillac) licencie ses 36 salariés, tandis que la ganterie Chanut (Saint-Martin-Valmeroux) licencie 35 personnes.

Le préfet, ancien chargé de mission au cabinet de Georges Pompidou à Matignon, préfet du Cantal depuis le 2 octobre 1967, met une apostille, qui en dit long sur le suivi des voyages présidentiels : « La note du Ministère n’apprend rien (puisque ce sont des informations fournies par nous…). Le problème n’est d’ailleurs pas le reclassement immédiat des licenciés, mais le maintien et le développement d’activités secondaires. »

8 juillet 1970



ADC, 3 SC 7831
Image : documentation Cournil, 41 Fi 772 (vers 1970)

Notes manuscrites de préparation du « voyage privé » du Président à Montboudif du 26 juin 1971

Sur les tombeaux de mes ancêtres,
Les âmes desquels Dieu embrasse !
On n’y voit couronnes ni sceptres.

François Villon, Le Testament.


Avant d’aller à Saint-Flour, le Président passe une heure environ à Montboudif : 10 minutes au cimetière, 15 minutes à la mairie et 30 minutes à la « maison ». Le cabinet du préfet note de « prévoir s[ervice] d’o[rdre] tout autour du cimetière ≠ les journalistes » ; et ailleurs : « Presse – Être très strict sur le cimetière ». Le Président fera une allocution sur le parvis, où il retrouvera son épouse et « Mme Michalet », femme du maire. Les Domerg seront de la partie. Les directives du « Pdt » sont claires : il s’agit d’un voyage privé, sans « aucun honneur à prévoir ».

Printemps 1971



ADC, 3 SC 10492

Plan de table du banquet de Saint-Flour du 26 juin 1971
Plan de table du banquet de Saint-Flour du 26 juin 1971

Dans le brouillard s’en vont un paysan cagneux
Et son bœuf lentement dans le brouillard d’automne
Qui cache les hameaux pauvres et vergogneux.

Guillaume Apollinaire, Automne. 


Après leur passage à Montboudif, le Président et Mme Pompidou président un banquet offert aux élus cantaliens dans le gymnase de Besserette. Toutes les personnalités ne figurent pas à la table d’honneur, puisque certaines président les autres tables. Jean Michalet, maire de Montboudif, est à gauche de Michel Jobert, secrétaire général de la présidence de la République, et en face de Léonce Bouyssou, directrice des Archives départementales ; Géraud de Bonnafos, maire de Calvinet, est à gauche de Jacques Chirac, ministre chargé des Relations avec le Parlement. Bernard Pons, secrétaire d’État à l’Agriculture et maître Jean Moins, président de l’Association pour le développement de la Haute-Auvergne (dont Georges Pompidou est le président d’honneur) ou encore René Galy-Dejean sont ainsi mêlés aux élus cantaliens.

À l’occasion de ce banquet, le Président prononça un grand discours sur la déconcentration, la décentralisation, l’agriculture, le tourisme (domaine qu’il connaît bien pour avoir été commissaire général adjoint au tourisme) et la formation professionnelle.

« Bon sens, esprit d’initiative, goût du travail, sens de l’économie, voilà des vertus que l’on vous reconnaît. Je pense que l’habitude ancestrale de parcourir nos plateaux et nos montagnes au pas lent du paysan donne tout naturellement le goût des vastes étendues et le sens de la durée, nécessaires pour atteindre le but. Puissiez-vous transmettre ces vertus à tous les Français ».

Printemps 1971



ADC, 3 SC 10492

Rapport du SRPJ
Rapport du SRPJ
Moulin de Loubinet
Moulin de Loubinet

Télégramme du SRPJ de Clermont-Ferrand

L’empereur si l’araisonna :
« Pourquoi es-tu larron en mer ? »

François Villon, Le Testament.


Le service régional de la police judiciaire avertit les autorités administratives et judiciaires que l’on a retrouvé les six portefeuilles volés lors de la visite présidentielle, vides d’argent mais encore pourvus de leurs documents personnels, à Loubinet (Vieillespesse), au bord de la nationale 9. Les policiers soulignent que deux de ces portefeuilles appartiennent respectivement à Jacques Chirac, ministre chargé des Relations avec le Parlement (2000 francs), et à Pierre Raynal (400 francs), député-maire de Chaudes-Aigues (ancien suppléant de Pompidou entre 1968 et 1969). Et de conclure que ces « tireurs spécialisés » venaient probablement de la « région parisienne »…

28 juin 1971



ADC, 3 SC 10492
Image : moulin de Loubinet, 45 Fi 18090 (photographie Pierre Leymarie, 1979)

« Note à l’attention de Monsieur le Grand Échanson du Palais »

Reconnais-tu le TEMPLE au péristyle immense,
Et les citrons amers où s’imprimaient tes dents ?

Gérard de Nerval, Delfica.


Les témoignages concordent sur l’atmosphère détendue que Georges Pompidou faisait régner parmi ses proches collaborateurs. Ici, il s’amuse ; demandant à Étienne Burin des Roziers, secrétaire général de la présidence de la République, de mettre sur la table, « lors des conseils restreints » du jus de pamplemousse, comme c’est le cas pour les « Conseils des Ministres », il s’adresse amicalement à lui comme au Grand Échanson du Palais, soulignant que « le premier ministre a un faible pour le jus de pamplemousse ».

La famille Burin des Roziers tire ses origines des limites du Cantal et du Puy-de-Dôme. Un Guillaume-Martin Burin des Roziers fut notaire à Massiac entre 1838 et 1865.

Entre 1962 et 1967


ADC, 1 J 849

Le président et Mme Pompidou au bal de l’X en compagnie de l’ingénieur général et Mme Gonzague Bosquillon de Genlis, née Triniac
Le président et Mme Pompidou au bal de l’X en compagnie de l’ingénieur général et Mme Gonzague Bosquillon de Genlis, née Triniac

Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon cœur
D’une langueur
Monotone.

Paul Verlaine, Chanson d’automne.


Le 19 novembre 1971, le Président et son épouse se rendent, pour la première fois depuis longtemps, au bal de l’École polytechnique, à l’Opéra de Paris. On les voit ici avec les propriétaires du château du Chassan (Faverolles). L’ingénieur général de Jenlis dirigeait depuis 1970 l’École nationale supérieure de techniques avancées ; il était depuis 1971 membre du conseil d’administration de l’X.

19 novembre 1971


Collection privée

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