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Document sonore
Collation : 1 disque compact audio
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Transcription réalisée par Marie Fabrègues, fille de Guy Jules Venzac.
Je prends mon sac, ma musette et je m'en vais. Derrière, il y avait un champ avec des « finières » (tas de foin). Je n'étais pas encore très loin que j'ai entendu la patronne qui sortait de l'étable en criant « Fingeac ! Fingeac ! ». J'ai compris que je ne pouvais pas aller plus loin. Je me suis entortillé sous un tas de foin, je me suis enroulé comme j'ai pu. Mais enfin, ils n'étaient pas très malins ! ils auraient pu venir voir, ils couraient partout… tous ces tas de foin… Je suis assez grand, les pieds ou la tête, il devait bien avoir quelque chose qui sortait !
Tout de suite, dans le bourg, il était plus de huit heures, les ouvriers ne travaillaient plus, ils étaient sortis de l'usine, tout le monde se promenait car il faisait beau temps ce jour là. Quand la patronne a dit que le prisonnier était parti, les gens se sont mis à parler, à discuter fort. Les uns couraient d'un côté, les autres de l'autre… J'entendais certains qui s'énervaient, d'autres qui riaient. Je les entendais bien, ils n'étaient pas loin.
J'ai attendu, je ne pouvais rien faire de plus…
Puis vers dix heures, le calme est revenu ; il y avait moins de monde et ça ne parlait plus beaucoup, à part quelques chuchotements. Je ne sortais pas.
A minuit moins le quart, de la route qui venait de SIMMARINGEN, j'entendis des pas, des gros souliers sur le béton, le macadam, qui se dirigeaient vers le bourg. En moi-même, je me suis dit que la sentinelle devait être la dernière et que tous les autres étaient déjà rentrés. Au bout d'un quart d'heure, peut-être vingt minutes, je n'entendais plus rien. Je me lève et je vais directement à l'endroit où on s'était donné rendez vous par la route d'où venaient les pas.
Je suis arrivé au sicateur de luzerne, je regarde dessous, il n'y avait rien d'anormal, personne n'avait trépigné ; j'ai trouvé bizarre. Peut être que comme moi, celui qui venait avec moi n'avait pas pu partir.
J'ai réfléchi que vers quatre heures trente quand le jour se lèvera tout le monde va ressortir et s'ils me voient….
Il faut que je parte. Je regrettais bien de partir sans le copain et en plus sans carte ni boussole. Je suis parti quand même.
Je savais, d'après la carte que j'avais étudiée que la dernière ville d'Allemagne où je devais me rendre pour passer la frontière était SINGEN, pas très loin du lac de Constance.
Alors, je pars… Je marchais le jour traversant des sapinières qui avaient été plantées ou replantées. C'était pas mal de fourrés, mais par bonheur, il n'y avait pas trop de ronces. Quand j'étais fatigué, je me couchais et je m'endormais. Au bout d'une heure environ je me réveillais, le froid me saisissait et je repartais… Le jour, dans ces forêts, ces taillis de sapins ça allait bien ; mais, dès qu'il fallait traverser des champs ou des éclaircies, je craignais qu'il y ait quelqu'un et je devais faire un grand tour pour pouvoir aller de l'autre côté.
Je remarchais un peu, puis je me reposais quand je me sentais fatigué.
La nuit, c'était plus commode parce que je pouvais marcher sur les chemins et dans les champs ; je ne passais jamais sur les routes.
Tout ça a duré un bon moment, puis, je suis arrivé à un endroit où passait le Danube. Je l'ai longé un bon moment. Au début c'était des prés, ce n'était pas labouré. Mais après il y avait des rochers qui avançaient ; je n'avais qu'un petit passage au bord de l'eau. Je pensais que peut-être je trouverais un pont mais je n'en voyais jamais. Je me rappelle qu'à minuit environ, j'ai entendu un train passer à ma gauche, au-dessus de moi. Je ne pouvais pas aller le prendre étant de l'autre côté de la rivière… Puis je me suis trouvé à un endroit où il y avait un arbre tombé en travers de la rivière ; et comme il y avait de gros rochers, la rivière n'était pas très large à cet endroit mais elle était très profonde et ça faisait un bruit ! La nuit ce n'est pas agréable d'entendre cette eau aussi bruyante ; ça te donnait presque le trac. Que faire ?
J'avais peur que cet arbre soit pourri et qu'il casse ! Il m'a semblé qu'il y avait comme un petit chemin, comme si quelqu'un y passait de temps en temps… Ce n'était pas bien praticable mais il fallait bien traverser et donc, je me lance. Je traverse sur cet arbre. Quand je suis arrivé de l'autre côté je n'ai pas traîné là car ce bruit d'eau me faisait peur. Il y avait une petite montagne un peu plus loin. Je monte et au sommet c'était un plateau. J'étais très fatigué et tout remué; je me suis couché et comme d'habitude je me suis endormi. Quand je me suis réveillé un moment après, je suis reparti.
J'ai fait ça pendant quatre jours et cinq nuits. Il y avait, je pense, trois jours à peu près que j'étais parti.
Le soir, je traversais des champs, je suivais des chemins…Et à force de tourner d'un coin à l'autre, un soir, je suis arrivé à un endroit, il faisait nuit ; j'ai entendu du bruit comme si c'était des mitrailleuses. Je me disais :
« C'est un champ de tir ou qu'est-ce qui se passe ? »
Je ne comprenais pas bien.
Je suis resté là un bon moment. Je voyais qu'il y avait un carrefour, qu'il y avait trois voitures qui venaient d'un côté, passaient de l'autre et parfois des lumières reflétaient d'un côté puis de l'autre…
Le lendemain, de bon matin, il n'y avait pas beaucoup de circulation, j'ai pensé que jusqu'à maintenant je n'avais vu aucun panneau, aucune direction parce que j'étais dans les taillis, ou dans les chemins ou à travers champs, il faut aller voir.
Je saute sur la route et je vois une pancarte qui indiquait :
« Lac de Constance » 4 ou 5 km à ma gauche et SINGEN à 1,5km ou 2 km de l'autre côté.
SINGEN c'est bien, c'est là où je dois passer. Mais comment je fais ?
Je suis arrivé à marcher dans les taillis et j'ai compris ce qu'étaient ces bruits qui m'intriguaient. C'était une usine où on travaillait le fer et c'était le bruit du marteau pilon…J'étais rassuré.
Puis le matin, j'ai vu la ville et je devais aller à SINGEN. J'ai passé une bonne partie de la journée dans ces fourrés à regarder la navigation, le va et vient des voitures. J'ai pensé qu'il devait y avoir plusieurs usines et qu'à six heures du soir au moment où tout le monde sortirait, je pourrais rentrer directement dans la ville.
J'avais une veste bleue, un pantalon kaki, une paire de souliers. J'avais même une paire de galoches. En effet, j'étais parti avec les vieux souliers qui avaient la semelle qui s'ouvrait parce que ceux que j'avais commandés depuis un moment, n'étaient jamais arrivés. D'ici, ils m'avaient envoyé une paire de galoches que j'avais prises dans le sac au cas où les souliers ne résistent pas.
J'entre dans la ville où effectivement les ouvriers en bicyclette ou à pied naviguaient partout.
Par bonheur, encore, il faisait beau ! Car je me guidais, la nuit, avec l'étoile polaire et le jour avec le soleil ou avec la mousse des arbres, mais je n'avais pas confiance et je me trompais…
Je prends la direction du soleil couchant, et je tourne un peu sur la gauche. C'était comme une sorte de boulevard périphérique. Comme je marchais j'aperçois une route, une grande rue qui partait de l'autre côté. Le soleil était bas donc l'Ouest, et cette rue allait presque en direction du Sud. C'était la bonne direction. Je m'engage là et dès que je suis sorti de la ville, je ne suis plus resté sur la route. Je passe dans les prés mais en longeant quand même la route de loin. Trois ou quatre kilomètres plus loin, je ne sais pas exactement, j'arrive à un endroit où une grande voie partait à gauche et il y avait une barrière de plusieurs couleurs : noir, bleu, jaune. Ce devait être la frontière parce que je venais de passer SINGEN et je savais que c'était la dernière ville avant la frontière. La barrière était d'un côté et moi de l'autre et la route au milieu. Je traverse la route, je passe la barrière et plus loin, je vois une ferme à ma droite, au milieu de prés. J'ai entendu de l'eau qui coulait et comme j'avais bien soif, je me suis approché, tout doucement, tout courbé en regardant s'il n'y avait personne. Pendant que j'étais entrain de boire à cette fontaine, j'aperçois deux lumières de bicyclettes qui venaient face à moi, à droite. Je n'étais pas très loin de la route, peut-être à dix mètres…Tout à coup, ils s'arrêtent juste en face de moi ! Au même moment, un autre est sorti, je ne l'avais pas vu celui-ci, mais il était bien là ! Ils se mettent à parler tous les trois, à discuter entre eux. Je les entendais bien et même je les entrevoyais. J'ai compris que c'était des Gardes Frontières parce que tout de suite, un prend son vélo, se retourne et repart d'où venait l'autre.
Alors je me mets à ramper, mais ramper à quatre pattes, carrément sur les coudes pour m'éloigner de la route de peur qu'ils me voient. Je sors de ces bâtiments de ferme et je traverse les prés au-dessous. Je voulais toujours aller dans la direction du Sud ; seulement, entre temps le brouillard était tombé et la nuit aussi ! Plus d'étoile polaire pour me guider. Je faisais donc à peu près et j'avais l'impression d'aller vers le Sud.
Tout à coup « Pan ! Pan ! » Un coup de fusil à ma gauche, un peu loin de moi. Puis un autre coup à ma gauche. En bordure d'un bosquet, il y avait un « type » en bicyclette…Je ne l'avais pas vu celui là et pourtant il était bien par là derrière ! Il y avait aussi une guérite que je n'avais pas vue non plus ! Le gars a sauté sur son vélo. Le chemin était surélevé et moi, je me trouvais dans le pré en contrebas. Quand j'ai vu qu'il montait sur son vélo, je me roule dans l'herbe pour qu'il ne voit pas mon visage parce que même la nuit il pouvait me voir. Il passe devant moi, en direction des tirs. Une fois parti, je me relève, je saute sur le chemin, puis, comme toujours dans les prés. J'avais marché longtemps. Il y avait du brouillard. Je ne savais plus où j'allais. Il y avait des ronces, plutôt des taillis. Je me couche là et comme toujours je m'endors. Je ne suis pas resté très longtemps parce que le froid me réveillait. Il bruinait…ça n'arrangeait rien !
Malgré le brouillard, je suis reparti, toujours à travers prés.
Arrivé à un endroit où il y avait des jardins, j'ai vu une autre guérite et un gars en bicyclette qui arrivait. Il pose son vélo à côté de la cabane et il reste là. Je le voyais bien. Dans les jardins, je fais demi tour et me cache dans des choux pommés qui avaient de très grandes feuilles; l'eau me dégoulinait dans le cou comme il pleuvait, mais je m'esquivais toujours en rampant.
Le type ne m'a pas vu ; il ne m'a rien dit. Quand je suis sorti des jardins, il y avait un pré et en face, à ma gauche j'ai vu un genre de montagne, une butte avec des arbres. Je me suis dit : « il faut que j'aille jusqu'à ces arbres et de là je verrai le va et vient. » J'arrivais au bas de cette montagne, presque sous les arbres, mais j'étais encore dans le pré, je vois un soldat, une mitrailleuse sous le bras, qui me regardait.
« Wer ist es? Qui est-ce ? »
Je n'ai pas répondu, je continuais mon chemin tout en regardant du coin de l'œil. Je pensais s'il me vise je m'aplatirai dans cette sorte de chemin dans le talus. Il ne bougeait pas. Je rentre dans le bois et monte, monte jusqu'en haut. Je me retrouve dans un champ sur un plateau, avec un gros chien loup qui venait vers moi. Je commençais à avoir peur ! Je l'ai appelé, je l'ai caressé ; il n'a pas fait cas de moi, il n'a pas aboyé, rien. Il y avait peut-être quelqu'un aux alentours, je ne savais pas…Je laisse faire. Il a continué sa course et moi j'étais toujours dans le brouillard comme je l'ai déjà dit. Je ne voyais pas la direction qu'il fallait prendre et je ne savais pas où j'étais. Au milieu du champ il y avait un taillis de forme arrondie. J'avais gardé le rasoir, le savon et le blaireau et avec la rosée je me suis rasé.
Je ne savais pas bien où j'allais et je ne comprenais pas où j'étais. Au bout d'un moment, à dix heures environ, j'ai vu un rond dans le ciel, c'était bizarre. Soudain j'ai vu apparaître le soleil. Vous voyez comment ça fait dans le brouillard on ne voit pas les rayons du soleil, on croirait la lune ! Je me suis dit :
« Putain je ne fais pas bonne route ! Il fallait que j'aille au Sud, c'est le matin et le soleil est devant moi. Ça ne marche pas ! Puis, plus j'attendais, les brouillards se dispersaient. J'ai bien compris que c'était le soleil et que je faisais fausse route…
En moi-même je me suis dit : « ce soldat n'a rien dit ! Peut-être que je rentrais en Allemagne ? J'étais en Suisse et je retournais en Allemagne ??? » Je refais le chemin que j'avais pris en montant, je redescends. Je savais où était le soldat à la lisière du bois en bas. Il était bien là avec sa mitraillette ; dessous, il y avait les jardins et une autre guérite avec des gardes frontières. Je passe un peu plus bas et au moment où j'arrive en bas de la forêt, je vois un paysan avec son cheval et sa charrette, qui venait de chercher de l'herbe pour nourrir ses bêtes. Je vais en direction de cet homme qui conduisait son cheval et cette charrette. Arrivé au pré où il avait coupé l'herbe, il avait laissé la barrière ouverte. Je l'ai fermée comme si j'étais avec lui, et je continue en direction du paysan et son attelage. Je le suis un bon moment, mais je ne pouvais pas toujours aller avec cet homme ! Il me fallait aller ailleurs… J'étais assez loin de la charrette, je traverse les prés sur ma gauche et soudain j'arrive à l'endroit où je m'étais couché la veille au soir. Je reconnais les papiers de chocolat que j'avais mangé. Je voyais par où j'étais descendu, là où il y avait les jardins. Il ne faut pas que je revienne là. Au lieu de tourner vers les sentinelles ou vers le soldat, je tourne carrément à l'équerre dans l'autre sens. Je traverse une route, il y avait encore une cabane de garde frontières, mais je n'ai vu personne. Je m'en suis écarté le plus possible et je n'ai rien vu. En face, j'aperçois un grand pommier couvert de pommes, les branches touchaient presque le sol. Je m'avance vers ce pommier, je mange une pomme et j'attends, j'attends…je ne savais pas où aller.
A midi, j'entends sonner des cloches en face de moi et à travers le brouillard qui commençait à se lever je vois un patelin. Que faire ? Je vais droit vers ce village qui s'appelait « RANSEN ? » J'arrive en bas d'une rue où deux femmes parlaient. J'étais un peu sur les nerfs. Je me suis dit ces deux femmes ne m'attaqueront pas, en général elles sont moins fortes que deux hommes ? Je vais voir. Je demande en escamotant un peu « SCHWEIZ ou DEUTSCHLAND ? » Suisse ou Allemagne ? Elles me disent « Suisse » Ah ! Ça tombe bien ! Et alors «Toi, Français ? » Il y avait un homme un peu plus haut dans la rue et les femmes lui ont fait signe de descendre. Il était petit, râblé…J'étais leste à cette époque là. J'ai pensé : « toi, tu ne m'attraperas pas ! » Je ne le voyais pas découpé pour la marche ; parfois, c'est trompeur ! Il arrive. Les deux femmes parlaient avec moi. Il fouille dans sa poche, sort une carte qu'il me montre « Police Suisse ». Il me questionne et comprend tout de suite que je m'évadais. Je lui dis que c'était exact.
« Venez avec moi » Il ne parlait pas français. J'ai le nom et l'adresse de ce brave gars. Je l'ai retrouvé plus tard, quand j'y suis allé avec les filles (Jeanine et Josette). Il n'était pas méchant. Nous sommes rentrés dans le bourg et à un moment il me dit : «attendez-moi là». Il rentre dans une maison et ressort en me faisant signe de venir. Il me dit qu'il fallait qu'il m'emmène da ns une salle de police. Il y avait des bureaux. Ils me font asseoir et commencent à m'interroger. Ah ! les questions !!! Nom des parents, leur âge, leur lieu de naissance et le mien, la nationalité, ce que je faisais, où j'avais fait la guerre, où j'avais été fait prisonnier… Ils me posaient plein de questions, quoi… Ça a duré un bon moment ! Ils m'ont fait asseoir ; une bonne femme est arrivée avec une casserole de bouillon. Là, ça m'a plu parce que je n'avais pas beaucoup mangé. Quand j'étais à la frontière et que j'avais vu le type à bicyclette, j'avais laissé mon sac ; il faisait trop de bruit sur mon dos et je n'avais presque rien gardé. Ils me portèrent ensuite des pâtes. C'était bon signe ! Quand le questionnaire fut terminé, le policier m'amène dans la maison où il s'était arrêté et où j'avais attendu devant la porte.
Je rentre. Il y avait une femme à côté d'un feu de cheminée. Il y avait plein de « toupinous » des petits pots devant ce feu. Ils m'ont fait asseoir à table. C'était un petit patelin et tout de suite les nouvelles vont vite.
Je passe à table, on me sert une assiettée de soupe. Il y avait tout ce qu'il fallait : viande, etc. La maison était pleine de monde. Les gens voulaient voir ce phénomène !!! Les uns me donnaient des sous, d'autres des cigares, des cigarettes et, je te dis, pour manger et boire. J'avais tout ce qu'il me fallait, il ne me manquait de rien.
Quand j'ai eu fini de manger, le même type me dit qu'il devait me mettre en prison. Je lui ai dit que j'en venais. Ça ne faisait rien. Il m'emmène dans une véritable prison. Il y avait un cadenas, un petit « fénestrou » (petite fenêtre) en haut qui était ouvert. Il m'enferme là dedans et s'en va en me souhaitant gentiment bonne nuit tout comme à la maison.
J'étais à peine couché que déjà des enfants criaient « Finsac, Finsac ». L'un me jetais des pommes, des poires…Je n'avais pas faim mais je ne leur refusais pas parce que ça ne leur aurait pas fait plaisir !
Tout à coup, au milieu de ce bruit des enfants qui criaient, quelqu'un a ouvert la porte. Ce n'était pas le même gardien. Celui-ci avait « la mine noire » ; il n'était pas gracieux. Il m'a dit de fermer la fenêtre et de rester là. Je n'ai rien dit, j'ai fermé la fenêtre et je me suis couché. Il y avait une petite couverture un bas flanc et j'ai passé ma nuit là.
Le lendemain, je ne me souviens plus s'ils m'ont apporté le café ; mais, je pense que oui. Le vieux, le malgracieux m'a amené à Schaffhouse, en Allemagne, de l'autre côté du Rhin, mais nous n'avons pas traversé le Rhin !!! C'était pour prendre des renseignements. Ce n'était pas celui qui m'avait accueilli la veille. J'ai attendu là. Ils m'ont apporté à manger. Je me languissais un peu, même si je n'étais pas malheureux. Il y avait un grand livre dans lequel s'étaient inscrits tous les prisonniers qui étaient passés par là. Nous avions tous le même sort, dès qu'ils nous attrapaient, ils nous amenaient à Schaffhouse. En feuilletant ce livre, c'était le 20 septembre, je vois que le 20 août PINQUIER Jean « Pinquiérou » de CASSANIOUSE était passé là, juste un mois, jour pour jour, avant moi.
Je reste là, je trouvais le temps long…
Après deux ou trois jours, le matin, les gendarmes m'amènent prendre le train direction ANNEMASSE.
A ANNEMASSE les gendarmes me conduisent du côté Suisse jusqu'au gendarmes Français, de l'autre côté. Ils font l'échange, les Suisses repartent et les Français m'emmènent à ANNECY où j'ai couché.
Le lendemain, j'ai demandé si je pouvais aller au Centre démobilisateur et ils m'ont répondu qu'il fallait que j'y aille. Là, ils me font la feuille de démobilisation, me donnent 1000 francs et après ça, je n'ai pas fait long feu. Je pars directement à la gare pour prendre le premier train ! Je suis arrivé à AURILLAC, et j'ai pris le train pour MAURS. J'ai trouvé TERRIER « Touène » comme on l'appelait, de SAINT CONSTANT. C'était un dimanche matin. Il descendait de la montagne pour faire les battages avec l'entrepreneur LESCURE. Nous avons parlé comme si on se connaissait. Je lui ai expliqué mon histoire. Il m'a dit :
« Ne te fais pas de souci. Quand tu arriveras à MAURS, tu ne souffriras pas pour arriver à Puechaldou, j'ai la moto… » En effet, arrivé à MAURS, il me prend sur sa moto. Il a dû faire le tour par Saint Julien et puis nous voilà dans la cour de PUECHALDOU.
Voilà l'exploit est terminé…C'est important, c'est un sacré… C'était la LIBERTE, oui…
A.P « Quand vous êtes arrivé à PUECHALDOU, vous avez dû dire : Vive la Liberté !!! »
-Oh ! Putain Oui.
Je n'avais averti personne. Heureusement que les femmes n'étaient pas cardiaques, sinon elles auraient pu faire un arrêt cardiaque !!!
Il y avait Benjamin BOUQUIER qui était marié avec une tante de Maria. Ils étaient à LESDAYE et étaient venus la voir. Il y avait aussi PIGANIOL de CALVINET, le couvreur. Il venait d'installer un fourneau.
Tout le monde était assis à table et c'est BOUQUIER qui, le premier s'est écrié :
« Mais c'est JULOU ? »
Les femmes… (Sanglots dans la voix…)
Et voilà…
- Notes ISBD
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(Cote de l'original : Fg 471 [647] et de conservation A [647] 679*).
- Auteur
-
- Piganiol, André
- Venzac, Jules
- Fabrègues, Marie
- Mots-clés lieu
-
- Cantal (France ; département)
- Mots-clés matière
-
- guerre 1939-1945
- prisonnier de guerre 1939-1945
- récit de vie
- ancien combattant
- Mots-clés personne
-
- Piganiol, André
- Venzac, Jules
- Fabrègues, Marie
- Permalien de la notice