Le canton de Saint-Cernin et son patrimoine
Public ou privé, civil ou religieux, vernaculaire ou monumental, le patrimoine bâti du canton de Saint-Cernin ne manque pas de caractère ni de diversité. L’exposition photographique tentera, sans prétention artistique, d’en dresser un panorama complet et fidèle.
Puisant leur source dans le terroir même, reflet de l’histoire de ce coin de la Haute-Auvergne, châteaux, églises ou simples chaumières nous rappellent où se situent nos racines.
C’est un patrimoine typiquement rural, mélange de grandeur et de rusticité, défiant les siècles mais néanmoins fragile, qui s’offre au regard du visiteur. Bâti avec les matériaux locaux, il témoigne du savoir-faire, de l’ingéniosité et du sens de l’économie des maîtres d’œuvre et artisans cantaliens
Louis-Nicolas de Clerville (1610-1677), ingénieur militaire, très en faveur sous Mazarin qui le nomma maréchal de camp en 1652, puis commissaire général des fortifications ; Vauban fut son élève, avant de l’évincer au début du règne de Louis XIV.
L’intérêt de Clerville pour la Haute-Auvergne, région peu stratégique, resterait à expliquer.
Jean du Bouchet (1599-1684), n’était pas géographe, comme on peut le voir, mais généalogiste : cette carte figure en tête de l’Histoire généalogique de la Maison d’Auvergne, ouvrage de l’érudit protestant et ancien secrétaire de Henri IV, Christophe Justel (1580-1649)
La carte dite de Cassini, ou encore de l’Académie, est la première carte représentant l’ensemble de la France. Ses 180 feuilles furent dressées de 1750 à 1789 à l’initiative et sous la direction de César-François Cassini de Thury (1714-1784). Son fils Jacques-Dominique (1747-1845), quatrième représentant de la célèbre dynastie d’astronomes, en acheva la publication, terminée en 1815.
Paysages, voies de circulation et site de Saint-Cernin : deux vues prises du plateau de Lagardette
Vers l’ouest : la « draille » de Lagardette, chemin de crête est-ouest, relie les sommets du massif cantalien au plateau de Saint-Illide et à la Xaintrie.
Vers le sud : la topographie impose à la voie Aurillac-Mauriac-Clermont (actuelle D 922) de franchir la Doire au droit de Saint-Cernin, à l’extrémité de la vallée glaciaire. Profitant de cette route et du large replat du versant rive gauche, le bourg s’est développé, malgré son exposition au nord. Le replat de rive droite, bien que mieux exposé, est en effet trop peu étendu (Mayenobe, 1958) : on y voit le hameau de Lamourio, traversé par la « route des Intendants » (Trudaine), encore bien visible. Le plateau d’Ourzeau (Ourzeaux selon l’IGN) barre l’horizon sud.
Ancien prieuré dépendant de l’abbaye Saint-Géraud, l’église renferme dix des stalles de l’ancienne collégiale de Saint-Chamant, fondée en 1484 par Robert de Balsac, mort en 1503. Le beau portrait de ce haut dignitaire, favori et chambellan de Louis XI, se voit à la façade du château de Montal (Lot), construit au cours des années 1520 par sa fille Jeanne, épouse d’Amaury de Montal.
Image provenant du site internet : http://www.saint-illide.com/
Neuf modillons surmontent le mur sud du choeur, remanié à l’époque gothique lors de la construction des voûtes. Deux groupes de trois modillons historiés sont encadrés symétriquement par trois modillons à copeaux. On voit ici le groupe de droite : bœuf, hibou, singe. Le groupe de gauche montre : cheval, homme, sanglier. Le chœur de l’église conserve quatorze stalles et quatre panneaux sculptés provenant de la collégiale de Saint-Chamant (XVe siècle).
Comme les églises de Lascelle et de Saint-Cirgues-de-Jordanne, son abside offre la particularité rare d’être circulaire à l’intérieur, rectangulaire à l’extérieur. Le haut du clocher « à peigne » a été refait en 1900, avec deux ouïes seulement au lieu de quatre. La nef a été défigurée au XIXe siècle : « le zèle le plus ardent ne saurait remplacer les connaissances techniques » (Chalvet de Rochemonteix).
Outre un riche mobilier, l’église possède une relique de la Sainte-Epine, objet d’un pèlerinage, qu’aurait rapportée de croisade l’un des seigneurs de Tournemire au début du XIIe siècle.
Cette église, entourée seulement de quelques maisons, est bâtie au fond de la vallée de la Doire (580 m), dans une situation de bout du monde intérieur. La mairie est située au bourg de l’Hôpital (775 m), construit sur le plateau entre Doire et Bertrande, autour d’une ancienne commanderie d’Hospitaliers.
Cet édifice néo-roman fut construit de 1875 à 1884 pour la fondation Bos-Darnis par Lucien Magne (1849-1916), architecte comme son père Auguste-Joseph (1816-1885) ; il est connu notamment pour sa restauration de l’abbaye de Fontevraud (Maine-et-Loire). La chapelle d’Albart a été qualifiée par Chalvet de Rochemonteix d’« oeuvre absolument remarquable par la souplesse et la pureté des lignes ».
On doit aussi à Lucien Magne dans le Cantal, l’hôpital d’Aurillac (1883-1891) et la restauration de la maison consulaire.
Située à la croisée de voies nord-sud et est-ouest, cette commanderie appartint aux Templiers, puis après 1311, aux Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem. Elle dépendait de la commanderie de Carlat. La maison forte, construite vers 1460, et la chapelle sont les seuls vestiges de ce vaste ensemble qui comportait granges, écurie, tour avec prison (cf. Rouffet, Revue de la Haute-Auvergne 1914-1915-1916).
Dédiée à Saint-Jean-Baptiste, elle possède un chœur à chevet plat voûté en berceau, avec restes de fresques.
Ourzeau, possession des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, était membre, ainsi que Saint-Jean-de Dône (Saint-Simon), non pas de la commanderie de Carlat mais de celle d’Ayen (bourg du Limousin, entre Brive et Hautefort).
La tour visible à gauche sur la photo est aujourd’hui réduite à son rez-de-chaussée.
Longtemps propriété des Anjony puis des Robert de Lignerac, le Cambon est acquis en 1753 par Jean-Raymond de Calonne qui le transforme profondément. Le château actuel, type cantalien du château de plaisance du XVIIIe siècle, a miraculeusement conservé son décor intérieur d’origine.
Aux Calonne succède en 1802 la dynastie bourgeoise des Bastid : Raymond Bastid (1821-1880) fut élu député du Cantal en 1876 ; son fils Adrien Bastid (1853-1903) lui succéda en 1880. Son petit-fils Paul Bastid (1892-1974), quatre fois élu député radical du Cantal (1924-1936) fut ministre du Commerce du Front Populaire, membre du Conseil National de la Résistance, et député de la Seine de 1946 à 1951. Juriste, il est l’auteur d’un ouvrage sur Siéyès. Ses descendants possèdent toujours le Cambon.
difié sur le rebord ouest du plateau d’Ourzeau, ce « repaire » domine le plateau de Saint-Illide.
Type du château cantalien des XVIIe et XVIIIe siècles, il fut hélas dynamité par ses propriétaires en 1939.
Près de la Doire, ce « beau château à la moderne » (selon le Dictionnaire statistique) fut bâti en 1815, en remplacement de l’ancien château détruit par un incendie en 1812. L’architecte en fut sans doute Lalliet, ingénieur en chef des Ponts-et-Chaussées, bien connu pour avoir été le maître d’œuvre de la préfecture du Cantal à Aurillac.
Fleuron du patrimoine cantalien, ce donjon aux courtines presque aussi hautes que les tours est l’archétype, resté intact, de l’architecture militaire du XVe siècle. Il fut construit (1435-1439) sous le règne de Charles VII par Louis II d’Anjony, grand capitaine de la fin de la guerre de Cent Ans, dont Roger Grand a relaté les méthodes parfois quelque peu expéditives à l’égard des civils. En 1717, à la mort de Jacques d’Anjony, fut dressé l’inventaire de ses biens et notamment du mobilier du château.
Photographie de Jean-Michel Peyral
Extraordinaire « document », ce très rare exemple de maison forte élémentaire (XVIe siècle ?), aux ouvertures non modifiées, comporte trois niveaux, avec une pièce par étage, et une cave. Cette maison servit de buron jusqu’à une date récente.
Le manoir adjacent à la tour conserve une belle cheminée du XVe siècle.
La tour, installée au débouché de la gorge de La Merlie, barre l’accès aux montagnes et surveille le « bassin » de Saint-Cernin.
Sans doute la plus belle des nombreuses tours de guet du Cantal. Entièrement construite en brèche volcanique, elle comportait au moins cinq niveaux : cave à demi creusée dans le roc ; cellier voûté, accessible par le haut ; salle des gardes, au niveau de laquelle on entrait dans la tour à l’aide d’une échelle ; deux étages d’habitation avec cheminées, fenêtres à coussièges, latrines. Le dernier niveau était voûté. Quelques vestiges du couronnement de la tour subsistent.
Elle se dresse au cœur d’un important domaine du plateau de Saint-Illide. L’enclos, fermé par un porche, contient des dépendances et les vestiges d’une chapelle.
Le village de Vernuéjouls est situé en limite sud du canton, en rive gauche de la Soulane « méridionale ». Proche du Bassin d’Aurillac, il était situé à la croisée du chemin Aurillac-Saint-Illide-Pleaux et d’un chemin allant aux montagnes de Girgols (indiqué par le cadastre napoléonien). L’architecture du village est remarquable, en particulier celle de ses granges.
Sans doute la plus belle demeure de ce petit hameau méconnu, situé en contrebas de la D 122, au fond de l’étroit vallon du ruisseau de Broussette, qui draine les eaux du plateau de Girgols.
Le bourg de Saint-Cernin s’est développé le long des tracés successifs de la route Aurillac-Mauriac. Cette maison borde l’ancienne route des Intendants. L’urbanisation actuelle, commandée par la déviation de la D922, entraîne un nouveau développement de Saint-Martin-de-Valois, autrefois délaissé au profit de Saint-Cernin.
Image provenant du site internet : http://www.saint-illide.com/
Bâtiment datant du XVIIe ou XVIIIe siècle, surélevé et prolongé en 1812.
L’une des très rares du Cantal, elle fut construite dans la première moitié du XIXe siècle. Ce bâtiment a postérieurement servi à la pisciculture qui était pratiquée sur le domaine au début du XXe siècle.
L’une des pierres de ce portail porte gravée la date de 1860. La ferronnerie est signée Merlin-Bourgeade, serruriers constructeurs à Saint-Martin-Valmeroux. On note que les volutes sont réunies par bagues, sans soudure. La technique d’ajout d’éléments décoratifs en fonte est apparue entre 1830 et 1840.
Ce type de portails assez ostentatoires semble caractéristique des « maisons d’émigrants ».
D’après Alfred Durand (1946, p. 455), le clocheton-pigeonnier serait originaire de la Châtaigneraie. L’un des plus beaux exemples de ce type de granges se voyait jusqu’aux années 70 à Saint-Paul-des-Landes.
L’une des trois granges de ce type présentes au sein de ce remarquable village. Le porche de l’étable est daté 1826. Celui de la grange, non daté, porte le nom de P. Delort. Le cadastre napoléonien (établi vers 1826) dessine pour cette grange un plan simplement rectangulaire : le contour du porche n’apparaît pas.
Probablement la plus ancienne grange datée du Cantal : 1595. On note la silhouette générale très « tassée » de cette grange, aux murs bas et au grand toit à quatre pentes. Son propriétaire actuel a assisté en 1939 au remplacement du chaume par de la tôle, laquelle a sauvé jusqu’à présent ce très vénérable édifice rural.
Des granges de forme comparable ne semblent plus se rencontrer maintenant que dans les vallées du cœur du massif cantalien (Cère, Jordanne).
Il porte l’inscription :
LC 1595 (deux fois répété) IESV
Ce qui ferait donc de Bellières la plus ancienne grange datée du Cantal.
Le peu d’élévation des murs gouttereaux est remarquable, ainsi que le caractère de « pêle-mêle » de leur maçonnerie (schiste, lave, quartz).
Ce hameau-rue (orthographié Bassignac par l’IGN) s’allonge sur une crête (730 m), prolongement SE du plateau volcanique d’Ourzeau. Toits pentus en lauzes et, sur les constructions plus modestes, toits plats en tuile-canal y sont présents. Cette demeure serait le type d’une maison de « manouvrier ».
A 600 m d’altitude, ce petit hameau se situe à l’extrémité NO du plateau schisteux de Saint-Illide, juste au-dessus du Pont du Rouffet (450 m), point le plus bas du canton. Le Couderc occupe l’une des étroites « échines cristallines » (Mayenobe, 1958), terminaisons occidentales de ce plateau au-dessus de la vallée de l’Etze. Le cours méridien de celle-ci est guidé par la zone faillée du Sillon-Houiller.
On note que l’Etze est appelée Auze ou Aize par le cadastre napoléonien.
Datée de 1619, bâtie en schiste avec linteaux de lave, cette maison est un précieux « document » d’architecture rurale. A proximité se trouve une grange datée apparemment de 1624.
Favars est l’un des hameaux de la zone privilégiée située à l’extrémité orientale du plateau schisteux, au pied du plateau volcanique : zone humide et aux sols mixtes relativement riches, selon Mayenobe (1958).
La fréquence des toits pyramidaux témoigne du goût qu’eut cette région pour cette forme architecturale. Sur les maisons, ces toits sont en général - plus typiquement qu’ici à Brolinges - édifiés sur les apophyses arrière des maisons (correspondant aux souillardes), la pyramide étant parfois particulièrement pointue et élevée (maison à Cros de Saint-Cernin).
Ce goût « pyramidal », qui se retrouve dans les granges à clocheton, apparaît comme l’une des expressions locales de l’âge d’or de l’architecture vernaculaire en France, au cours des deux premiers tiers du XIXe siècle.
Maison ancienne « aux accolades » (XVIIIe siècle ?), présente sur le cadastre napoléonien, sous les numéros 288 et 289. De tels linteaux sont-ils ou non des remplois ?
Maison « moderne », haute, construite au XIXe siècle au centre du village, sur l’ancienne et très vaste parcelle 339 (apparemment l’ancien couderc).
Vernuéjouls (Freix-Anglards) : évolution du village (XIXe-XXIe siècles)
La comparaison entre le cadastre napoléonien et l’image satellite illustre le développement du village, notamment aux dépens des communs. Il semble qu’il y ait eu aussi évolution architecturale des granges : de plans simplement rectangulaires vers 1826, elles n’acquièrent qu’ensuite leurs clochetons (probablement avant 1870).
Image provenant du site internet : http://www.saint-illide.com/
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Du fait de l’orientation Est-Ouest de la vallée, nette opposition entre adret et ubac. Habitat implanté en rive droite, de préférence sur les replats. Dans la partie aval, concentration des grands domaines ainsi que des châteaux et manoirs : le Cambon, Laubac, Cros, Faussanges, Anjony.
Exemples de maisons « montagnardes ». - Hameau de Cambourieu (Saint-Cernin) et ferme de Laveissière (Saint-Cirgues-de-Malbert)
Constructions en pierres volcaniques (brèche et lave). Toits à forte pente, en lauzes de schiste. A Cambourieu on note la tendance (plutôt caractéristique des villages d’altitude) au groupement aligné en « barriades » (économie de maçonnerie, protection contre le vent…). Précisément, le tableau représentant Cambourieu, exposé dans la vitrine-colonne 6, montre qu’il existait au XIXe siècle, en haut du hameau, une autre barriade, disparue depuis.
Beau chemin de crête, dont on voit ici une section typique, bordée de murs (et récemment dégagée). On peut penser qu’il servit jadis à la transhumance ovine venue du Quercy (cf. la thèse d’Alfred Durand). Le toponyme « Lagardette » pourrait, de fait, être lié à la présence d’un chemin de transhumance, et correspondre à un site où les troupeaux étaient parqués pour la nuit.
Il serait intéressant d’étudier l’âge de ces arbres remarquables, fréquents dans le Cantal, et dont ce hameau possède un bel exemple.
Situé à 920 m, en limite de l’habitat permanent, ce hameau assez peuplé au XVIIe siècle, est maintenant réduit à une ferme. Il est presque encerclé par des montagnes d’estive.
Sous Louis XIV, Marguerite Delsol et le sieur de Guinard son époux y résidaient en leur château, probablement modeste ; il est remplacé par la maison de ferme actuelle, construite vers 1835.
A 950 m sur l’adret de la Doire, ces granges sont accrochées au versant. La porte de la maison voisine s’orne d’un blason portant la date de 1635, accompagnée d’initiales.
Montagne d’estive située juste à la limite des prairies bocagères, elle culmine à 971m.
Ce plan daté de 1779 a été dressé par l’expert Joseph Lasmoles, à l’occasion d’un procès compliqué survenu entre M. de Lagarde et le riche Basile Delsol. Celui-ci, ancien procureur, aurait selon une tradition contestée (Leymarie, 1965) employé comme clerc son neveu Jean-Baptiste Carrier, alors peu connu.
L’existence de ce plan a été révélée par Léonce Bouyssou (in L’Aubrac, t. 2, p. 288.)
Il s’agit des traces actuellement visibles du « buron-haut » indiqué sur le plan de 1779, qui était donc une construction rudimentaire, non maçonnée, du type parfois appelé « mazuc » ou « trap ». Selon Affre (p. 280) « ces modestes habitations étaient autrefois presque toutes construites avec quelques fortes perches de hêtre recouvertes de mottes de terre ou de pelouse.»
L’une des dernières scènes traditionnelles d’estive ayant eu lieu sur cette montagne, à l’été 1982.
A l’extrémité NE du canton, le site du Roucaillou occupe le sommet (955 m) de l’étroit plateau basaltique de Lagardette. Au pied de ce rocher, les deux étangs d’origine glaciaire, creusés dans la lave, sont une des curiosités naturelles les plus remarquables du canton de Saint-Cernin.