Boîte de nonne de Sœur Marie du Sacré-Cœur
(début du XXe siècle)
Une fois n’est pas coutume, en ce mois d’octobre, l’habituel « document du mois » laisse place à un objet d’art religieux. La boîte de nonne est une caissette vitrée qui contient une scène miniaturisée représentant une religieuse dans sa cellule. Les premières apparaissent au moment de la Réforme des carmels et de la création des Visitation-Sainte-Marie (XVIIe siècle) puis elles disparaissent peu à peu au XXe siècle.
Dans ce petit espace clos, sont disposés un lit ou une paillasse, un prie-Dieu, une table avec un livre, un grand crucifix, quelques gravures au mur, une moniale en bois ou en porcelaine, en carton, en tissu, en cire, parfois il s’agit d'un simple découpage ou même d’une photographie. Assise sur son lit, sur un tabouret ou parterre, la moniale médite, prie ou travaille : elle file la laine, coud, raccommode ou confectionne un reliquaire. Les costumes des ordres et les images figurant aux murs de la cellule nous renseignent sur leur provenance. Les nonnes se représentent toujours dans leurs habits de religieuse et parmi les meubles et objets de leur quotidien cloîtré. On peut aussi identifier l’ordre auquel appartient la religieuse par l’ordre et la nature des objets décorant les cellules, car il est très codifié. Chez les clarisses, on trouve dans chaque cellule un autel surmonté non pas d’une mais de trois images pieuses, c’est la règle. Dans la cellule des visitandines, on trouve un lit à baldaquin, chez les clarisses, un lit bateau, chez les carmélites, une simple paillasse.
Cette maquette, conservée dans les collections des Archives départementales, est une maquette de cellule de carmélite. Au-dessus de la porte figure l'inscription "Sainte Philomène" (vocable de la chapelle du Carmel d'Aurillac). Au milieu de la pièce, une carmélite assise travaille à sa dentelle ; à côté d'elle, posé à terre, un panier à ouvrage contient de la dentelle. Le lit, garni d'un oreiller, est couvert d'une couverture marron, de la même étoffe que l'habit de la religieuse. Sur la chaise, utilisée en guise de table de nuit, est posé un livre. Sur la bibliothèque, qui comprend quatre livres portant respectivement sur la tranche les lettres "P", "E", "A" et "H", est posée une couverture ou une serviette blanche pliée. Au mur, outre un bénitier et un crucifix avec son rameau, se trouvent un portrait de saint Henri et celui de Notre-Dame. Cette boîte de nonne est l’œuvre de Noémie Lacoste née le 23 juillet 1889 au hameau de Frayssi, commune de Saint-Cernin, fille de Clothilde Marty, ménagère, et de Jean Lacoste, cordonnier. Elle entre au Carmel d’Aurillac le 2 juillet 1909 et devient Sœur Marie du Sacré-Cœur le jour de sa prise d’habit le 19 janvier 1910.
Ces souvenirs sont le plus souvent destinés aux familles des religieuses, comme l’attestent parfois quelques notes manuscrites au dos des boîtes. Elles sont aujourd’hui analysées comme étant le seul moyen pour ces femmes de décrire leur quotidien reclus à leurs familles, qu’elles ne verront plus jamais ou si peu une fois leurs vœux prononcés. « La contradiction réside dans le fait qu’elles ouvrent aux regards étrangers une scène d’intimité rigoureusement secrète dans la clôture, le spectateur pouvant se sentir un peu voyeur. D’autre part, ces autoportraits peuvent étonner pour des spiritualités axées sur le total oubli de soi (il n’existe pas de miroir dans les couvents). Aucune source issue du milieu créateur ne documente cette pratique ambigüe. Certains observateurs y voient une démarche mystique proche de celle du « jardin clos », qui, en se limitant dans l’espace, permet d’atteindre la perfection et d’accéder au salut ; d’autres y décèlent un simple message pédagogique, éthique (« voilà comment il faut vivre ») ou mystique, par allusion à l’attente de Marie avant la visite de l’ange »[1].
Ces boîtes ou « cellules » de nonnes sont des objets rares. Beaucoup de ces précieux témoins de la vie monastique ont disparu. Ils sont pourtant extrêmement émouvants et importants pour la transmission des coutumes et la description de l’instant qu’ils reproduisent, véritables « photographies » de la vie des moniales. Ces fragiles objets de peu et de rien sont les seules images et représentations dans leur cadre de vie des religieuses, uniques témoins oculaires de ces lieux fermés.
Cotes ADC : 1 J 829 et 830.
Sources : Thierry Pinette de l’association Trésors de ferveur
Document rédigé par Nicolas Laparra
[1] Dictionnaire des objets de dévotion dans l’Europe catholique, par Bernard Berthod et Elisabeth Hardouin-Fugier, Edition de l’Amateur, 2006, p. 45-47