Archives du Cantal

L'abbé de Pradt, ou le Talleyrand du Cézallier (1759-1837)

L'abbé Dufour de Pradt, né dans le Cézallier en 1759, entra dans les ordres sous l'Ancien Régime. Il commença une carrière politique sous la Révolution, dont il devint bientôt un opposant farouche. Il adhéra en revanche à l'Empire qui en fit un de ses dignitaires (baron, archevêque et ambassadeur) avant sa disgrâce. Sous la Restauration, il prit des positions libérales qui lui valurent les foudres de la justice. Il écrit une foule de traités de politique, de géopolitique (prônant notamment la décolonisation de l'Amérique du sud) ou d'agriculture avant de mourir en 1837. Ses multiples talents et son ingéniosité comme sa capacité à durer à travers les régimes politiques successifs permettent de le rapprocher de Talleyrand, presque son contemporain (1754-1838).

Ces images ont été présentée en l’église d’Allanche, le 13 juillet 2010, dans le cadre de la conférence annuelle des « Amis du vieil Allanche » ; la conférence fera l’objet d’une publication dans les cahiers du Vieil Allanche, à paraître en juillet 2011.

Plusieurs articles ont paru sur l’abbé de Pradt dans les Cahiers d’histoire en 1962 (cote ADC, 182 PER 2). Mais la somme la plus accomplie sur ce personnage est due au regretté Jean Moins. Il serait à souhaiter que cette belle étude sur les « idées politiques » de l’abbé de Pradt, parue en feuilletons dans la « Revue de la Haute-Auvergne » en 1962-1963, puisse être reprise dans un volume qui traiterait aussi d’autres aspects de cette vie si remplie, et dont la présente exposition ne vise qu’à donner une esquisse.

L’abbé de Pradt, ex-archevêque de Malines
L’abbé de Pradt, ex-archevêque de Malines

L’écu familial « écartelé d’or et d’azur plain, à la croix fleuronnée brochant l’un sur l’autre », est timbré d’une couronne flanquée d’une mitre et d’une crosse.

C’est l’élément profane et nobiliaire (la couronne) qui est ici central dans les trois timbres héraldiques ; la crosse et la mitre épiscopales étant rejetées sur les côtés.

La ligne paternelle est celle de commerçants enrichis, anoblis en 1723 grâce au passage aux armées du Roi. La ligne maternelle (Lastic et La Rochefoucauld) est bien plus prestigieuse ; deux oncles ecclésiastiques (un Lastic et un La Rochefoucauld) mettront au jeune prêtre le pied à l’étrier dans la carrière cléricale.

Le tableau a été réalisé post mortem, lorsque l’évêché demanda à Onslow de peindre la série des évêques de Saint-Flour ou originaires du diocèse de Saint-Flour au XIXe siècle.

Tableau d'Édouard Onslow (1830-1904) conservé à la salle capitulaire du Musée de la Haute-Auvergne, à Saint-Flour

Acte de naissance (1759) conservé à la paroisse

La famille Dufour eut la seigneurie des Prades à l’occasion du mariage de Jean Dufour, arrière-grand-père de l’abbé, avec Françoise Dabin, fille de Sébastien Dabin, seigneur des Prades.

Dominique Georges Frédéric avait un frère jumeau, Dominique Antoine Hector. Leur acte de naissance est corrigé par un acte qui affirme que c’est le futur abbé qui est l’aîné des deux.

Il s’agit de l’acte du registre paroissial, conservé à Allanche. On ne sait pourquoi le nom de Prades fut modifié en Pradt : peut-être pour le faire ressembler à celui de Duprat, célèbre famille issoirienne d’hommes d’État et d’Église au XVIe siècle ?

Dominique Georges Frédéric eut comme parrain Dominique de Lastic-Fournels, prieur d’Alincourt, et comme marraine Marie Françoise de La Rochefoucauld-Langeac, comtesse de Panat. Tous deux sont représentés le jour du baptême ; il est à noter que seule la branche maternelle du nouveau-né est représentée. Le jumeau a comme parrain le marquis de Chambonas et comme marraine la marquise de Cheyladet. Les fées qui se sont penchées sur les deux berceaux en 1759 sont toutes de bonne, ancienne, voire haute noblesse. Les marchands de Maillargues semblent loin…

Acte de naissance
Acte de naissance
Généalogie
Généalogie

Acte de naissance (1759) conservé au greffe

L’acte de naissance transcrit dans le registre destiné au greffe de la juridiction (puisque ces registres étaient tenus en double) est ici caviardé. C’est la trace d’une tentative de manipulation généalogique qui avait voulu donner aux Dufour de Pradt une origine plus illustre que celle qu’ils avaient (la marchandise) en les rattachant à une famille de Riom de Prades.

Comme on le voit, la tentative était grossière, et elle n’a guère dupé. Elle est caractéristique de la réaction nobiliaire de la fin de l’Ancien Régime, qui se cabre sur ses principes, ses privilèges et ses quartiers de noblesse – vrais ou supposés.

Linteau du grand-séminaire de Saint-Flour, aux armes de Mgr de Ribeyre (1988)
Linteau du grand-séminaire de Saint-Flour, aux armes de Mgr de Ribeyre (1988)

Paul de Ribeyre, évêque de Saint-Flour (1742-1776), fonda en 1753 le grand-séminaire de Saint-Flour, dont l’entrée sur la rue est toujours surmontée de ses armes. C’est là que le jeune Dominique de Pradt entra tout jeune, en 1771, pour y recevoir une instruction qui le mena à l’ordination sacerdotale en 1783.

ADC, 45 Fi 7988

Portrait du cardinal de la Rochefoucauld, archevêque de Rouen, par F.-H. Drouais (1749)
Portrait du cardinal de la Rochefoucauld, archevêque de Rouen, par F.-H. Drouais (1749)

Ce grand-oncle maternel va prendre le jeune abbé sous son aile dès 1785. Il en fait un chanoine de Rouen, l’un de ses vicaires généraux et l’archidiacre du grand Caux.

L’abbé de Pradt lui en sera reconnaissant au point de l’accompagner en émigration en 1792, de lui servir de secrétaire en Belgique, à Hambourg et à Münster, où le cardinal meurt en 1800. De Pradt ne rentre à Paris qu’après avoir enterré son oncle.

Clermont-Ferrand, C.R.D.P.

Le cachet d’un abbé de cour en 1787
Le cachet d’un abbé de cour en 1787

Ecrivant, le 23 mars 1787 depuis Paris à Chaubasse, avocat à Allanche, le vicaire général de Rouen scelle sa missive d’un cachet aux armes de sa famille, mais timbré d’une couronne, à l’exclusion de tout attribut ecclésiastique. La couronne elle-même, ni tout-à-fait comtale, ni tout-à-fait marquisale, est celle d’un aristocrate pas encore quadragénaire, qui n’oublie pas, néanmoins, de prier son correspondant de présenter ses « complimens » au curé et à « MM. les pretres » d’Allanche.

ADC, 293 F 1

Aux Etats généraux de 1789, De Pradt est l’un des trois députés du clergé au bailliage de Caux à Caudebec
Aux Etats généraux de 1789, De Pradt est l’un des trois députés du clergé au bailliage de Caux à Caudebec
  • Eude (Pierre-Charles)
  • Pradt (Dominique-Georges-Frédéric Dufour de)
  • Rozé (Louis-François)
Portrait de l’abbé
Portrait de l’abbé

Cette gravure, qui reprend au trait le portrait précédent, montre un quadragénaire en habit sobre, avec une cocarde à la boutonnière.

Siégeant à la Constituante, l’abbé parle peu, mais il écoute : c’est là qu’il se forme aux questions politiques, que son éducation ecclésiastique avait peu abordées.

Paris à l’automne 1792 : le temps se gâte pour le noble abbé
Paris à l’automne 1792 : le temps se gâte pour le noble abbé

Le 12 septembre 1792, l’abbé écrit à Chaubasse, avocat à Allanche, pour le rassurer sur son sort. Après les massacre de septembre, le cardinal de La Rochefoucauld prend le bateau à Boulogne pour l’Angleterre ; de Pradt l’accompagne jusqu’à Boulogne, mais rentre à Paris pour ne le rejoindre en Belgique qu’au mois de novembre 1792.

Les Allanchois ont eu le temps d’être inquiets, comme le montre l’apostille du destinataire sur la lettre : « reçue le 22 seulement ».

En émigration, De Pradt tient un bureau d’affaires et commence sa carrière de publiciste par « L’Antidote au traité de Rastadt » (1798), invitation contre-révolutionnaire aux cabinets des monarchie européennes à lutter de toutes leurs forces contre les « vautours tricolores ».

ADC, 293 F 1

« Aumônier du dieu Mars »
« Aumônier du dieu Mars »

Dans le « Petit almanach de la cour », de 1808, M. Dupradt, évêque de Poitiers, est, avec l’évêque d’Acqui, « aumônier ordinaire » - Napoléon disait : le « petit aumônier ». Le cardinal Fesch est le grand-aumônier. Sur la même double page figurent Talleyrand, grand-chambellan, et le général Duroc, « grand-maréchal du palais », cousin à qui De Pradt dut d’être introduit auprès de l’Empereur, et d’y gagner une place de choix dans sa maison.

C’est lui-même qui, causant un jour avec l’Empereur, s’intitula, non sans flagornerie, « aumônier du dieu Mars ».

Collection privée

Dignitaire du régime
Dignitaire du régime

L’archevêque de Malines (qui eut du mal à prendre possession de son siège) est aussi officier de la Légion d’honneur ; il reçoit à ce titre un traitement annuel de 980 francs. En 1811, la carrière de M. Depradt semble sur une trajectoire très favorable, qui culminera avec l’ambassade à Varsovie l’année suivante.

ADC, 27 J 254/91

Après l’ambassade de Varsovie et la chute de l’Empire : un portrait aigre-doux de l’Empereur
Après l’ambassade de Varsovie et la chute de l’Empire : un portrait aigre-doux de l’Empereur

Napoléon, en nommant ambassadeur un archevêque, voulait amadouer la catholique Pologne pour qu’elle lui serve de base efficace dans la campagne de Russie. Après la consommation de la catastrophe, l’Empereur griffonne simplement, pour demander le rappel de Pradt : « Débarrassez-moi de ce faquin ». L’archevêque est sommé de rentrer à Malines « pour y apprendre son catéchisme ».

En 1815, après l’orage, de Pradt donne sa version de « L’Histoire de l’ambassade dans la grand duché de Varsovie en 1812 ». Il y a le beau rôle, et l’Empereur y est présenté sous les couleurs d’un tyran sans que, pour autant, l’ambassadeur rappelé puisse se départir de la fascination qu’il éprouve pour ce « Jupiter-Scapin ».

ADC, 3 BIB 526

1814/1815, ou l’art de prendre le vent
1814/1815, ou l’art de prendre le vent

Dans la période d’indécision politique courant la première Restauration à la seconde, entrecoupé de l’épisode des Cent-Jours, De Pradt, qui s’empressa de rentrer à Paris dès l’approche des armées alliées, est encore amer de son limogeage. Il a la prudence de ne pas publier trop rapidement le récit qu’il fait de le première restauration, où il se donne naturellement le beau rôle, dans les antichambres du pouvoir.

« L’avis de l’éditeur », placé en tête du « Récit historique sur la Restauration de la royauté en France le 31 mars 1814 », est un superbe exemple de l’opportunisme de l’abbé, qui sera d’ailleurs douché après son éviction par Talleyrand, lequel le fait nommer « commissaire aux grands chancelleries réunies de la Légion d’honneur et de l’ordre de la Réunion ». C’est un bel exemple de mise en pratique de l’adage « Promovetur ut amoveatur » (on le promeut pour s’en débarrasser).

L’ambiance qui règne aux Tuileries n’est pas celle qu’il escomptait (« rien appris, rien oublié »), et il rentre en Auvergne.

ADC, A BIB 1565

Les Prades en 1835
Les Prades en 1835

Incendié en l’an III, vendu comme bien national, le château et domaine des Prades sont rachetés par De Pradt en 1812 à Antoine Marie Vidal. L’abbé fait construire le bâtiment actuel, et le flanque de magnifiques et très vastes bâtiments agricoles.

Les Prades en 2009

La route, qui traversait la propriété, passe désormais en contrebas du jardin. La maison, bien restaurée, abrite des chambres d’hôtes – dont la « chambre de l’abbé »…

La passion des chevaux
La passion des chevaux

Dans son « Voyage agronomique en Auvergne, précédé d’observations générales sur la culture de quelques départemens du centre de la France », De Pradt divise sa province en trois parties : la Limagne et les montagnes forment la première et la troisième, tandis que la deuxième est ce qui reste quand on enlevé les deux autres.

L’abbé, s’il mentionne spécialement l’élevage bovin dans la troisième partie (il essaiera de faire venir des vaches suisses aux Prades), n’oublie pas non plus les chevaux, en gentilhomme du XVIIIe siècle qu’il n’a cessé d’être. Le Journal des haras lui reprochera même d’avoir accaparé étalons et poulinières (dont certains venaient de Belgique) aux dépens du haras renaissant d’Aurillac.

L’ouvrage, qui avait commencé par une phrase à la manière de Sully (« L’agriculture est la source principale de la richesse de tout un pays et tout empire ») s’achève par une ode à l’Auvergne, « un pays dont le nom seul nous rappelle toutes les douces idées attachées à celui de la patrie, qui reçut nos premiers vœux, et qui sera encore l’objet des derniers ».

ADC, A BIB 1409

« L’ex » vu en 1820
« L’ex » vu en 1820

Dans ce volume ironique dû à Charles-Yves Cousin d’Avallon (1769-1840), intitulé « Pradtiana, ou recueil des pensées, réflexions et opinions politiques de M. l’abbé de Pradt », ce dernier est présenté comme « ex-grand-vicaire de l’archevêque de Rouen, ex-aumônier du dieu Mars, ex-archevêque de Malines, ex-ambassadeur dans le grand-duché de Varsovie ».

L’auteur de ce texte est célèbre pour ces « -ana », ou recueils d'anecdotes sur des personnalités historiques et littéraires. Il présente ici de Pradt comme un « has been ».

« Où allez-vous M. l’abbé ? Vous allez vous casser le né. »
« Où allez-vous M. l’abbé ? Vous allez vous casser le né. »

Cette « Lettre d’un électeur royaliste à M. de Pradt » est publiée en novembre 1820, à l’occasion des élections à la Chambre. Ces pages, pleines de drôlerie et d’ironie, manifestent l’incompréhension d’un royaliste anonyme pour les prises de positions libérales de l’abbé : comment, malgré tous ces « gages donnés à la royauté et à la religion », qui le lui ont bien rendu, et malgré « trois ou quatre ans d’élucubrations philosophiques et même un peu jacobines », l’abbé peut-il être du côté des libéraux, c’est-à-dire favorable à l’instauration d’un régime représentatif (alors que la loi sur les élections supprime la gauche de la chambre des députés) et à des réformes de structure (plutôt qu’à une politique ultra et contre-révolutionnaire) ?

L’opposition de De Pradt à la loi sur les élections lui vaudra d’être jugé (et acquitté) par le cour d’assises de la Seine ; il est surveillé par le police durant toute la durée de la Restauration. L’abbé, gallican et libéral, n’est pas de la race des Ultras qui voteront, cinq ans plus tard, la loi sur le milliard des Emigrés, contre laquelle il se battra avec force.

ADC, D BIB 554

Sous la Restauration : entre Paris et l’Auvergne

Le baron, ex-archevêque, est débiteur en 1818 de la somme de 5.000 francs envers Geneviève Françoise Hammer, veuve de Louis Quentin Fouquier. Résidant à paris, au grand hôtel de Richelieu, rue Neuve Saint-Augustin, il hypothèque, comme garantie du remboursement de sa dette, ses biens en Auvergne : le domaine de Pradt (200 hectares), la borie d’Asprat (74 hectares) et la montagne des Verines (250 hectares).

Collection château des Prades (Landeyrat)

Sous la Restauration : un homme politique libéral
Sous la Restauration : un homme politique libéral

En 1820, il est jugé devant la cour d’assises de la Seine, entre une prostituée et un filou, dans la l’affaire dite de la loi sur les élections, lui qui est favorable, depuis l’époque de la Constituante, à un gouvernement représentatif. Il est acquitté, mais battu par le candidat ultra du Cantal.

« L’ancien archevêque de Malines », ayant son « domicile politique » à Landeyrat, vote à Saint-Flour, où il est « convoqué, le 25 février 1824, à 8 heures du matin, dans la salle du collège ».

Plusieurs fois candidat, élu à Clermont-Ferrand en 1827 député libéral, il démissionne l’année suivante. Près de quarante ans après les État généraux de 1789, il était vu à la fois comme une relique et comme un trublion, à cause de son enthousiasme pour le régime représentatif.

ADC, 296 F 2

Un gallican au XIXe siècle : contre le jésuitisme, contre Chateaubriand
Un gallican au XIXe siècle : contre le jésuitisme, contre Chateaubriand

Prélat gallican d’Ancien Régime, l’abbé n’aime ni l’enrégimentement des fidèles, ni l’ultramontanisme (jésuitisme), ni « le mysticisme vague et indéfinissable » mis au goût du jour par Chateaubriand dans « Le Génie du christianisme » (1801). Ce dernier, qui le tenait pour un « saltimbanque mitré », le lui rendait bien…

De Pradt publie en 1825 un essai « Du jésuitisme ancien et moderne ». Le retour des jésuites, après soixante ans de suppression, l’inquiète autant qu’un autre Auvergnat, François Dominique de Reynaud, comte de Montlosier (Clermont-Ferrand, 1755-1838), auteur en 1826 d’un virulent Mémoire à consulter sur un système religieux et politique, tendant à renverser la religion, la société et le trône, qui lui vaudra un enterrement civil, alors que de Pradt mourut en 1837, muni des sacrements de l’Église par l’archevêque de Paris, Mgr de Quélen.

ADC, 3 BIB 522

L’insatiable curiosité d’un publiciste polygraphe
L’insatiable curiosité d’un publiciste polygraphe

La liste des livres de l’abbé, publiées chez Béchet, figure en regard de la page de titre de « L’Europe et l’Amérique depuis le congrès d’Aix-la-Chapelle » (1821). Elle montre la variété des centres d’intérêt du « publiciste » (on dirait aujourd’hui « essayiste »).

Une curiosité élargie aux horizons du monde

Au moment de la crise grecque, l’abbé, qui n’y a jamais mis les pieds, écrit un essai intitulé « L’Europe par rapport à la Grèce et à la réformation de la Turquie » (1826).

La table des matières de « L’Europe après le congrès d’Aix-la-Chapelle », rééditée en 1828 dans les « Œuvres politiques de M. de Pradt », montre que l’abbé avait des idées sur tous les pays d’Europe.

ADC, 3 BIB 523 et ADC, D BIB 603

Tombeau de l’abbé de Pradt

Paris, cimetière du Père Lachaise

Le Talleyrand du Cézallier

La célèbre caricature de Talleyrand le montre comme un personnage aux fidélités successives, une bulle restant même en blanc au cas où…

De Pradt, quant à lui, est caricaturé en perroquet. C’est moins la girouette que le causeur infatigable et cabotin, à la fois emplumé et emperruqué, qui est ici croqué.

La biographie comparée de Talleyrand et de Pradt est éloquente : l’évêque d’Autun est de cinq ans l’aîné du vicaire général de Rouen. Le prince de Bénévent surpasse naturellement le comte de l’Empire, ayant été plusieurs fois ministre et ayant joué un rôle de premier plan dans la diplomatie entre le Directoire et la Monarchie de Juillet.

ADC, 27 J 254/129

Carte du Cantal dressée par Vuillemin (1874)

Le Cantal compte alors quatre arrondissements. Allanche et Landeyrat se trouvent dans celui de Murat, supprimé en 1926 mais qui a survécu, pour le domaine judiciaire, jusqu’à la suppression du tribunal d’instance de Murat en 2009.

De Pradt figure, à côté de la carte, comme une personnalité du département.

Carte du Cantal dressée par Migeon (1887)

Les deux personnalités du département mises en valeur par cette carte sont de Pradt et le docteur Jean Civiale (1792-1867), l'inventeur, originaire de Thiézac, du traitement des calculs rénaux par la lythotritie (destruction en place par broyage ou par dissolution).

De Pradt est donc mis au rang de ce bienfaiteur de l’humanité qu’est Civiale. C’est dire le crédit que possède encore sa réputation à la fin du XIXe siècle.

Un portrait contemporain : Robert Gatignol, d’après Édouard Onslow
Un portrait contemporain : Robert Gatignol, d’après Édouard Onslow

Ce portrait a été peint d’après celui d’Édouard Onslow.

Collection château des Prades (Landeyrat)

Un médaillon de David d’Angers
Un médaillon de David d’Angers

Ayant pris sa retraite politique en 1828, on aurait pu imaginer que De Pradt approuverait le libéralisme de la Monarchie de Juillet. Son horreur du désordre et sa crainte de la Révolution le font curieusement pencher vers la Réaction.

Il apparaît, sur ce médaillon sculpté par David d’Angers, en 1830, de profil, le cheveu court, l’air plus austère.

Collection château des Prades (Landeyrat)

Avers
Avers
Revers
Revers

Une médaille du XXe siècle

C’est ici le « héraut de l’indépendance de l’Amérique latine », l’auteur des « Trois âges des colonies », le briseur des châines de l’Empire espagnol, qui est mis en lumière. Il estimait que les colonies, comme les enfants, atteignant après l’adolescence l’âge de la virilité, devaient recevoir leur indépendance.

Collection château des Prades (Landeyrat)

Quelle cohérence dans ce personnage ?
Quelle cohérence dans ce personnage ?
  • Un abbé de cour gallican égaré au XIXe siècle ?
  • Une girouette ?
  • Un antidote ? Contre ce qui est pour, pour ce qui est contre ?
  • Un causeur, un cabotin, toujours en mal de briller ?

    La solution est peut-être à rechercher dans la devise de la Colombie, à l’indépendance de laquelle de Pradt contribua comme soutien de Bolivar (qui lui servit une pension annuelle de 3000 duros à partir de 1824) : « Libertad y orden », Liberté et ordre.
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