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Document sonore Collation : 1 disque compact audio
Présentation du contenu

Présentation du contenu par Frédéric Bianchi :

Dans un premier temps Altéro Betti et Vincent Laffaire, tous deux musiciens, ont un rapide échange ou ils évoquent la musique.

Armelle Faure explique qu'après un premier entretien « récit de vie » ce second entretien portera lui sur la pêche et la musique, les transformations piscicoles et halieutiques dans cette partie de la vallée de la Dordogne avant et pendant la construction des barrages car Monsieur Betti a bien connu cette vallée avant la construction du barrage de l'Aigle, pendant sa construction et après sa construction puis il a connu l'arrivée du barrage du Chastang et pourra, peut-être, évoquer le projet de futur barrage à Redenat.

Dans un premier temps Altéro Betti explique qu'il a été braconnier et que lorsqu'il s'est marié avec la fille de Monsieur Espinasse c'est lui qui lui a fabriqué un épervier avec des mailles de 15 plutôt qu'avec celles de 27 qui étaient alors autorisées. Il a pu alors commencer la pêche et est parti la nuit avec des pantoufles en cordes pour ne pas glisser. Lorsqu'il avait pêché quelques truites le conducteur de l'autobus qui assurait la ligne de Spontour à Mauriac s'arrêtait à son signe et les lui prenaient pour les porter aux restaurants. Il se souvient qu'à cette époque il payait les truites farios 12 francs le kilo. Et il explique que c'est comme cela qu'il a commencé à gagner sa vie car lorsqu'il est arrivé à Spontour il « n'avait pas un centime ». Puis il développe et explique qu'il a braconné toute sa vie et qu'il a d'ailleurs été en procès plusieurs fois car même si les gardes-pêche étaient, à cette époque très conciliants ils se devaient tout de même de leur faire au moins un petit procès tous les ans. Il explique que tous les gens de Spontour braconnaient, que le meilleur moment pour cette pêche à l'épervier c'était lorsque l'orage menaçait. Il pouvait alors remplir une « bastole » (panier à pêche) entière. Il précise qu'avec un épervier de la maille 20/ 25 ils pouvaient pêcher des truites de 20 cm et que lorsque les goujons frayaient, vers le mois de juin s'il se rappelle bien, ils utilisaient alors un épervier de la maille 10 et pouvaient ainsi revenir avec trois ou quatre kilos de goujons. Vincent Laffaire complète et explique que cette fraie dépend de la température de l'eau. Monsieur Betti avait donc plusieurs éperviers : un pour attraper les gros poissons qui faisaient pratiquement la maille autorisée et un à la maille 10, soit 1 cm. Il raconte d'ailleurs qu'à ses débuts, lorsqu'il habitait à Valette, un Monsieur Aubert de Spontour, qui savait qu'il braconnait la nuit l'avait dénoncé, c'est alors que deux gendarmes se sont postés pour l'attraper. L'un d'entre eux a tenté de l'attraper et lui, se sentant pris face aux gendarmes a eu pour seul réflexe de le pousser dans l'eau. Au final, il « n'a pris qu'un procès ».

Armelle Faure propose de faire une parenthèse sur cette période où Monsieur Betti a vécu à Valette. Il explique alors que dès 1943 il a habité à l'abbaye de Valette et qu'il y a travaillé pour l'entreprise Balo qui était en charge du chantier de construction du barrage. Eux nourrissaient alors les ouvriers. Il décrit rapidement cette abbaye où il y avait de grandes dalles avec de grandes cheminées, eux s'étaient installés là et les ouvriers venaient y manger. Il y avait un escalier tout en pierres de tailles dont les rampes étaient en « colonnes de pierres de tailles ». Puis, plus loin, il y avait, en haut, un couloir d'environ trois mètres de larges, composé de galets assemblés en mosaïques en forme de fleurs…Selon Monsieur Betti c'est la mairie d'Auriac qui a récupéré toutes les dalles et beaucoup de pierres de cette abbaye dont l'entrée est maintenant visible à Auriac. Armelle Faure complète en signalant qu'il paraitrait que lors de la restauration du château de Val les pierres de l'escalier de Valette auraient permis de construire l'escalier monumental qui est à l'extérieur de Val. Pour Monsieur Betti cela est fort possible. Il explique que l'abbaye de Valette avait été achetée par l'entreprise Balo pour sortir des graviers pour la construction du barrage de l'Aigle et qu'ils avaient installé un téléphérique en ce sens qui allait de Valette jusqu‘au chantier du barrage de l'Aigle. Il souligne que c'est le génie qui est venu avec une tonne de cartouches pour la faire sauter. Il raconte que les gens disaient toujours qu'il y avait des cachettes au trésor à Valette et qu'il s'est mis alors à fouiller et qu'à force de fouiller il a remarqué, dans une des chambres, une grosse latte de plancher ancien qui était coupée. Il l'a alors soulevée et a effectivement trouvé une cache mais avec rien dedans. Il complète en expliquant qu'il est par la suite descendu, avec une corde, voir sous le « château » car il y avait soit-disant un tunnel qui partait du château de l'abbaye de Valette et qui montait jusqu'à Auriac. Il n'a finalement pu avancer que d'une dizaine de mètres car la suite du passage était complètement écroulée. Ensuite, il explique que pendant la guerre il faisait partie du maquis et qu'il y avait donc des caches du maquis à Valette. Il raconte qu'un beau jour, à six heures du matin, les gendarmes sont venus taper à la porte de l'abbaye. Son père s'était alors levé et les gendarmes de Spontour, qu'il connaissait bien, lui ont déclaré venir chercher son fils Altéro car il était considéré comme « déporté politique ». Altéro a donc fait une petite valise et les a suivi jusqu'à la gendarmerie de Spontour avec pour futur destination « Nexon » d'où les prisonniers pouvaient partir pour le camp de concentration nazi de Buchenwald. Mais par chance, à la gendarmerie de Spontour, son beau-père l'a vu et a tout de suite prévenu Monsieur Théodore le conducteur de travaux de l'entreprise Balo qui a alors pris sa Citroën C4, est parti au barrage et est revenu avec un document officiel, avec cachet de l'entreprise Léon Balo, qui indiquait « Altéro Betti spécialiste coffreur… » ce qui lui a permis d'être tout de suite libéré et c'est ce qui lui a certainement sauvé la vie. Il explique par la suite qu'il a toujours détesté l'animosité qu'il pouvait y avoir entre AS et les FTP. Il a lui-même fait partie des FTP. Après cette parenthèse ils reviennent à la thématique principale de l'entretien. Pour la pêche Monsieur Betti utilisait également des filets de pêche de 4 à 5 mètres qu'il installait derrière une petite île, derrière de gros blocs et il pouvait attraper deux ou trois truites à chaque fois. Il complète en signalant que ces filets qu'il mettait-là étaient des filets aux normes de la maille 27. Par la suite il raconte qu'il y a dix ans un de ses voisins a pêché une truite fario de plus de cinq kilos puis il ajoute qu'aujourd'hui ils pêchent des truites de deux kilos voir plus dans des filets de la maille 45 - 50 ce qui n'arrivait jamais auparavant. Il poursuit en signalant que dans le temps il ne posait jamais de filets en dessous de la taille 27 pour pêcher les truites. Il explique qu'ils utilisaient également des nasses à goujons qu'ils implantaient dans les courants, nasses qui n'étaient pas en métal. Ils se servaient également de cordes mais lui n'en a jamais posées. Il sait tout de même qu'ils amorçaient ces cordes avec de gros vers, des limaces ou des lamproies. Pour lui, jusqu'à la mise en eau du barrage en 1952 rien n'avait changé en ce qui concerne le braconnage. Il se souvient que sur son bateau Monsieur Espinasse prenait sa corde avec pour appâts de petits vairons vivants avec lesquels il pouvait ainsi attraper des truites et même des anguilles. Pour répondre à une interrogation de Vincent Laffaire il confirme qu'ils nommaient les vairons également « garlèche » et le fait qu'aujourd'hui il n'y en a plus. Vincent Laffaire explique qu'aujourd'hui il y a surtout de grosses brèmes, le barrage ayant modifié le milieu. Altéro Betti complète en signalant qu'il y a également des brochets, des sandres et de grosses truites. A son arrivée à Spontour à 17 ans il pêchait des truites, des vandoises ou « assé », des goujons, des anguilles mais aujourd'hui ces quatre catégories de poissons ont disparu. Altéro Betti explique qu'alors il attrapait même des vandoises au « fouet ». En ce qui concerne les saumons son beau-père lui disait que lorsqu'il était jeune ils montaient jusqu'en amont du pont de Spontour pour venir frayer. Puis Armelle Faure lit une liste de poissons disparus depuis la construction du barrage que lui avait communiquée Auguste Varennes : l'échabaud, la vandoise, le poisson chat dont en effet Monsieur Betti se souvient, la carpe, les « bouillerou » ou goujons, les garlèches et les vairons. Vincent Laffaire ajoute que les ablettes sont un des seuls poissons à avoir survécu à la construction du barrage, ce que confirme Altéro. En ce qui concerne le fonds de la rivière, Altéro ne peut pas dire grand-chose si ce n'est que le fonds doit être plus vaseux aux endroits plus calmes. En ce qui concerne le marnage, Vincent Laffaire explique que quand l'eau monte à Argentat c'est bon pour la pêche et en contrepartie lorsque la pêche est bonne à Argentat elle est mauvaise à Spontour et vice versa. Vincent demande à Altéro s'il existe sur la Dordogne un endroit où la rivière pourrait être la même qu'avant la construction des barrages ce à quoi il répond par l'affirmative en donnant l'exemple de « La Ferrière » où l'on peut voir un peu au-dessus le même type de courant qui étaient la norme auparavant. D'ailleurs au-dessous du barrage de l'Aigle il y a le village de « La Graffouillère » qui n'a pas changé et où les truites montent. A l'évocation des modifications saisonnières du niveau des eaux de la Dordogne avant la construction des barrages, Altéro cite l'expression des habitants de Spontour qui disait « quand l'eau était marchande » ce qui évoquait le travail des gabarriers. Altéro évoque aussi la mémoire de son beau-père qui a été mousse avant 1914 et qui est descendu en gabarre jusqu'à Libourne, il s'occupait alors d'écoper l'eau. Il explique qu'il l'a même conduit jusqu'au pont de Souillac pour qu'il lui fasse voir où ils couchaient et il lui avait expliqué que si l'eau « était bonne » ils pouvaient alors faire le trajet qu'il y a de Spontour à Souillac en une seule journée de gabarre. Altéro fait alors une parenthèse en signalant qu'il a écrit plus de 400 chansons et qu'il a fait rentrer plus de 10 compositeurs à la Sacem et ce à une époque où l'entrée y était beaucoup plus difficile qu'aujourd'hui où il faut avoir simplement cinq morceaux qui ont été joué cinq fois pour pouvoir y rentrer. Altéro signale que pour y pouvoir y rentrer à cette période-là les musiciens devaient passer une épreuve. Ils étaient convoqués à Brive où à Aurillac, puis lorsqu'ils étaient arrivés on leur donnait une enveloppe grise cachetée qui venait de Paris et qui contenait un thème avec lequel il fallait qu'ils composent un couplet, un refrain avec paroles et musique. Rien que « Le temps des gabarriers » à lui seul lui a rapporté jusqu'à un million de droit d'auteur par an et tout simplement parce que cette chanson « voulait dire quelque chose ». Il complète cette parenthèse en signalant que beaucoup de personnes ont signé des chansons avec lui mais qu'ils n'ont en vérité rien fait. Il évoque donc la création de la chanson « Le Temps des gabarriers ». S'il ne se souvient pas de la date de sa création, il se rappelle de toutes les conversations inspirantes qu'il a pu avoir avec son beau-père, Monsieur Espinasse. Puis il explique que sur trois cents ou quatre cents chansons qu'il a composées il en a une dizaine, peut-être quatre-vingt, sur lesquelles il perçoit encore des droits d'auteur et qu'actuellement les musiciens qui les interprètent sont Jean-Claude Labouchet, Bernard Rual… Tous ces jeunes accordéonistes qui font des bals, des thés dansants. Il précise que Jo Sony travaillait avec Jean Ségurel. Puis il fredonne une autre chanson qu'il a composée sur le thème des gabarres qui elle, en revanche, n'a pas marché. C'est une chanson dont il a composé la musique et dont Roland Manoury a écrit les paroles et que Jean-Claude Labouchet joue encore. Pour lui il n'y a rien de mieux que la musique, elle est bien plus belle que la politique. Vincent explique que « Le temps des gabarriers » est une chanson qui est très implantée à Argentat et qu'aujourd'hui encore les jeunes l'entonnent lorsqu'ils boivent un verre. Altéro confirme ce point en signalant que certains musiciens, croyant qu'elle était tombée dans le domaine public, l'avait enregistrée sans citer les auteurs ce dont Manoury s'est aperçu. Pour Altéro Betti, Roland Manoury est un grand parolier qui a travaillé avec Jean Ségurel, Robert Monédière…avec lui il a composé environ quatre-vingt chansons. Puis il explique qu'Henri-Jacques Dupuy était « un homme » de l'ORTF qui avait monté, dans les années soixante-dix, une émission . Après cette parenthèse musicale il évoque les barques de pêche de Spontour qui étaient fabriquées avec du « vergne » (aulne) ou en cerisier sauvage (merisier)., Armelle complète ce point en signalant qu'à Argentat on lui avait dit qu'ils les fabriquaient également en peuplier ce qu'Altéro confirme. Ce dernier raconte que son beau-père lui avait expliqué que dans le temps l'étoupe était fabriquée avec du bois de tilleul qui n'avait pas de nœud. Pour cela ils prenaient des morceaux de bois de tilleul d'environ trois, quatre ou cinq mètres, qu'ils plongeaient dans l'eau de la Dordogne pendant un, deux ou trois mois, puis ils les sortaient, en retiraient l'écorce et obtenaient la « deuxième peau qui ressemblait à de la paille » qui leur servait alors d'étoupe pour les barques. Il signale qu'aujourd'hui il n'a plus de barque à Spontour et poursuit en racontant qu'il a lui-même fabriqué deux ou trois barques en sapin et que, pour réaliser la courbure des planches, il avait tout simplement utilisé un cric. Puis il complète en signalant qu'il était bricoleur et qu'il avait gagné sa vie autant par la musique qu'avec le bricolage. Armelle complète en ajoutant le braconnage ce que confirme, en souriant, Altéro. Puis ils listent les poissons qui sont apparus après la construction des barrages, Armelle cite les sandres, les brochets, les perches…pour Altéro ce sont surtout les brochets qui se sont implantés après cette construction. Vincent ajoute lui les brèmes, ce que confirme Altéro. Vincent complète ce point en signalant que seules les poules peuvent manger les brèmes puis ajoute qu'en revanche la perche, un bon poisson, s'est beaucoup plus implantée après la construction des barrages. Mais pour Altéro ces perches ont dégénéré et sont devenues plus petites car dans le temps ils pouvaient en pêcher de 600 à 700 grammes. Puis Armelle signale qu'ici ce serait donc l'inverse d'Argentat où on lui a dit que les perches auraient gagné en poids. Pour Armelle un point important c'est que Spontour se trouvant entre deux barrages il ne peut y avoir les mêmes poissons ici qu'à Argentat mais pour Vincent le point important est surtout la différence de température de l'eau car il doit y avoir presque deux degrés de différence entre ces deux parties ce qui est très important pour les poissons.

Autres données descriptives
Notes ISBD

(Cote de l'original : Fg 1360 [1941] et de conservation : A [1941] 2139*).

Auteur
  • Bianchi, Frédéric
  • Faure, Armelle
  • Laffaire, Vincent
  • Betti, Altéro
Mots-clés lieu
  • Dordogne (cours d'eau)
  • Spontour (Corrèze, France)
Mots-clés matière
  • barrage
  • musique
  • accordéon
  • pêche
  • Électricité de France (EDF)
Mots-clés personne
  • Bianchi, Frédéric
  • Faure, Armelle
  • Laffaire, Vincent
  • Betti, Altéro
Permalien de la notice
4 AV 509-1
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