Autour du présidial d'Aurillac
En 1551, le bailliage royal d’Aurillac est élevé au rang de présidial par lettres patentes du roi Henri II. Il devient, en quelque sorte, un tribunal de grande instance, avec des compétences au criminel. Il s’installe dans un édifice qui existe toujours, rue de la Coste (salle appelée « La Cave »).
Les conseillers au présidial forment une élite de la ville sous l’Ancien régime ; la famille judiciaire (avocats, procureurs, huissiers, sergents, greffiers, etc.) est également une composante importante de la société urbaine.
Une exposition de documents conservés aux Archives départementales, est accueillie par le tribunal de grande instance, durant 10 jours, salle des pas perdus. Elle permet de découvrir l’histoire, le fonctionnement de la juridiction, la vie de ses acteurs et les caractéristiques de la justice rendue au nom du Roi.
En janvier 1551, le roi Henri élève certaines juridictions royales au rang de sièges présidiaux, avec des compétences plus importantes que les bailliages et sénéchaussées. Le présidial d’Aurillac est créé par lettres patentes du 15 mars 1551. Le 29 mai 1552, le commissaire au fait de l’installation du présidial permet de convoquer, pour le 29 septembre suivant, « tous les officiers, consuls, jurés, luminiers, manans et habitants » du ressort.
Ce jour-là, les officiers des juridictions qui ne sont pas devenues présidiales (Saint-Flour, Vic) ou qui s’estiment lésées (Riom en Basse-Auvergne) élèvent des protestations solennelles qui n’empêchent pas l’installation effective du présidial le 1er octobre 1552.
1552, copie du début du XIXe siècle
177 F1
L’acquisition d’un office du présidial et d’une seigneurie constituait, pour la bourgeoisie marchande d’Aurillac et de sa région, un investissement conséquent permettant de franchir une étape dans leur ascension sociale. Les profits de la « marchandise » servaient à s’acheter un statut. Malheureusement, les offices présidiaux n’étaient pas anoblissants : pour parvenir à la noblesse, les familles devaient acquérir un office de la cour des aides de Riom ou de Montpellier, ou bien accéder au capitoulat de Toulouse. C’était plus loin, et plus cher, et cela portait un surnom éloquent : celui de « savonnette à vilains »… Ainsi fonctionnait l’ascenseur social sous l’Ancien Régime.
1581
1 J 267
Ce type de document comptable permet de connaître indirectement le nom d’officiers de justice, et de préciser les dates de leur exercice lorsque les lettres de provision ou les procès verbaux d’installation font défaut à cause des lacunes dans les sources.
1584
1 J 665
Ce tableau indique le montant des gages des offices de receveur des épices (rémunération de la justice) dans les différentes juridictions royales de Haute-Auvergne.
- Présidial d’Aurillac : 900 écus
- Bailliage de Saint-Flour : 300 écus
- Salers : 250 écus
- Sièges de Carlat et Murat : 200 écus
- Sièges de Vic-le-Comte (sic), Maurs, Mauriac, Calvinet : 100 écus.
1590
1 B 2
Livre du Roy et de conséquence
Dans ce registre était recopié le texte de tous les édits royaux enregistrés par la juridiction à la requête du parquet. Le 12 octobre 1601, le présidial prescrit que l’édit somptuaire d’Henri IV « portant défenses a toutes personnes (…) de porter en leur habillemens aucuns draps ny toilles d’or ou d’argent, clinquans ou passemens », de juillet 1601, sera « publié a son de trompe ès carrefours et lieux accoustumés de lad. ville d’Aurillac ».
1601
1 B 10
Le jeune Conthé est trouvé mort dans le pré d’une métairie ; il est porté dans la maison paternelle rue de la Marinie (auj. rue Victor Hugo), où se transporte le lieutenant criminel, qui fait appeler un chirurgien pour examiner le corps. L’expert promet de rendre son rapport, et le lieutenant criminel ordonne « qu’il en sera par nous informé à la requete de M. le procureur du Roy ».
1691
1 B 952
En 1673, le père du suppliant acheta des drogues chez l’apothicaire Pierre Boudet. Une fois rétabli, il voulut payer ces médicaments, mais l’apothicaire préféra être payé par une rente en nature (fromages et autres denrées). Plus de soixante ans plus tard, c’est le règlement de cette dette que conteste Antoine Gaston, à qui Boudet fils a transporté le « billet » (c’est-à-dire la créance), qui fait citer Piganiol fils devant le présidial. Les juges auront donc à se plonger dans des comptes d’apothicaire…
Cette supplique est reliée dans un volume contenant factums, mémoires et autres requêtes, imprimés en général à Aurillac, probablement à l’usage d’un praticien : c’est une sorte de recueil privé de jurisprudence.
1737
1 J 525/22
Sentence rendue par le présidial d’Aurillac au profit du curé de Labesserette, contre la famille Devez, à propos de rentes
La grosse (ou expédition) de la sentence est le plus souvent sur parchemin. La dernière page de l’acte récapitule les frais de justice : épices, émoluments du greffe et du président, « port ou papier », façon, droits réservés, épices des conclusions, conclusions au greffe, droits réservés des conclusions, sollicitation et extrait, etc. La justice d’Ancien Régime, on l’aura compris, n’est pas gratuite.
1745
1 J 586
Dans ce mémoire, les officiers du bailliage et siège présidial s’opposent aux marchands d’Aurillac, qui, dans un esprit d’indépendance et de vanité » voudraient voir s’établir une juridiction consulaire. Les magistrats fondent leurs arguments sur « les vües de justice et d’amour du bien public ».
Au XXIe siècle, ce sont les mêmes arguments qui sont développés… contre la fermeture et suppression des juridictions.
Vers 1758
1 J 265/2
Daudé, avocat, plaide la cause d’une demoiselle Gaston contre le conseiller Capelle : la fille avait fait don de tous ses biens au magistrat, moyennant un logement et une pension viagers. Le magistrat ne tient pas parole, mais l’avocat a les plus grandes difficultés dans cette affaire où Capelle est à la fois juge et partie. Comme dit en préambule le mémoire produit pour l’avocat, « le ministère des avocats leur ouvre une carriere honorable, mais pénible et dangereuse »…
1765
4 BIB 125/2
En vertu de la déclaration du Roi du 13 août 1766, les cultivateurs doivent déclarer au greffe les défrichements qu’ils entendent faire. Le 24 mai 1768, Jean Laurens, marchand de Drugeac, déclare, au nom de Géraud Barrier, laboureur, vouloir défricher quatre setérées de terrain inculte dans le communal de son village de Merliac.
1766-1777
1 B 816
Ce lieutenant-particulier au présidial d’Aurillac, subdélégué de l’intendance d’Auvergne, trouvait le temps de taquiner la muse pour célébrer, en alexandrins, l’avènement de Philippe V d’Espagne, petit-fils de Louis XIV, au trône d’Espagne. Succédant à Charles II d’Espagne qui l’avait couché dans son testament, le début de son règne ne fut pas de tout repos, car l’archiduc Charles revendiquait la couronne. Après la guerre et le traité d’Utrecht en 1713, Philippe V put régner en paix.
Vixouze compose ce long poème à la manière de l’Enéide, comme l’indique le premier vers (« Je chante cette guerre » »), évoquant le virgilien « Arma virumque cano ».
Aurillac, 1784
A BIB 1658
Ce grand classique recense toutes les coutumes de la province, y compris dans les pays de droit écrit.
Chabrol, outre les coutumes juridiques, mentionne les coutumes singulières (au sens morale) : à Aurillac, lorsqu’un prêtre chantait sa première messe après son ordination, « tout le clergé dansoit dans les rues, au son du tambourin ».
1786
2 BIB 547
Ce mémoire pour le sieur Boudier, procureur au présidial d’Aurillac, contre le sieur Capelle, ci-devant mousquetaire, raconte une rixe entre le jeune homme et le militaire, en octobre 1783. Le premier ayant déchargé sans le faire exprès (sic) un pistolet chargé seulement à poudre, le second a cru que c’était une marque de défiance. D’où la rixe, et la procédure, qui se poursuivait encore quatre ans plus tard.
1787
A BIB 106/25
Travaux envisagés à l’ancien présidial d’Aurillac pour y aménager le palais de justice
Le bâtiment de la rue la Coste (aujourd’hui appelé « La Cave »), qui abrita le présidial à la fin de l’Ancien Régime, servit de tribunal jusqu’en 1873 et à l’installation dans le nouveau palais.
En 1813, on projeta quelques destructions (en jaune), modifications et ajouts (en rose). Le rez-de-chaussée comprenait les prisons, le greffe et les archives, tandis que le 1er étage abritait les salles d’audience et des logements.
1813
4 N 3, n° 2 et 3