Insolites
Pour qui passe devant l’austère et massif bâtiment des Archives départementales, les archives sont, au mieux, un conservatoire nécessaire mais périphérique de la mémoire commune, au pire, un monde impénétrable et poussiéreux, ennuyeux et solennel, annexe ou antichambre des usines de recyclage.
Et pourtant, celui qui pousse un jour la porte, donnant sur le jardin des Carmes, de la salle de lecture, et prend la peine de chercher à savoir ce que contiennent ces fameuses archives, a toute chance d’en contracter le goût pour toujours. Du point de vue des Archives, le monde se divise en une poignée d’aficionados passionnés et une immense majorité d’indifférents. L’ouverture, à l’automne 2008, d’un site internet offrant désormais l’ensemble de l’état civil, amène à réviser cette vision du monde : 100.000 pages sont vues chaque jour par un millier d’internautes ; depuis septembre 2008, plus de 25 millions de pages ont été vues depuis 80 pays différents du globe. Mais ces documents ardemment consultés ne représentent qu’une partie infime des archives conservées ; et il importe maintenant que le public puisse entrevoir la variété de la partie encore immergée de cet univers.
C’est précisément l’objet de la présente exposition. La plupart des documents présentés n’ont jamais été exposés. Ils ne prétendent ni à l’exhaustivité, ni à la représentativité de l’ensemble des fonds. Ils sont le fruit des trouvailles, des surprises, des étonnements de l’équipe des Archives, et de l’envie de les faire partager. Si les lectures d’archives, lancées en 2002 dans le Cantal, permettent en effet de faire vivre des textes, force est de constater que l’aspect de la plupart de ces pages d’écriture ne justifie guère leur exposition. Les documents « insolites » ici rassemblés, en écho à l’exposition « Objets insolites ou oubliés », qui se tient en cet été 2009 au Musée de la Haute-Auvergne de Saint-Flour, ont été choisis non seulement pour leur intérêt historique ou symbolique (le fond), mais aussi pour leurs qualités visuelles (la forme). Ils sont presque tous d’origine privée, souvent entrés récemment, ce qui explique qu’ils soient pour certains « en cours de classement » ; leur exposition manifeste donc également la reconnaissance du Département pour ces donateurs, déposants et vendeurs, qui enrichissent ainsi les collections publiques avec des documents parfois plus originaux et insolites que ne le sont les séries administratives, avec lesquelles ils entretiennent d’évidents liens de complémentarité.
L’exposition est présentée dans la salle aménagée au printemps 2009, où se dérouleront désormais régulièrement des expositions. Cet espace, conçu par M. Michel Mateis, vient compléter la salle de lecture, ouverte au public au printemps 2006 ainsi que le site internet, véritable salle de lecture virtuelle ; il constitue ainsi un troisième lieu de rencontre du public avec le patrimoine écrit de notre département.
À travers ce parcours, parfaitement subjectif et partiel, dans ces documents insolites, peut-être les curieux qui auront eu l’idée franchir la porte se trouveront-ils une affinité avec l’un au moins de ces objets, qui éveillera en eux un souvenir, une question, un étonnement.
L’exposition aura alors atteint son objectif.
L’exposition « Insolites » a été inaugurée, dans la nouvelle d’exposition des Archives départementales du Cantal, par M. Vincent Descoeur, député et président du Conseil général du Cantal, le lundi 29 juin 2009, en présence de M. François Vermande, conseiller général de Maurs, de M. Stéphane Sautarel, directeur général des services, de M. François-Xavier Montil, directeur de cabinet, et de Mme Michèle Célarier-Descoeur, président de l’Université Inter-âges de Haute-Auvergne.
Hors normes
Un peu de lecture (4,12 m)
Il s’agit d’un accord, passé devant le notaire Petrus Giraldoni, entre Jean de Peyre, baron de Pierrefort, et Bonnet de Brezons, au sujet de l’hommage dû par les seigneurs de Brezons aux barons de Pierrefort. Si cet acte, matériellement constitué de huit peaux collées de 0,52 mètresde largeur, est aussi long, c’est qu’il reprend, en les confirmant, les accords intervenus entre les ancêtres des parties sur le même sujet, datant de 1294, 1380, 1381, 1494 et 1497. Ce type d’acte est appelé vidimus (« nous avons vu » les actes anciens et nous avons décidé de les actualiser).
Le latin était la langue ordinaire des notaires, avant l’édit de Villers-Cotterêt de 1539, qui généralisa l’usage du français ; les actes en langue d’oc ne sont pas les plus fréquents au XVe siècle. La double queue de parchemin, au bas de l’acte, portait un sceau qui a disparu.
1498
122 F 1
Portrait en anamorphose de Jacques d’Auzolles, seigneur de la Peyre
Les anamorphoses à cylindre permettent, grâce à l'interposition d'un miroir cylindrique, de faire apparaître une image qui est la réflexion d'une image déformée conçue (et construite scientifiquement) à cet effet. En plaçant un cylindre réfléchissant de la section du médaillon sur ce médaillon, on obtient par reflet la recomposition de l’image. Le père Jean-François Nicéron, religieux minime français de la Trinité des Monts à Rome, est l’auteur de la La Perspective curieuse, ou magie artificielle des effets merveilleux de l’optique… ; ce traité d’optique, paru à Paris en 1638, est ici mis en pratique par son auteur pour faire le portrait de son ami auvergnat Jacques d’Auzolles, ici appelé le « prince des chroniqueurs » (princeps chronographorum). Plusieurs anamorphoses murales dues au père Nicéron ornent les murs du couvent de la Trinité-des-Monts. Le Palais Barberini, à Rome, conserve plusieurs anamorphoses à cylindres peintes, représentant saint François de Paule (fondateur de l’ordre des minimes) et le roi Louis XIII. On ne retient de la vie scientifique romaine de cette époque que l’affaire Galilée ; mais les religieux jésuites ou minimes ont fait briller d’un éclat particulier les recherches scientifiques de la Ville éternelle. Cette gravure se trouve dans le fonds de la famille d’Auzolles, originaire de Neussargues-Moissac.
Années 1670
1 J 606
Aménagements
Plan du chemin de fer de Massiac à Murat
Au début des années 1860 se projette, puis se construit, la ligne de chemin de fer de Massiac jusqu’aux rives du Lot, en passant naturellement par Aurillac. Le plan, dessiné à l’encre et peint sur un calque collé sur un carton plié (pour en faciliter la consultation), montre le tracé précis, qui serpente entre l’Alagnon et la route départementale n° 3 allant de Massiac à Murat ; une coupe montre la pente de la voie à construire – voie qui sera d’ailleurs construite, et qui est restée la même jusqu’à nos jours.
1861-1866
550 F 1
Maçonnerie
Tableau des membres de la loge maçonnique de la Parfaite Unionde Saint-Flour en 5804
Tous les gens de robe de Saint-Flour (juges, avoués, notaires) ou presque s’y trouvent, ainsi que quelques fonctionnaires, propriétaires, ecclésiastiques ou négociants. Aucun homme du peuple, uniquement des notables, de ceux qui avaient tiré leur épingle du jeu après les remous de la Révolution, et qui tinrent le haut du pavé au moins jusque dans les années 1870. Le premier préfet du Cantal, Riou, a tenu à y figurer, probablement pour affirmer sa présence dans l’arrondissement de Saint-Flour aux côtés du sous-préfet de l’arrondissement.
Le tableau est daté de la création du monde, suivant la tradition maçonnique, en 4000 av. J.-C.
An XII (1804)
1 J 524
Cordons et bijou
- Cordon de moire bleue à bordure rouge, portant, de haut en bas, des broderies dorées : lacs d’amour, trois étoiles environnées d’une gloire, la lettre G dans une étoile flamboyante environnée d’une gloire, le temple accosté des lettres B et J suivies chacune des trois points, deux étoiles environnées d’une gloire, la lettre M dans un compas et une équerre, un maillet, un mètre et un niveau ( ?) brochant en sautoir sur un lacs d’amour, des branches d’acacia nouées par une faveur ; une cocarde de moire rouge.
- Cordon de moire bleue à bordure rouge et prolongé de passementerie dorée.
- Bijou : foi dorée fixée sur un nœud de velours rouge décoré de passementerie dorée.
Enfances
Échantillons de dentelle
Ces échantillons évoquent les robes de baptême en dentelle que le XIXe siècle a affectionnées. Ils sont disposés sur un papier vert grâce à un point de cire ; au-dessus de chacun est porté le prix, manifestement proportionnel à la largeur du galon et à la complexité du dessin.
Les échantillons, réalisés aux fuseaux à la main dans le Massif central, sont classiques de la production de modèles dits "de rue", c'est-à-dire appartenant au domaine public, que les dentellières copiaient entre elles et vendaient ensuite au marchand le plus offrant.
Fin XVIIIe-début du XIXe siècle
Fonds de Comblat, en cours de classement.
Cheveux et signature d’Irène
Le cheveu est le matériau idéal à prélever pour constituer la relique d’un être vivant que l’on aime. Non sujet à la décomposition, il permet de conserver un souvenir tangible et réel (contrairement à la photographie) d’un être cher, enfant ou femme aimée. Parfois ces cheveux étaient tressés de manière à former le profil ou les traits du personnage, et mis ainsi sous verre. Ici les cheveux d’Irène de Labaume Pluvinel sont simplement rassemblés dans un papier, reliquaire plus rustique de la dévotion familiale.
Un fragment de lettre, où Irène signe une lettre écrite par sa mère, née Amélie Lacarrière de Comblat à son mari Gabriel de La Baume, marquis de Pluvinel, mentionne simplement « J’embrasse papa ».
Vers 1820
Fonds de Comblat, en cours de classement.
Papes
L’élection de Karol Wojtyla vue de l’intérieur du Vatican
Le cardinal Jacques Martin (1908-1992), un Tourangeau venu à Rome avant la seconde guerre mondiale, y mourut cardinal et préfet de la Maison apostolique. Véritable directeur de cabinet du pape, il raconte ici la mort subite de Jean-Paul Ier et l’élection de Jean-Paul II, en octobre 1978.
Ces carnets de « Souvenirs romains », qui détaillent la vie au Vatican vue de l’intérieur, ont été déposés aux Archives du Cantal par sa nièce, Mme Frégeac. Jacques Martin porte aussi un regard sans concession sur les soubresauts de l’après-concile, notamment en France.
Ces carnets, qui étaient conçus comme un aide-mémoire sans idée de publicité, ne seront communicables au public, sauf autorisation de la donatrice, qu’en 2040. Ils ont servi à l’écriture d’un ouvrage autobiographique posthume, Mes six papes, paru chez Mame en 1993.
Jacques Martin est photographié avec le pape Jean-Paul II, dans la cour Saint-Damase du palais apostolique (Vatican), avant 1988 (année de sa création cardinalice), comme l’atteste sa ceinture violette d’évêque.
1978 (carnet), début des années 1980 (photographie)
1 J 502
Poèmes
Poèmes acrostiches sur les communes du Cantal
Dans un poème acrostiche, les initiales de chaque vers, lues verticalement de haut en bas, composent un mot ou une expression se rapportant au sujet du poème. Jean Sarraméa, né en 1951, professeur agrégé d’histoire-géographie, enseignant au lycée Saint-Exupéry de Saint-Raphaël, propose dans son livre Mon prof, c’est le meilleur, coécrit avec d’autres enseignants qui constituent le « collectif d’enseignants heureux », des exemples vécus de réussite pédagogique. On ne sait si l’acrostiche entre dans la méthode ; voici en tous les cas ce que l’auteur propose pour Talizat :
Talizat, grand terroir au plateau cristallin,
Auprès des Puys charmeurs sous le ciel opalin,
L’antimoine au sous-sol brillait en ses cristaux,
Il faut voir les dolmens, menhirs et vieux châteaux,
Zéphyr des jours d’été parfumant son ramage,
Aux prairies les troupeaux sont berceaux de fromages,
Tintement de l’église au gothique message.
Fin du XXe siècle
1 J 421
Remplois
Fragment du 1er livre des Rois
Cette page de parchemin contient le passage du 1er livre des Rois (1, 8-20) où Bethsabée, sur le conseil du prophète Nathan, annonce au roi David vieillissant qu’Adonias s’apprête à monter sur le trône, alors que c’est Salomon, son fils, qui doit normalement lui succéder.
Le texte latin comprend des rubriques alternativement rouges et bleues, qui marquent le début de chaque verset. Dans la marge de droite se trouve une glose du texte. La marge du haut indique le 3e livre des Rois : c’est que les deux livres de Samuel qui précèdent étaient alors considérés comme les deux premiers livres des Rois.
Un notaire d’Aurillac, nommé Cabrespine, a réutilisé ce parchemin, au XVIIe siècle, pour en faire une reliure. Sur le texte a été dessiné, à la plume, un buste de femme vêtue d’un pourpoint. Un usage curieux et désinvolte de la pagina sacra !
Fin du XIIes. et remploi du XVIIe s.
1 J 530
Une bulle du pape qui se déguise en chemise de notaire
Par une bulle de 1505, le pape Jules II Della Rovere (1503-1513) confère la cure de Fournoulès à Patrice de Jonquières, clerc du diocèse de Cahors. Le parchemin a servi de reliure (ou chemise) au registre du notaire Jacques Dumas, au XVIIe siècle. Ce parchemin, donné en 1974 aux Archives du Cantal par celles de l’Aveyron, montre que l’on n’avait pas toujours conscience de la valeur patrimoniale des documents d’archives ; une fois périmés, ils étaient réutilisés, la valeur vénale du parchemin permettant alors une substantielle économie. La bulle de plomb, qui authentifiait l’acte, a disparu.
1505 et remploi du XVIIe s.
474 F 1/1
Diaspora
Grammaire hébraïque du XVIe siècle
Jean Cinquarbres, De re grammatica Hebraeorum opus, in gratiam studiosorum linguae sanctae methodo quam facilima conscriptum…, Paris, Martin Le Jeune, 1582.
L’auteur de cette grammaire, Jean Cinquarbres (vers 1514-1587), se présente sur la page de titre comme « Aurillacois » ; professeur d’hébreu et de syriaque au collège de France (alors Collège royal), dont il devient le doyen, il était aussi directeur du collège Fortet à Paris. Une rue d’Aurillac porte son nom depuis 1903.
Fondé par l’Aurillacois Pierre Fortet au XIVe siècle, ce collège, situé dans l’actuelle rue Valette (Ve arrondissement) accueillait des boursiers du diocèse de Saint-Flour. C’est ainsi que le jeune Jean Cinquarbres put étudier et devenir une sommité de son temps dans les langues orientales, dont Paris était un lieu important d’étude au XVIe siècle. Il y eut comme condisciple Jean Calvin.
L’imprimeur de la grammaire, installé rue Saint-Jean de Latran, a mis sa marque « à l’insigne du serpent ». Le livre se lit, comme l’hébreu, de droite à gauche, de sorte que la page de titre est inversée par rapport à ce que nous connaissons dans les alphabets grecs et latins. Cette Grammaire, publiée pour la première fois en 1546, fut souvent rééditée durant le XVIe siècle.
1582
3 BIB 650
Le fabuleux destin de Gabriel Régeasse
Pierre Besson, Gabriel Régeasse. Chiffons, peaux et métaux en gros, meubles d’occasion à Laval, Mayenne.
L’auteur du célèbre Pâtre du Cantal, décrit, en un texte encore inédit, la superbe réussite professionnelle d’un cadet d’une famille de quatorze enfants de Ségur-les-Villas, monté chercher (et trouver) fortune à Laval. À la tête d’une florissante entreprise de récupération, il était parti à 14 ans, vers 1865, au service d’un ramoneur et marchand de peaux de lapins. Le pillarot fit fortune à force de travail et d’ingéniosité. Le destin de Gabriel Régeasse est le prototype de la success story à la Cantalienne.
Début XXe siècle
1 J 621
Maux et maléfices
Méthode pour traiter la chaudepisse
Des recettes manuscrites et imprimées d’apothicaires sont liées par une ficelle. On y trouve pêle-mêle : « propriété de l’eau d’émeraude », « tisanne laxative », « remede pour la fystule et les hemorroydes », « pour faire l’eau de noix », « eau Dorval », « reflexions sur la conservation des dents » et cette « méthode pour traiter la chaudepisse, les chancres, les poulains et les carnositez. »
Jean-Adrien Helvétius (1661-1727), le père du célèbre philosophe, fut un médecin fameux, qui soigna rois, princes et ministres et publia des ouvrages constamment réédité au XVIIIe siècle. Il commence sa méthode de soin des maladies sexuellement transmissibles par un diagnostic sans concession : « La chaudepisse est un écoulement de semence, tantôt vert, tantôt jaune, ou tirant sur le noir, qui survient à la suite d’un commerce impur ».
XVIIIe siècle
412 F 1
Alphabet manuel de sourd-muet
Aujourd’hui, dans les trains, on est parfois surpris de voir se poser en silence sur la tablette un menu objet, porte-clefs accompagné d’une petite carte expliquant que la somme recueillie en échange est le moyen de subsistance du sourd-muet qui l’a déposé.
Cet alphabet manuel en est l’ancêtre direct. La langue des signes française (LSF) ou alphabet dactyologique est légèrement différente actuellement de l’alphabet manuel de cette carte vieille d’un siècle environ.
Fin XIXe siècle
1 J 732
Guerres
Aurillac et son Poilu
Avec sa capote bleu horizon du 339e régiment d’infanterie, sa canne blanche, ses presque trente décorations et ses moustaches inimitables, Pierre Recobre (Marcolès, 1889 – Aurillac, 1983) fut, jusqu’au début des années 1980, l’archétype de l’ancien combattant de la grande guerre. Il figurait en tête des défilés commémoratifs, et les Aurillacois se souviennent de cette silhouette inimitable, personnifiant la place du premier conflit mondial dans la mémoire familiale et collective au XXe siècle.
Après son service militaire au 139e RI (1910-1912), Pierre Recobre fait la guerre entre le 4 août 1914 et le 8 août 1919. Blessé en 1915, il est plusieurs fois cité à l’ordre du régiment comme de la division, comme « brancardier courageux et dévoué ». Le 17 mai 1918, sa troisième citation le décrit comme un « brancardier dévoué, d’une audace allant jusqu’à la témérité. Volontaire pour toutes les opérations du régiment, après 22 jours de durs engagements et l’attaque du 18 avril, [il] s’est encore présenté comme volontaire pour l’attaque du 2 mai 1918, où il s’est admirablement dévoué ». Il reçoit, par décret du 2 février 1928, la croix de guerre avec étoile d’argent. Il est photographié comme soldat de 1e classe, brancardier au 339e RI, avec, outre la croix de guerre et la médaille militaire, la légion d’honneur (chevalier en 1968), le mérite (officier), sans compter d’innombrables décorations.
Photo Studio Valette
Années 1970
1 J 241/2 (photographie) et 1 R 1684, matricule 226 (citations)
La censure pendant la « Drôle de guerre »
L’Auvergne républicaine, comme tous les journaux, était censurée durant la guerre. M. Trin, ancien correcteur à l’imprimerie moderne, fit don en 1964 aux Archives départementales des épreuves, corrigées par la commission de contrôle, des éditions de la guerre, ce qui nous permet de savoir quels genres d’articles dérangeaient la préfecture.
Le 15 novembre 1939, les passages citant Bainville et Gaxotte pour mieux brocarder les projets de Société des nations chers aux radicaux comme « M. Paul Bastid », sont censurés. Pour l’État, ce qui prime, c’est l’unité nationale et la fin des querelles de l’entre-deux-guerres. À noter, une phrase malheureusement prophétique, et censurée car elle était en contradiction avec la pensée stratégique française fondée sur la ligne Maginot : « Le Roi [des Belges] et les gouvernements ont eu cette illusion terrible qu’ils pourraient conserver une quiète neutralité, sur cette terre belge, placée entre les formidables défenses de la ligne Maginot et la mer, dans une guerre de l’Allemagne contre l’Angleterre et la France »…
1939
386 F 1
Projet d’aménagement du siège de la légion française des combattants à Aurillac
La légion française des combattants est l’organisation vichyste des anciens combattants, créée le 29 août 1940 par Xavier Vallat et présidée par le maréchal Pétain. La section cantalienne entend aménager un nouveau local à Aurillac, 18 rue des Carmes. Le 8 octobre, l’architecte Pierre Terrisse présente son projet, avec les plans, l’élévation et un devis de 73.500 francs.
La façade porte l’emblème de la Légion, un casque ailé (gaulois) brochant sur un écu tricolore, lui-même posé sur une épée basse. On remarquera, sur le plan du rez-de-chaussée, à droite en entrant, le bureau des prisonniers, communiquant avec le hall d’attente par un guichet. À l’étage, outre le bureau du président et celui du trésorier, on trouve une salle de réunion, une salle d’archives et deux pièces baptisées sobrement « propagande ».
Ces papiers ont été donnés aux Archives départementales par l’historien Michel Leymarie en décembre 1965.
1941
394 F1
Langue d'Oc
La parabole de l’enfant prodigue en patois d’Aurillac
L’abbé Jean Labouderie (1776-1849), vicaire général d’Avignon, chanoine honoraire de Saint-Flour, traduit phonétiquement, dans les différents parlers auvergnats, le livre de Ruth et la parabole de l’enfant prodigue. Il donne plusieurs versions de ces textes : dans « l’idiome de la paroisse de Chalinargues », en « patois d’Aurillac », en « patois de Saint-Amand-Tallende », « en dialectes romans des départements de la Charente, Haute-Vienne, Puy-de-Dôme et Cantal » – cette dernière version étant synoptique, pour permettre des comparaisons.
Le savant abbé précise qu’il est parti de la version syriaque du texte saint, « parce qu’elle doit s’approcher davantage du dialecte que parlait Jésus-Christ ». Il ajoute qu’il a voulu « faire voir l’analogie qu’il peut y avoir entre une des langues sémitiques et les idiômes du Midi de la France, qui ont dû tant emprunter de l’arabe, de l’hébreu, du syriaque et du chaldaïque, pendant les croisades et durant le séjour que les Maures ont fait dans les provinces situées au-delà de la Loire ».
Originaire de Chalinargues, Jean Labouderie fut successivement prêtre assermenté sous la Révolution, vicaire à Langeac au début du Concordat, étudiant à Paris à partir de 1804, vicaire bibliophile et érudit à Notre-Dame de Paris à partir de 1811, abbé philosophe et gallican sous la Restauration, où ce n’était plus de mode, infirme des suites d’une crise d’apoplexie à partir de 1838. Son appartenance à la Rose-Croix explique peut-être sa fascination pour les langues orientales anciennes, dans lesquelles il croit voir une source de la langue d’oc.
1825
101 F 11
Bibliographie :
Noël Lafon, Écrits occitans. Dix siècles d’écrits occitans (XIe-XXIe siècles), Aurillac, Lo Convise, 2008, p. 132-135 et ad indicem.
Gros livres
Un bréviaire franciscain de 20 cm d’épaisseur (avec les clous)
Breviarium romanum ex decreto sacrosancti concilii Tridentini restitutum, S. Pii V Pontificis Maximi jussu editum, Clementis VIII et Urbani VIII auctoritate recognitum ; et ad usum Fratrum et Monialium Trium Seraphici Patris sancti Francisci ordinum dispositum.
Le terme latin de « breviarium » signifie « abrégé » : il s’agit normalement d’un livre « de poche » permettant aux clercs de réciter l’ensemble de l’office divin.
C’est donc peut-être par antiphrase que ce monument de 20 cm d’épaisseur, muni d’une forte reliure renforcée de forts coins et de huit clous, s’appelle « bréviaire » ; on n’ose imaginer le volume de la version complète. En réalité, cet ouvrage était destiné à la récitation de l’office dans le chœur de l’église. Les clous et les coins métalliques permettent de préserver la reliure de ce bréviaire, d’un usage quotidien.
Ce bréviaire à l’usage de la famille franciscaine porte ses armes en frontispice : les deux mains du Christ et de saint François, marquées du stigmate (trace du clou) croisées devant la croix.
1696
F BIB 96
Tyrans d'ailleurs
Les joyaux du sacre de Bokassa
Jean-Bedel (1921-1996) et Catherine Bokassa, désirant se faire couronner empereur et impératrice de Centrafrique, firent réaliser par le joailler Van Cleef et Arpels, installé place Vendôme à Paris, une couronne et un diadème dignes de leur dignité.
M. Roger Salles, un Massiacois, travailla en 1977 à la réalisation de ces élégants objets ; la couronne fermée de l’Empereur est sommée d’un globe où l’Afrique argentée est percée en son centre d’un clou figurant la Centrafrique, élégamment suggérée par les lettres écrites en diamant « ECA » (Empire de Centre-Afrique). Mais ni le sérieux du joailler, ni la précision de son geste, ni la majesté des cérémonies de 1978 n’excluent la bonne humeur.
1977
1 J 429
Souverains français
Page d’écriture des rois fainéants
Les documents datant de l’époque mérovingienne sont très rares ; aux Archives du Cantal, on n’en conserve aucun. L’écriture, ici reproduite sur une planche gravée, en est caractéristique, et nous apparaît chaotique. Tranchant avec ces étranges figures, la minuscule caroline, qui s’impose dans les chancelleries et les scriptoria à l’époque carolingienne, est au contraire un modèle de clarté, qui sera d’ailleurs repris à la Renaissance et pour l’imprimerie.
Les rois Childebert III (roi d’Austrasie, 656-662), Chilpéric II (roi de Neustrie 715-719 puis roi de tous les Francs 719-721) et Childéric III (roi des Francs 743-751) n’ont pas laissé beaucoup de souvenirs dans l’histoire. Childéric III, « roi fainéant », est le dernier souverain mérovingien ; il est déposé en 751 par le maire du palais Pépin, tondu puis enfermé au monastère de Saint-Bertin.
Cette planche illustre l’ouvrage consacré par Jean Mabillon († 1707) à la « diplomatique » (De re diplomatica). Dans cet ouvrage fondamental, le savant religieux fonde la science des documents d’archives sur des principes d’examen et de critique (interne, externe) qui sont encore en vigueur de nos jours dans le métier d’archiviste ; les planches , qui présentent les écritures de façon très didactique, permettent, lorsque l’on rencontre d’autres documents, de les identifier et de les dater plus sûrement, grâce à des rapprochements formels.
1681
1 BIB 51
Matrice de sceau de la ville d’Aurillac
Le sceau et le contre-sceau, tous deux d’argent, attachés entre eux par une chaîne également d’argent, ne sont pas de la même époque. Le contre-sceau (destiné à s’imprimer au revers du sceau) est à l’origine un petit sceau de la fin du XVe siècle. Un ange en buste, nimbé, porte un écu à trois coquilles sous un chef à trois fleurs de lis. Les coquilles sont empruntées aux Astorg d’Aurillac ; le chef de France (à trois fleurs de lis) est adopté par beaucoup de villes françaises après la fin de la guerre de Cent ans, pour manifester leur loyauté à la royauté française, dont le tenant héraldique classique, depuis le XIVesiècle, est l’ange que l’on retrouve ici. La légende indique « SIGILLUM PARVUM VILLI AURELIACII » (Petit sceau de la ville d’Aurillac).
Le sceau quant à lui, qui porte les mêmes armes, est de la fin du XVIIe siècle ou du début du siècle suivant. Il est anépigraphe (dépourvu de légende). Les émaux héraldiques y sont marqués sous forme de hachures : le rouge (gueules) du champ est figuré par des hachures verticales ; le bleu (azur) du chef, par des hachures horizontales. Deux chérubins complètent la décoration.
XVe siècle (petit sceau) ; fin XVIIe-début XVIIIe siècle (grand sceau anépigraphe).
Grand sceau du roi Louis-Philippe
Le duc d’Orléans devient Louis-Philippe Ier roi des Français (et non de France) après la chute de Charles X. Il inaugure une nouvelle forme de monarchie : représenté de profil et tête nue, il est le premier (et le dernier) roi français à ne pas être couronné. La couronne qui figure à l’avers du sceau timbre en revanche un écu portant sobrement les tables de la loi portant l’inscription « Charte de 1830 », qui modifiait substantiellement celle de 1814, octroyée par Louis XVIII. C’est ce texte qui fonde la monarchie de Juillet jusqu’en 1848.
Le président de la République, chef de l’État, utilise encore un sceau pour sceller les lois constitutionnelles ; mais le sceau de Ve République représente la Liberté assise.
1830-1848
Sceau détaché