Mémoires du Cantal palimpsestes de Benoît Bauzil
Deux ans après sa première exposition aux Archives départementales du Cantal, Benoît Bauzil est de retour avec une nouvelle collection de palimpsestes modernes. Mais alors que la première était consacrée à Aurillac, celle-ci prend de l’ampleur et nous présente, comme un puzzle lacunaire, des fragments provenant des quatre coins du département. De croix en fontaines, de moulin en châteaux, il nous emmène découvrir ou redécouvrir à sa suite le patrimoine cantalien, notre mémoire.
Palimpsestes modernes, ai-je dit, car palimpsestes de papier. A l’origine, le mot désigne les parchemins dont le contenu, devenu inutile, est gratté afin que les pigments de l’encre s’atténuent et laissent la place à un texte nouveau. Le papier, trop fragile, ne peut se prêter à un tel traitement, et la motivation économique qui poussait les scribes à récupérer le parchemin n’est pas celle qui anime l’artiste. Cependant, il y a bien une similitude. Profitant des éliminations qui accompagnent nécessairement tout classement de documents d’archives, Benoît Bauzil se réapproprie le rebut pour lui accorder une nouvelle vie. Mieux, il place ces vieux papiers, dont l’intérêt utilitaire s’est élimé au cours du temps, au centre des attentions, au centre de son art. Une quittance devient clocher, une feuille de comptes se transforme en chapelle, qui ne rêverait d’une telle promotion ? Il suffit pourtant d’incliner la page, de construire autour des lignes écrites un édifice d’encre… et de laisser la magie opérer. Sur le papier ancien, dont on sentirait presque l’odeur de poussière, viennent se greffer des architectures plus anciennes encore. L’encre brune cède la place comme à regret à sa noire consœur, reste en retrait devant le nouvel occupant qui envahit sa feuille, mais sans disparaître tout à fait. Ce qui constituait jadis l’unique valeur du document devient l’écrin où s’installe le dessin, alliant au charme du sujet sa désuète élégance.
Prenez le temps de parcourir cette exposition et de reconnaître ces bribes de notre patrimoine. Certains, comme les burons, resteront anonymes. D’autres en revanche sont déjà ancrés dans nos mémoires, tels les châteaux de Val et de Pesteils, la source du Par ou encore la Font Sainte. Mais tous sont passés sous l’œil perspicace de Benoît Bauzil, qui a su les cerner et retranscrire, en accord avec le document support, leur silhouette trait pour trait.
Encore une fois, le travail de l’artiste est exceptionnel. Approchez-vous de ces volets mi-clos, dont la banalité laisserait le promeneur lambda indifférent. Et pourtant, entre chaque lame du volet, ne distingue-t-on pas les carreaux de la fenêtre elle-même entrouverte ? Quant aux grilles ouvragées, aux meneaux, aux ferrures qui agrémentent portes et fenêtres ici et là, ils dissimulent une régularité, une précision du geste créateur qui est loin d’être banale. Maître des jeux d’ombres, virtuose de la perspective, Benoît Bauzil manie avec brio le stylo et parvient à sublimer les éléments les plus élaborés comme les plus rustiques. Pour le plus grand plaisir de nos yeux, il confirme sans hésitation le talent que nous avions découvert ici même il y a deux ans.
Lucie Dorsy
Directrice des Archives
départementales