Reflets d'une époque
Plaques de verre conservées aux Archives Départementales du Cantal
Apparue au début du XIXe siècle, la photographie, fixation permanente d’une image sur un support (métallique d’abord, en verre ensuite, puis en film de celluloïd souple), connaît ses balbutiements initiaux grâce à Nicéphore Niépce, qui réalise un premier cliché en 1826. Le procédé sera amélioré par Louis Daguerre et présenté à l’Académie des sciences en 1839. L’Etat français prend alors la décision de l’acheter et d’en faire « don au monde ».
La technique de la photographie est en soi une révolution : alors qu’il n’existait jusque-là, pour fixer une image du réel, aucune autre solution que la copie par la main de l’homme, nécessairement subjective, la photographie permet de conserver avec une exactitude et un réalisme inégalés une réplique du monde qui nous entoure.
Recouverte d’une émulsion photosensible d’abord humide (préparée par le photographe lui-même) puis, à partir des années 1870, composée de gélatino-bromure d’argent sèche, la plaque est gardée à l’abri de la lumière jusqu’à ce que celle-ci, entrée dans la chambre – l’appareil photographique – par l’ouverture de l’objectif, vienne se fixer sur l’émulsion. La plaque, après développement, pourra ensuite être tirée sur papier ou placée dans une lanterne magique et projetée sur un écran.
Les plaques de verre conservées aux Archives départementales sont généralement de taille
9 x 12 cm ou 13 x 18 cm, mais d’autres tailles existent, jusqu’à 24 x 30 cm. Si la plupart sont simples, certaines sont dites « stéréoscopiques » : la même image est fixée en deux exemplaires sur une plaque rectangulaire. Lors de la projection à l’aide d’un stéréoscope, les deux images convergent et se superposent avec un léger décalage, créant une impression de 3D.
La photographie, il est vrai, reste pendant plusieurs décennies un loisir réservé aux classes sociales aisées : le matériel représente un coût difficilement supportable pour les classes ouvrières et agricoles, et cette activité suppose d’avoir du temps libre. Cependant les photographes professionnels s’emparent d’un marché en forte demande et interviennent pour immortaliser les évènements importants, tels que les mariages, rendant accessible la tradition de réaliser des portraits des membres de la famille, jusque-là commandés auprès d’un artiste peintre et réservés aux plus riches.
Les photographes amateurs, quant à eux, sont loin de se limiter aux portraits figés : les scènes de famille animées se multiplient. De manière générale, on capture des images du quotidien, églises, paysages, mais aussi personnes attachées au service du photographe. Si on ne peut exclure la fierté du directeur des mines de Champagnac d’exhiber ses mineurs en rang ordonné, ni la valeur documentaire des clichés représentant les faneurs au travail, les photographies d’une famille de fermiers peuvent sans doute laisser présumer un certain attachement qui va au-delà d’une simple représentation du quotidien. Les loisirs figurent en bonne place, exercés en famille ou entre amis, ou encore pratiqués en public lors de courses hippiques, cyclistes ou automobiles.
N’oublions pas, bien sûr, les « curiosités », la fascination pour le progrès technique comme le barrage hydro-électrique de Grandval, les accidents, les modes de vie différents avec une famille de tzigane se prêtant de bon gré au jeu. Au travers du prisme de la chambre, c’est toute la société de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, vue par les classes aisées, qui transparaît.
Tirée des collections des Archives départementales, cette exposition n’aurait pu voir le jour sans les nombreux donateurs et déposants qui contribuent régulièrement à enrichir nos fonds. Pour des raisons de simplification, son titre est légèrement trompeur : tous les clichés exposés ici proviennent de plaques de verre, mais ces plaques ne sont pas toutes conservées aux Archives, parfois seule la copie numérique nous est donnée. Quoiqu’il en soit, je tiens à remercier toutes les personnes qui ont accepté de participer à la constitution d’un patrimoine photographique commun, apportant un précieux témoignage sur une époque oscillant entre archaïsme et modernité.
Lucie Dorsy
Directrice des Archives départementales
Tous les tirages ont été réalisés à partir de fichiers numériques par Thierry Ols, photographe à Aurillac, à l’exception du 29 Fi 157 réalisé directement à partir de la plaque de verre par Philippe Michalet, photographe des Archives départementales.