Don Ellen van der Heijden, 2020.
"Tataouine, le 5 janvier 1918
Ma chère femme,
Je n'ai pas pu t'écrire longuement depuis une longue période, ce me semble, mais les télégrammes et cartes échangés t'auront mise au courant de mes déplacements.
J'ai eu une avalanche de télégrammes pour ma promotion. Grand merci encore à Bonne maman et Tata qui m'en ont envoyé un très chaleureux, ainsi que ton oncle de Toulouse. Je sais que ta prochaine lettre m'apportera tous les détails qui peuvent m'intéresser. J'ai reçu de toi ta lettre du 23 décembre m'apportant tous les vœux de la maisonnée, celle de Noël avec le récit des distributions de jouets par le bonhomme Noël dans la villa Alice, la lettre de Marie-Louise du 26 et ta carte du 28. Ces deux dernières datées de Cahors.
6 janvier. Je continue ma lettre interrompue hier soir. Il est 21 heures et j'ai encore de nombreuses lettres à faire. Mon voyage à Dehibat, à la suite du général en chef Moinier m'a mis très en retard. Ce furent 4 journées perdues pour mes écritures de toutes sortes, officielles et autres. Le voyage fut d'ailleurs très agréable et accompli par un temps merveilleux. Les 2 généraux étaient dans une auto, l'officier d'ordonnance du général en chef (un chef de bataillon, mon camarade de S[ain]t-Cyr) et moi dans une 2ème. Des attelages d'artillerie étaient placés aux passages difficiles, encombrés par le sable, et tiraient les autos, spectacle peu banal. Nous eûmes à Dehibat une réception presque somptueuse, et bien qu'à l'extrême frontière, le calme le plus complet continua de régner. C'est qu'en Tripolitaine, comme ici, la misère règne, les gens ne peuvent songer à se rassembler, ils sont en quête de leur nourriture journalière et sont déçus par les résultats. Les Turcs parviendront-ils à les hypnotiser une seconde fois avec la « guerre sainte » ? C'est possible, aussi restons nous sur nos gardes.
Toutes les bonnes nouvelles sont arrivées à la fois. En même temps que ma promotion je recevais ma sellerie, enfin arrivée du front, en assez bon état, ton colis de conserves au complet. Te dirai-je que les pommes sentaient encore la naphtaline, grâce au gilet de laine, avec lequel elles avaient été longtemps enfermées ? Tu m'en annonces d'autres, qui ne sentiront pas. Je les recevrai avec plaisir, mais ne m'envoie plus rien, je n'ai plus besoin de rien, pas même de mouchoirs, puisque j'en ai trouvé 6 dans le colis.
C'est dimanche que nous allons fêter mon 4ème galon, en même temps que les 3e du chef d'annexe de Tataouine, le capitaine Cosson, un très gentil garçon. Nous avons invité le colonel Foucher et le commandant Harlé, et nous goûterons le gros foie très truffé, dit l'étiquette, que tu m'as envoyé.
Je suis heureux que tu aies prolongé ton séjour à Cahors, près de Grand'mère, passant tes journées avec Isabelle et nos neveux. Germain en aura rapporté force récits pour son petit frère, et quelques jeux nouveaux. Les voilà bien partagés en jouets, cela complètera leur collection, et comme dit la chanson, ils s'efforceront d'abord « de voir ce qu'il y a dedans ». Puisse le beau temps vous permettre de bonnes promenades à ta propriété. Tu en feras certes les honneurs à Grand'mère.
Mes compliments autour de vous.
Ménagez-vous, soignez-vous bien. Quelles nouvelles des gens du pays ? Qu'y raconte-t-on ? Je vous embrasse tous mille fois. Ci-joint ton mandat-poste mensuel et une petite carte de félicitations peu banale.
Je t'embrasse encore, ainsi que nos gosses et leur Bonne maman et Tata.
Hugues (?) "
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