Archives du Cantal

Lou Baïlèro par Joseph Canteloube

Lou Baïlèro par Joseph Canteloube

Le Baïlèro est certainement le plus célèbre des Chants d’Auvergne, recueil de chants traditionnels auvergnats collectés, harmonisés et orchestrés par le compositeur Joseph Canteloube (1879-1957). Cette partition originale, d’une grande valeur, est extraite des archives du compositeur, lesquelles ont été déposées aux Archives départementales par ses héritiers.

Né à Annonay (Ardèche), le 21 octobre 1879, Joseph Canteloube ressent une véritable passion pour la musique dès sa première enfance. A cinq ans, il est déjà l'élève - et le sera pendant huit années - d'Amélie Doetzer, Polonaise réfugiée, élève et amie particulièrement chère de Chopin qui l'avait entièrement formée et dont elle possédait tous les secrets pianistiques. Après des études classiques à l’Ecole Saint-Thomas d’Aquin, à Oullins (Rhône), de 1892 à 1897, il se prépare à embrasser la carrière de virtuose, mais des raisons familiales impérieuses l’obligent à se fixer à la campagne en Quercy, sur la terre de Malaret (Bagnac-sur-Célé) où demeuraient les Canteloube depuis le début du XVIIIe siècle. C’est là que se fixera sa destinée de compositeur et que se formera, en pleine nature, sa personnalité manifestée à travers d’innombrables œuvres inspirées pour la plupart par le plein air. Elève de son compatriote le maître Vincent d’Indy depuis 1902, il suivra ses cours à Paris, de 1906 à 1914, à la Schola Cantorum. S’intéressant de plus en plus aux chansons populaires, il se livre, notamment à partir de 1900, à cette recherche, d’une manière méthodique et suivie, amassant ainsi d’inestimables documents, d’abord de l’Auvergne et du Quercy, puis de toute la France.

Puisant à ces sources, il a constitué et publié plusieurs recueils de chansons d’une valeur folklorique et historique incontestée. Il considère que le contact avec les sources « traditionnelles, pures et fraîches » du génie du peuple, est indispensable au rajeunissement de la musique dévitalisée par un intellectualisme parfois curieux et artificiel. Fort de cette conviction, Joseph Canteloube consacre toute sa vie à faire connaître et aimer la musique du peuple, les « chants populaires », et déploie une véritable action personnelle aussi bien en France qu’en Europe, tant par l’entremise de la radio que par de longues tournées de causeries-auditions, notamment en Espagne, Allemagne, Hollande, Angleterre et Europe Centrale. Il est ainsi devenu l'un des spécialistes de la chanson populaire et ses travaux ont contribué à la sauvegarde du patrimoine français dans le domaine de la musique populaire. Titulaires de plusieurs prix, officier de la Légion d'honneur, Joseph Canteloube a été lauréat de l'Académie Française et de l'Académie des Beaux-Arts pour son Anthologie des chants populaires publiée en 1951.

Son biographe Jean-Bernard Cahours d'Aspry nous conte les circonstances dans lesquelles l'auteur aurait recueilli l'air qui deviendra le thème du Baïlèro : « C'était un soir de 1903, à la nuit tombante, dans la montagne qui domine Vic-sur-Cère, dans le Cantal. Il contemplait le majestueux paysage qui s'offrait à ses yeux, quand tout à coup s'éleva le chant d'une bergère qui lançait ses phrases à toute volée. Se gardant bien de se montrer, il commença à noter la mélodie, lorsque de très loin, comme portée par la brise qui se lève le soir sur la montagne, il perçut à peine perceptible, la voix lointaine d'un autre berger qui répétait le thème, à six kilomètres de là. »

Sur cette partition de 1907, qui comporte des annotations manuscrites du maître, le chant est dit « recueilli et transcrit avec accompagnement au piano et adaptation française ». Joseph Canteloube précise que « Lou Baïlèro est un chant de berger ; il ne comporte pas de paroles, quoique les pâtres en mettent généralement. Des hauts sommets ils lancent la mélodie à des distances invraisemblables et inventent le dialogue suivant leurs besoins du jour ; fort souvent c’est un dialogue amoureux dans lequel ils se racontent les tristesses et les joies de leur sort ». Les paroles écrites sur cette partition, en français et occitan, ne semblent pas être les plus usitées par la suite. De la même manière, il écrit ces partitions sans chercher à « coller » tout à fait à la musique originelle. Pour Pierre Balme[1] : « Sa science de la musique instrumentale et des ressources d’une orchestration vibrante et colorée l’incitèrent à envelopper ses notations de chants et de danses d’une atmosphère symphonique évoquant, comme décor de profondeur, les larges paysages et les mouvements même de présences humaines, au sein desquels il les avait recueillis ». Il donne une interprétation personnelle de ces mélodies d'origine populaire.

Bien que relativement méconnus en France, même dans leur région d’origine, les Chants d’Auvergne sont internationalement reconnus et ont été interprétés par de célèbres sopranos comme Madeleine Grey, Kiri Te Kanawa, Frederica von Stade ou encore Netania Davrath.

Cotes ADC : 97 J 51 et 98 Fi 186.

Document rédigé par Nicolas Laparra

[1] "La vie d'artiste et l'œuvre auvergnate du compositeur français Joseph Canteloube" / Balme, Pierre. - Dans Revue de la Haute-Auvergne, 1962, p. 96-104

Joseph Canteloube devant une partition à Malaret (Bagnac), 1905
Joseph Canteloube devant une partition à Malaret (Bagnac), 1905
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