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A. Une société savante et ses "trésors"
Depuis plus d'un siècle, notre société s'est si bien identifiée à la province qu'elle s'était proposé d'étudier à la fin de l'automne 1898 qu'elle en porte habituellement le nom. Et chacun, dans le Cantal, comprend sans difficulté cette synecdoque. C'est que, comme le dit le premier paragraphe de la première page de la première Revue, "tous ceux, érudits ou profanes, qui s'intéressent encore au passé du haut pays d'Auvergne (…) sont bien plus nombreux qu'on ne pourrait le croire". Association connue et reconnue, aimant à travailler en partenariat avec tous ceux, particuliers ou associations, qui poursuivent les mêmes buts, "La Haute-Auvergne" est une "société savante".
Les auteurs des articles et des mémoires publiés par la "SHA" ont à cœur de replacer l'objet de leurs études dans des cadres géographique et chronologique plus généraux, ce qui permet d'éviter l'écueil d'un campanilisme aveuglé par un amour désordonné et passionné du pays natal, qui ferait du Cantal l'alpha et l'oméga de toute création politique ou artistique ou le nombril du monde. En même temps, et contrairement à d'autres sociétés savantes ou académies françaises, elle a banni toute publication qui serait entièrement déconnectée de la Haute-Auvergne : on ne trouve donc pas, dans la liste impressionnante des articles publiés, de considérations générales sur les grands problèmes du monde. Notre Société se veut un lieu d'étude de questions locales, envisagées dans les perspectives les plus larges.
Cette appellation de "société savante", que d'aucuns pourront juger délicieusement désuète, désagréablement élitiste ou ridiculement ringarde, est pourtant pleine de signification. C'est une "société" rassemblant des hommes (et des femmes, mais dans un second temps) qui font profession de cultiver le "savoir" : non pas un savoir que l'on garde pour soi, mais un savoir que l'on partage, que l'on confronte à un comité de lecture, que l'on critique à l'occasion, qui se périme évidemment mais que l'on enrichit au fil du temps. Un savoir exposé, échangé, partagé, étudié collectivement au sein de la société et partagé le plus pédagogiquement possible avec le plus grand nombre, même s'il est élaboré d'abord dans le travail solitaire de la salle d'archives ou du cabinet de travail : les premiers statuts de 1899 assignent comme but de "stimuler et de répandre dans la région le goût des études intellectuelles" en "groupant" et en "encourageant (…) tous ceux qu'intéressent les choses de l'histoire, de la science, de l'archéologie, de la littérature et de l'art".
Le trésor de notre société, c'est donc d'abord la solide série des volumes de revues et de mémoires, la longue liste des conférences, exposés, causeries, promenades, concerts, rencontres qui ont amené les confrères dans tous les recoins du Cantal et dans des départements voisins, depuis plus de 110 ans. Par ailleurs, plusieurs des acteurs de la "Haute-Auvergne" lui ont fait de leurs collections de livres, d'archives et de notes érudites (1). Depuis l'origine, ces collections sont conservées dans les locaux des Archives départementales. L'essentiel est inventorié : seule la bibliothèque et les archives Dienne, ainsi que les papiers Boudet et les archives de la Société ne sont pas encore classé ; en revanche les livres et documents des collections Delmas et Aymar ont fait l'objet d'un catalogue (informatisé pour ce qui regarde les livres). Tous ces documents sont consultables librement. A l'occasion de l'installation de la Société dans ses locaux propres de la rue Vermenouze, M. le président Monboisse avait conçu le projet d'y emmener, avec les stocks de revues et de mémoires, les ouvrages qui faisaient doublon avec la bibliothèque des archives, dans un souci de sauvegarde et de travail scientifique. Mais l'amplitude des heures d'ouverture des Archives départementales ainsi que l'informatisation de leur bibliothèque ont garanti un accès à ces ouvrages qui a conduit logiquement à abandonner ce projet.
Dépositaire de ces collections, le Conseil général a aujourd'hui à cœur d'en présenter pour la première fois au public les pièces à la fois remarquables et caractéristiques. Créée par l'un de mes prédécesseurs, la Société est depuis lors en symbiose avec les Archives départementales. Ses chercheurs y viennent trouver matière à leurs travaux, et les Archives savent pouvoir compter sur leur collaboration à des projets scientifiques, pour mettre le savoir à la disposition de tous. Le Cantalien "du Cantal" y trouve les clefs de compréhension du cadre de vie dans lequel il a le privilège d'évoluer ; le Cantalien expatrié y lit au loin, et avec nostalgie, l'histoire du "pays natal" ; le Cantalien d'adoption, qui n'est pas toujours le moins motivé par l'histoire de son pays d'accueil, y trouve matière à parfaire son intégration culturelle.
Le Cantal est plein de centenaires alertes. Mais ils le sont moins que notre Société, qui puise dans la succession des présidents et des bureaux le renouvellement, le dynamisme et l'adaptation aux conditions nouvelles de "l'économie de la connaissance". Les dernières années n'y font pas exception.
Notre société s'intéressant aux "lettres, sciences & arts", il était donc naturel que les collections qu'elle a constituées au fil du temps, grâce aux libéralités des érudits, portassent sur ces domaines. Le résultat d'une telle sélection forme l'éclectique cabinet de curiosités cumulé de plusieurs collectionneurs, auquel une répartition par thèmes (Lettres, Documents d'histoire, Ethnographie, Sciences naturelles, Arts) a permis néanmoins de donner un fil directeur.
B. Collectionneurs et érudits
Édouard de Dienne (1843-1920)
Léonce Bouyssou a parfaitement résumé la vie et décrit les collections du comte de Dienne (2). Elle explique ce qui a amené notre Société à vendre en 1986 une partie de la bibliothèque qu'il lui avait léguée par "don verbal" (alors qu'il lui léguait par testament 10.000 F pour la fondation d'un prix "en souvenir du nom de Dienne") : la plupart des 2961 livres ne concernaient pas l'Auvergne. Ont donc été conservés environ 400 ouvrages (Auvergne et œuvres du donateur), point encore catalogués, et les archives familiales, point encore classées. Notre Société avait dû faire preuve de pédagogie pour expliquer les raisons de cette vente, qui avait suscité des interrogations et des regrets. N'étant pas liée ici par un legs formel assorti de conditions contraignantes, la "Haute-Auvergne" avait agi comme un collectionneur, qui achète et qui vend en fonction de ses goûts et des circonstances.
L'inventaire de la bibliothèque initiale montre les goûts et les centres d'intérêt du comte de Dienne : droit, histoire, humanisme, France méridionale et Italie, Bourgogne, Charente, Auvergne (avec des prolongements en Bourbonnais et en Velay), religion et piété.
Le catalogue de la bibliothèque et l'inventaire des archives du comte de Dienne sont inscrits au programme des années à venir des Archives départementales. A côté de notes généalogiques sur ses ancêtres (notamment les fameux Strada d'Arosberg), on trouve les papiers classiques d'un érudit : notes prises sur livres et archives, brouillons et épreuves des publications. La plus notable de ses œuvres est sa collaboration avec Gustave Saige, archiviste du palais princier de Monaco, pour les documents de l'histoire du Carladès conservés à Monaco. Ces deux volumes, qui forment toujours la source principale de toute étude historique sur le comté de Carladès, ont d'ailleurs fait l'objet récemment d'une réédition par les soins de Christiane Vayre. Le comte de Dienne a ainsi pu allier à l'amour de ses racines auvergnates son tropisme méditerranéen et méridional (3). Il fut "le promoteur et le subtil négociateur" (RHA, 1911, p. 194) de l'achat par notre Société du rocher de Carlat, désormais propriété du prince de Monaco.
Alphonse Aymar (1865-1927)
La famille Aymar était d'origine quercynoise, mais installée à Aurillac et Arpajon à la fin du XVIIIe siècle. Alphonse Aymar fit toute sa carrière dans l'administration des contributions directes. Sa bibliographie est des plus fournie. Il fut un collectionneur infatigable
Les curiosités d'Aymar ne se bornaient pas au Cantal, puisque les autres départements de l'Auvergne administrative, notamment le Puy-de-Dôme, sont bien représentées. L'archéologie l'amena aussi à s'intéresser à des fouilles et à des monuments extérieurs à l'Auvergne, voire à la France. Il lègue en mourant, en 1927, 5.000 F à la Société.
Le répertoire dactylographié des archives (28 J) est muni d'un utile index. La saisie informatique de ce répertoire est envisagée pour 2011, ainsi que la numérisation des articles concernant le Cantal - au moins pour commencer.
Le catalogue de la bibliothèque (A BIB) est quant à lui informatisé et fondu dans le catalogue de la bibliothèque des Archives départementales (consultable sur archives.cantal.fr) (4).
Les Archives du Cantal conservent d'autres archives provenant d'Alphonse Aymar dans le fonds déposé par la famille Garrigue en 1997 (24 J), inventorié en 2000 par Jean-Eric Iung (5).
Jean Delmas (1868-1913) (6)
C'est Alphonse Aymar qui fait l'éloge funèbre de Jean Delmas en 1913. Celui-ci, orphelin de père et infirme, avait surmonté ces difficultés en commençant très tôt des études érudites d'histoire locale. Trésorier de la société, il fut, suivant l'éloge funèbre, son "âme pensante et agissante". Il concentra ses travaux de recherche sur l'époque révolutionnaire, sans pour autant négliger l'Ancien Régime. Sa bibliographie compte 34 articles et 38 recensions.
Si les documents datant de l'époque révolutionnaire ou portant sur elle sont nombreux dans la collection Delmas, cette dernière est néanmoins bien plus éclectique ; elle forme un superbe ensemble, tant d'originaux que de copies, pour l'étude du Cantal au XIXe et au début du XXe siècle.
Le répertoire dactylographié des archives (27 J) est muni d'un riche index. La saisie informatique de ce répertoire est envisagée pour 2012, ainsi que la numérisation des articles contenant de l'iconographie.
Le catalogue de la bibliothèque (D BIB) est quant à lui informatisé et fondu dans le catalogue de la bibliothèque des Archives départementales (consultable sur archives.cantal.fr).
Libres
La réutilisation de ces images peut être soumise à un règlement et à la perception de droits, pour lequel il convient de contacter les Archives départementales.
Ces images numériques, copies des documents exposés, ont été réalisées aux archives départementales du Cantal.
(4) Un premier catalogue en avait été dressé et publié à Salers par G. Garrigue en 1950 (ADC, 2 BIB 401 ; 26 pages).
(5) Les archives de la famille Aymar sont conservées sous les cotes 24 J 46 à 56 ; inventaire dactylographié disponible en format pdf à l'adresse suivante : http://archives.cantal.fr/accounts/mnesys_ad15/datas/medias/Inventaires/FRAD015_24_J.pdf
(2) L. Bouyssou, " La bibliothèque du comte de Dienne ", RHA, 1995, p. 99-107
(1) Le dépôt ou le don aux Archives départementales, par les douze ayants-droits de Louis Farges (1858-1941), de ses archives est prévu pour le début de l'année 2011. Il s'agit de notes de cours d'École des chartes, de correspondance (comme membre puis président de la Société " La Haute-Auvergne ", comme archiviste du Ministère des Affaires étrangères, comme consul général de France à Bâle, comme député du Cantal, comme président de la commission des affaires étrangères à la chambre des députés), de notes, de brouillons de livres ou de discours, et de photographies.
(2) Une grande partie des originaux du fonds "Carladès" (74 liasses cotées de 1 à 74 ; 5 registres cotés de G* 1 à G* 5) conservé aux archives du palais princier de Monaco avaient fait l'objet d'un microfilmage à la fin du XXe siècle. Ces microfilms vont être prochainement numérisés par les soins du Centre national du microfilm et de la numérisation (Espeyran) et sur les deniers du Conseil général du Cantal ; le fonds numérisé sera mis en ligne sur le site des Archives départementales au début de l'année 2011. Ainsi les chercheurs auront-ils à leur disposition gratuitement l'ensemble des sources exploitées par Saige et Dienne. Il m'est agréable de remercier ici M. Régis Lécuyer, successeur de Gustave Saige à la direction des archives du palais princier, qui m'a permis de "mettre à la disposition des chercheurs une reproduction des microfilms relatifs au fonds Carladès conservé aux Archives du Palais Princier, et cela par le biais de la numérisation" (lettre du 13 juillet 2010).
(6) Informations prises dans la nécrologie, les éloges funèbres et la bibliographie publiés à l'occasion de son décès dans RHA, 1913, p. 89-104.