Le « Consompeu » ou économiseur d’essence « Brioude »
Le « Consompeu » ou économiseur d’essence « Brioude »
Le "Consompeu" (prononcer "Consomme peu") est un économiseur d'essence inventé par Guillaume Brioude dans les années 1920. On ne sait que peu de choses sur cet inventeur sinon qu’il est né à Gourdièges, le 21 août 1887, de Jean Brioude, résidant à Paris, et de Léontine Falachon, demeurant à Joux, commune de Gourdièges. Nous conservons toutefois une photocopie de sa carte d’identité en date du 28 octobre 1941. Elle nous apprend qu’il réside alors à Paris, où il travaille dans un tout autre domaine, puisqu’il exerce la profession de garçon de bureau. Nous ignorons donc quelles étaient ses connaissances en mécanique : avait-il une formation dans ce domaine ou était-il autodidacte ?
Les archives du Cantal conservent deux brevets pour « perfectionnements aux économiseurs d’essence » déposés par Guillaume Brioude à Bruxelles les 24 juin et 23 octobre 1922. Ils sont accompagnés d’un dessin schématique sur papier et d’une élévation grandeur nature sur calque. Cette dernière porte la mention « Le Consompeu » « breveté S.G.D.G », abréviation de « sans garantie du gouvernement », qui est une mention légale relevant du droit des brevets. Elle dispose que les brevets sont délivrés « sans examen préalable, aux risques et périls des demandeurs, et sans garantie soit de la réalité, de la nouveauté ou du mérite de l’invention, soit de la fidélité ou de l’exactitude de la description ». Elle s’appliquait en France comme en Belgique. La propriété industrielle apparaît en France pendant la Révolution française. Elle est institutionnalisée par les lois des 7 janvier et 25 mai 1791 avec l’apparition du terme « brevets d’invention » et la mise en place d’une administration des brevets sous la forme du Directoire des brevets. L’actuel Institut national de la propriété industrielle (INPI) est l’héritier des institutions qui se sont succédées depuis ces premières lois. Il a pour mission principale de recevoir les dépôts et délivrer les titres de propriété industrielle : brevets, marques, dessins et modèles. Il conserve un fonds de près de 400 000 dossiers originaux, de 1791 jusqu'en 1902. Une loi du 7 avril 1902 impose la publication systématique de tous les textes et planches des brevets. Depuis cette date, les dossiers originaux sont périodiquement détruits au profit de la conservation des publications.
L’objectif du « Consompeu » est, comme son nom l’indique, de réduire la consommation d’essence des moteurs à explosion. Sans entrer dans les détails techniques, le principe du moteur à explosion dit « 4 temps » est relativement simple : le mélange air-essence est fortement comprimé par un piston. Une étincelle fournie par une bougie permet de faire exploser le gaz compressé qui repousse violemment le piston. L'énergie issue de cette combustion est convertie en énergie mécanique (le mouvement vertical des pistons) utilisée pour fournir la puissance moteur au véhicule. Jusqu’au milieu des années 1980, c’est le carburateur qui gère le mélange air-essence aspiré par le moteur. Guillaume Brioude présente son invention comme « un récipient ou pot à l’extrémité d’un tuyau » qui vient se fixer dans le conduit d’aspiration d’air en amont du carburateur. Son principe de fonctionnement est de jouer sur le mélange air-essence, l’économiseur « diminue la consommation d’essence grâce à la soupape réglable et permet de donner un carburant riche en air et de corriger ainsi la carburation ». La soupape, correspondant au point numéro 5 du schéma, permet de réduire ou d’augmenter, en fonction de son ouverture, le volume d’air arrivant à l’entrée du carburateur. Son ouverture est coordonnée à celle du volet du carburateur gérant la quantité d’air présente dans le mélange air-essence. La qualité d'un bon mélange est caractérisée par son homogénéité et sa proportion air-essence communément appelée richesse. Ainsi un mélange homogène peut augmenter les performances d'un moteur, tout simplement parce qu’une combustion rapide va augmenter la pression à l'intérieur du cylindre et par conséquent l'effort appliqué sur le piston. D'autre part si la combustion du mélange est complète, le rendement du moteur sera augmenté, autrement dit la consommation réduite.
Ce système ingénieux devait donc permettre, un peu à la manière d’un « starter », de jouer sur la richesse du mélange en adaptant la quantité d’air au besoin du moteur. Lorsque le moteur tourne à grand régime, la soupape laisse passer un maximum d’air. A l’inverse, au ralenti, elle reste fermée sur son siège pour un mélange plus riche en essence. Enfin, « dans les reprises elle s’approche plus ou moins du couvercle, ne laissant pas ou presque pas rentrer d’air, selon que le moteur tourne à un régime plus ou moins grand ». Les caractéristiques techniques variant notablement d'un type de véhicule à l'autre, Guillaume Brioude prend bien soin de préciser « que la forme et le montage de l’appareil peuvent varier suivant les moteurs et les besoins ». Si en théorie ce système pouvait paraître très intéressant, qu’en était-il en pratique ? A la lecture des deux brevets, on s’aperçoit qu’il a déjà été modifié entretemps. Entre le premier brevet et le schéma annexé au deuxième brevet les points n° 4, 7 et 8 ont disparus. Guillaume Brioude a-t-il voulu améliorer son invention ou ne fonctionnait-elle pas correctement ? A-t-il seulement pu la mettre en œuvre ? Car sans prototype, impossible pour lui de la tester en conditions réelles. Or, compte-tenu de la complexité de fabrication d’une telle pièce, il est peu probable que Guillaume Brioude ait pu mettre au point un tel prototype. Il est en tout cas permis de douter de l’efficacité de son système puisque la postérité n’a pas gardé trace ni de l’invention, ni de l’inventeur.
Ces documents nous prouvent que la réduction de la consommation des automobiles n’est pas une préoccupation nouvelle et ne date pas seulement des chocs pétroliers des années 1970. Une recherche dans la base « Espacenet » (Espacenet – résultats de recherche), développée par l'Office européen des brevets (OEB), permet de trouver plus d’une vingtaine de brevets d’économiseur d’essence déposés rien que pour l’année 1922 !
Cote ADC : 1 J 1163
Document rédigé par Nicolas Laparra