Course cycliste Aurillac-Saint-Flour (1er mai 1904)
Course cycliste Aurillac-Saint-Flour (1er mai 1904)
Henri Letellier, directeur du quotidien national Le Journal, adresse ce courrier au préfet du Cantal en mars 1904. Il souhaite obtenir « les autorisations nécessaires pour faire courir » dans le département « le 1ermai 1904 prochain, une épreuve pédestre et une course cycliste pour amateurs, toutes deux réservées aux habitants » du Cantal. La course cycliste aurait lieu sur le parcours Aurillac-Saint-Flour par Murat.
Le Journal était un quotidien français qui parut entre 1892 et 1944 dont le siège se trouvait au 100 rue de Richelieu dans le 2e arrondissement de Paris. C'était l'un des quatre plus grands quotidiens français d’avant-guerre, avec Le Petit Parisien, Le Matin, et Le Petit Journal. Dès la fin du XIXe siècle, les quotidiens sportifs ou non, n’hésitent pas à se lancer dans l’organisation de courses cyclistes. La grande popularité des champions cyclistes dont ils sont les seuls à pouvoir conter les exploits leur permet d’accroitre notablement leur tirage. C’est d’ailleurs ainsi qu’est né le Tour de France créé par le quotidien L'Auto qui, dès le 19 janvier 1903, présente cette nouvelle course comme « la plus grande épreuve cycliste jamais organisée ». Le journal voit ainsi ses ventes augmenter considérablement, passant de 30 000 à 65 000 exemplaires par jour à la suite de cet évènement[1]. Un tel succès n’a pu qu’encourager Henri Letellier à se lancer à son tour dans l’organisation d’une course cycliste, bien que Le Journal ne soit pas un quotidien sportif à la différence de L'Auto. A cette date, c’est un journal qui se présente comme un « quotidien littéraire, artistique et politique », mais qui propose aussi une rubrique sportive dirigée par Rodolphe Darzens, lui-même cycliste et membre de l'Union vélocipédique de France (ancêtre de la Fédération Française de cyclisme). Ses ambitions sont peut-être moins élevées en terme de compétition sportive puisqu’il s’agit d’une course amateur, mais l’objectif est bien le même, se servir de la popularité du cyclisme pour attirer de nouveaux lecteurs.
L’idée est assez originale puisqu’il s’agit d’organiser à la fois une épreuve pédestre et une course cycliste par département. Les deux premiers de chacune de ces courses départementales seront ensuite admis à participer aux championnats cyclistes et pédestres qui auront lieu à Paris, pour la conquête des coupes challenges du Journal. Le courrier précise que « chaque course départementale sera dotée de prix intéressants dont le premier consistera en une bicyclette ». Ce type d’épreuve semble être encore assez nouveau pour les autorités comme en témoigne un télégramme du ministère de l’Intérieur adressé au préfet du cantal : « un certain nombre de vos collègues me consultant sur suite à donner à demande formulée par directeur du Journal relativement à organisation épreuves pédestres et cyclistes, ai l’honneur vous faire connaître que courses de bicyclettes […] ne rentrent pas dans catégories des épreuves qui comportent autorisation administrative, préfectorale ou ministérielle ». Le Journal est donc libre d’organiser cette course qui aura bien lieu à la date prévue. Le numéro du 3 mai 1904 nous en donne le compte-rendu : « Un soleil resplendissant a favorisé les épreuves du Journal. Dès sept heures, une foule vivement intéressée se presse aux abords du contrôle, très bien organisé, où se tiennent les représentants du journal […] Le départ est donné à huit heures précises, au milieu des acclamations du public, qui suivront les coureurs tout le long du trajet, et qui récompenseront le Journalde son heureuse initiative. L’arrivée à Murat est splendide […] Après Murat la route devient plus pénible, mais l’arrivée à Saint-Flour est triomphale : une foule nombreuse se presse au contrôle ». Le vainqueur, un aurillacois, se nomme Weber en 3 heures 19 minutes, soit une minute d’avance sur le second, Reygasse, d’Arpajon-sur-Cère.
Malgré l’inexpérience apparente des autorités dans ce domaine, il ne s’agit pourtant pas de la première course cycliste organisée dans le département, on peut citer pour exemple les championnats du Cantal organisés le 10 novembre 1897 sur la route d’Arpajon-sur-Cère et dont se fait écho la presse « une foule qu’on peut évaluer à près de 1000 personnes, a suivi avec un intérêt des plus vifs les différentes épreuves de cette journée qui a été marquée par une parfaite entente de part et d’autre » (Fonds Pouget : 76 J 74). De même, dès 1899, l’habitude est prise d’organiser des courses cyclistes à Aurillac dans le cadre des festivités du 14 juillet, habitude qui perdurera jusqu’au début du XXIe siècle.
Cotes ADC : 60 M 1 et 36 NUM 137.
Bibliothèque Nationale de France, Gallica : Le Journal, n° 4233 du 3 mai 1904 (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k76244216/f5.item.zoom)
Document rédigé par Nicolas Laparra
[1] Fabien Wille, Le Tour de France : un modèle médiatique, Lille, Presses universitaires du Septentrion, 2003, 329 p.