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Description physique
Document sonore Collation : 1 DVD
Présentation du contenu

Il s'agit d'une copie de cassette 8 mm.

Le tournage a été réalisé à Aurillac, chez M. Marcel Gaillard, rue du Pré Mongeal.

INTERVIEW MARCEL GAILLARD REALISE PAR V. FLAURAUD SEPTEMBRE 1987 (7AV 25-5) :

[...] Alors pardi de suite, les... tout le monde a été en alerte, un môme dans ces buissons, il ne pouvait qu'être mort, et alors ils ont trouvé le discobole et moi j'étais au courant de cette affaire quand je suis rentré à une ou deux heures du matin pardi comme je faisais chaque fois qu'il y avait un parachutage, je rentrais quand le parachutage était fini et j'ai appris ça, je me suis dis :"Merde, pourvu que les Allemands ne soient pas au courant, ils vont venir, ils vont nous /emmerder/" ; et finalement, je ne sais pas dans quelles conditions ça s'est fait, à la Libération, on l'a retrouvé à l'hôpital, quelqu'un... le directeur de l'hôpital peut être de l'époque ou peut être Joly, j'en sais rien qui s'en est occupé, en tout cas le directeur de l'hôpital à l'époque, c'était.... son fils jour troisième ligne au stade, bon sang, il est à Saint Cernin, il fait taxi, en fait n'importe, c'est lui sûrement qui a dû le faire parce que c'était pas un collaborateur loin de là..."

INT : Vous aviez à circuler la nuit...

"Ah je ne circulais que la nuit, sauf quand j'avais des choses urgentes, je circulais le jour mais il m'arrivait des trucs, j'ai eu une chance de cocu, une vaine de cocu, chaque fois que je... un jour, je vais à... comment ça s'appelait le groupe de l'ORA était du côté de Mauriac, au château de... je ne sais comment, enfin je vais leur faire une liaison, c'était dix heures du soir, je me perds, je me trompe, la nuit, évidemment j'avais pas de carte, je me trompe et je te vois au milieu de la route dix branches, des branchettes pas de grosses branches, je m'arrête, d'habitude j'aurai foncé à travers ces branches sans m'en occuper, j'arrête la moto et j'ai entendu couler de l'eau, le barrage se remplissait, c'est au moment où ils remplissaient le barrage de l'Aigle, j'entendais couler l'eau qui... il y avait un trou, il y avait trente mètres à faire, je la voyais à peine l'eau qui reflétait au fond au clair de lune, à dix mètres près, j'aurais fait comme d'habitude, parce que les fois, où je me suis guindé, ça m'est arrivé dix fois de me tromper de route, de vouloir retourner et me retourner avec la moto, elle sur moi et puis elle pèse... elle pesait la /garce/ où alors me trouver tout d'un coup dans une cour de ferme alors à deux heures du matin, c'est pas le moment d'aller demander au paysan le chemin."

INT : Est-ce que vous pourriez retracer l'évolution des regroupements des maquis?

"L'évolution..."

INT : oui des touts premiers maquis, des noyaux à ... comment les structures ont...? (4'08)

"Ben c'est-à-dire ça était la plus grosse difficulté d'ailleurs, ça était de trouver les gars pour le maquis, on en trouvé surtout après le STO, on en trouvait beaucoup mais qui venaient de Marseille, qui venaient de Lyon, qui venaient de Toulouse, de Bordeaux, de Clermont, ceux de Clermont partaient en principe sur Saint Flour et sur le Puy et alors c'est à partir de là, il n'y a jamais eu de maquis au Mont Mouchet par exemple, il n'y a eu que le rassemblement, pourtant c'était un coin [propice] mais seulement il y avait un garde... un garde forestier alors on ne pouvait quand même pas se fier à tout le monde, peut être il aurait été dans le coup, j'en sais rien ; et alors le premier maquis, pour nous, il y a eu un maquis FTP qui s'est constitué début 42 au moulin de Laroquebrou, au moulin de Laroquebrou, ils étaient quatre ou cinq types mais j'ai jamais été bien au courant de cette histoire... "

INT : Consécutif d'un peu de...

"Non c'étaient des communistes, à l'époque, les communistes ont les déporter à Avignon, à Arles, enfin les déportations n'étaient pas très grave, m'enfin on les déportait quand même... "

INT : Il y avait quand même le renversement...

"De situation... "

INT : de situation quand l'Allemagne a commencé à envahir l'URSS

"Voilà, c'est ça, autrement jusque là, ils bougeaient pas les communistes, ils étaient même copains parce que Hitler s'était entendu avec Lénine, par conséquent c'était parfait mais ils ont commencé à bouger ça après l'attaque mais ça c'était avant, tout à fait au début les francs-maçons, les communistes ont été suspecté et visé quoi, alors il a fallu se planquer, eux ils se sont planqués dans l'ensemble et il s'était formé un petit maquis là bas au moulin, je l'ai su comme ça par les gars de Laroquebrou qui étaient au courant de Siran mais j'ai jamais eu de machines bien explicatives. Alors après, nous en avons formé, nous à la Luzette mais qui était pas très important, on y envoyait de temps en temps un type et alors nous avions comme chef de maquis, un communiste, un type qui voyait des ennemis partout et alors ça on l'a appris bizarrement parce que quand ils arrivaient, le type les interrogeait bien sûr, "d'où tu viens" enfin "qui t'a envoyé" /patati et patata/, tiens ça me fera penser à une autre histoire et alors s'il lui paraissait pas sympathique, il leur disait : "Moi je peux pas te garder ici, le maquis est trop petit, je vais t'envoyer dans un maquis de l'autre côté de la Cère" ; il les faisait descendre dans les gorges de la Cère, des types les accompagnaient et les abattaient froidement par là et ils s'en allaient ; et alors un jour on l'a su parce que... on avait envoyé deux jeunes qui étaient passés au maquis, qu'on avait envoyé nous personnellement Bernard Cournil et moi, parce que c'était lui qui faisait les transports, Bernard, parce qu'il avait l'autorisation de rouler, quand il ya avait deux ou trois types, il les chargeait, il les amenait au maquis, et il les laissaient /pardi/parce qu'encore il s'intéressait au maquis que pour la nourriture alors je t'ai dit comment ça marchait, on achetait un veau, un mouton, un agneau, n'importe quoi, alors ma femme vendait les gigots à ses collègues et avec cet argent, on en rachetait d'autres, ça a duré jusqu'au moment où nous n'avions plus les moyens d'y subvenir et où les machins [percepteurs] nous ont ouvert leurs caisses ; et alors il leur fait le coup, il s'est méfié d'eux et leur dit : "Je vais vous envoyer dans un maquis à côté là bas" ; et alors ils ont en tué qu'un, l'autre a pris la trouille, il a été que blessé, il a cavalé, il a plus osé revenir au maquis, plus rien dire à personne, et on l'a su que ... sept ou huit mois après et c'est comme ça que j'ai su qu'un des gars que moi j'avais envoyé personnellement dont je connaissais bien la mère, lui aussi je le connaissais, c'était un gentil garçon mais alors un braillard, a été trouvé mort dans les gorges de la Cère, lui ils l'ont trouvé, ils ne l'avaient pas enterré ni rien, ils l'avaient laissé là comme ils avaient dû en laisser d'autres d'ailleurs..."

INT : C'étaient des FTP qui... (7'55)

"Oui, enfin il était pas FTP, il ne s'était pas présenté comme FTP, il était communiste quoi, il était communiste alors comme il se planquait à ce moment là, on lui avait dit : "Ecoute, tu as une certaine autorité, tu vas être le responsable du maquis" ; il était sept ou huit, dix peut être ou douze, peut être après il était une vingtaine, enfin au début, ils étaient peu, il est parti, il a eu vent quand les autres lui ont dit qu'il y en avait un qui s'était échappé, il a eu la trouille et il a foutu le camp alors celui là je ne sais pas ce qu'il est devenu et où il est passé et alors quand on est arrivé au maquis, les autres, qui n'étaient pas au courant ses camarades nous ont dit : "Il y a deux jours qu'il a disparu, on ne sait pas où il est passé" ; et alors il a fallu en envoyer un autre /pardi/; et après petit à petit ça s'est tellement agrandi qu'il a fallu rentrer... là on en a mis dans le bois en deux endroits, à la Luzette et à la Fombelle et à un moment donné, il en arrivait bien sept ou huit tous les jours et il fallait quand même les transporter et les planquer mais là c'était des gars qui voulaient échapper au STO dans l'ensemble, on leur demandait pas s'ils étaient communistes, chrétiens ou n'importe quoi, on s'en foutait éperdument, ils se planquaient, on les planquait. Et justement, ça me rappelait tout à l'heure cette histoire parce que Bernard me téléphone un jour... me faire dire de passer au maquis qu'il y avait un type qui se présentait de la part de Gilardon : "T'a envoyé quelqu'un sous le nom de Gilardon, en principe oui mais je vois pas" ; alors je vais là bas /pardi/ je vais au maquis, je vois Bernard avec deux ou trois types et alors il dit à un des gars : "Tu le connais, tu vois qui là, non, c'est Gilardon, c'est le type qui t'a envoyé" ; le type est devenu comme ta chemise, tu sais du coup alors il a bafouillé, il a dit : "Non, non j'ai dit ce nom parce que je savais qu'il y avait un responsable qui s'appelait Gilardon alors pour me faire admettre au maquis, j'ai dit que je venais de sa part" ; alors on l'a surveillé pendant des mois, m'enfin il avait le tort d'écrire à sa fille alors là on lui a dit : "Ecoute si tu veux correspondre avec ta fille, tu iras la trouver mais tu correspondra pas avec elle parce qu'on ne veux pas que... personne ne sache que le maquis se trouve à Saint Saury" ; parce qu'il mettait les lettres à la poste bien entendu et elle était de Saint Saury, il a envoyé deux lettres, il n'en a pas envoyé d'autres ou "alors tu fous le camp" ; alors ça s'est passé comme ça et finalement il a ... Après quand ça s'est étendu, Garçon a été responsable d'un gros groupe déjà il y en avait une centaine avec.. le trésorier de notre organisation qui s'appelle, qui s'appelle ...

[...] où il faisait du charbon de bois pour ce gars qui avait ce bureau avenue de la République dont je ne me rappelle pas le nom d'ailleurs ; et alors (retour vers ses notes) j'ai marqué justement le responsable pour la France c'était le général Dejussieu qu'on appelait Pontcarral alors un soir nous avions rendez vous, à trois... à deux heures de l'après midi au bistrot de la source à la gare et comme il avait eu je ne sais quel incident, j'étais parti au maquis, nous devions avoir un deuxième rendez vous le soir, le rendez vous a été loupé et alors à dix heures du soir paraît-il, quatre types coiffés, bien habillés, bien sapés, vont frapper à la porte de la maison où habitait, de la grange où habitait ma femme et mes gosses /pardi/ à Bargues alors elle ouvre, elle te voit quatre types bien habillés, bien sapés, il y en a pas un qui dit un mot, elle a cru que c'était la Gestapo, elle a eu une trouille noire, bien sûr, les gosses étaient couchés et alors finalement elle reconnait Pierre alors elle lui dit : "Bougre de ..., la peur que vous m'avez faite" ; il lui dit : "Je vous signale que Pontcarral, général Dejussieu, le responsable de la France et que votre mari est un petit rigolo parce que nous avions rendez vous avec lui à dix heures, nous l'avions pas vu, nous avions rendez vous de nouveau à cinq heures, nous ne l'avons pas trouvé" ; alors elle voulait bien m'engueuler mais elle ne me permettait pas à quelqu'un de m'engueuler, elle lui a /foutu/ une incendié, elle a dit : "Ils vous ont attendu..." ; c'était vrai on les avait attendu le matin mais ils étaient pas venus et alors l'après midi, nous n'étions pas allés et "comment ils vous ont attendu deux heures le matin, ils ont été obligé de partir au maquis parce qu'il y avait eu des incidents, des trucs comme ça, il va rentrer peut être à minuit, une heure du matin, crevé et vous venez nous faire.... " ; "Oui mais nous n'avons pas mangé " ; "Ben si vous n'avez pas mangé, je vais vous faire à manger"; alors elle a sorti les quelques œufs qu'elle pouvait avoir, les morceaux de fromages et les bouts de pains qu'elle avait et puis ils se sont installés là et quand je suis arrivé moi à une heure du matin, ils étaient toujours à table en train de ... ils avaient fini de /bouffer/ par exemple et alors ça s'était un peu calmé la discussion mais moi je les ai engueulé parce que j'ai dit ": Quand même, nous avons attendu deux heures ce matin" ; c'était pas vrai mais enfin on les avait quand même attendu, normalement on ne devait jamais attendre plus de trois minutes alors oui mais Pierre commençait à m'engueuler tout le temps : " Oui vous nous avez poireauter, sans votre femme, nous serions morts de faim" ; "Vous auriez pu rester un jour sans manger, vous n'auriez pas trop souffert parce que vous vous portez assez bien et je vois que le général aussi, il est pas à la misère près, il est pas à un repas près, il tiendra bien le coup" ; les autres quatre, je ne les connaissais pas, il y avait son secrétaire, lui et un agent de liaison qui était avec eux mais l'agent de liaison c'était pas celui de Massiac, parce qu'il avait un agent de liaison personnel qui est le président de la chambre des métiers... le président de la chambre des métiers bon sang... il est... il était dimanche encore avec nous, il est de Massiac, alors lui c'était son... il habitait chez Dejussieu, il habitait chez lui, tiens il va être décorer, il va passer officier de la légion d'honneur, il va se faire décorer par machin de Bordeaux, le maire de Bordeaux Chaban Delmas parce qu'il avait connu justement, il l'avait connu du temps où il était chez Dejussieu /pardi/ [...] alors indépendamment de perdre la mémoire, j'ai aussi les portugaises ensablées alors j'aimerais que tu parles un peu plus fort que je t'entende, pas plus fort, mais tu es comme ma petite fille tu parles assez bas..."

INT : Quelle était la vie quotidienne dans les maquis ? (12'40)

"La vie quotidienne dans les maquis était pas compliquée, les gars se levaient le matin, à six heures, il n'y avait pas de sonnerie, rien, ils se réveillaient quand ils voulaient, quand ils pouvaient et dans la journée il en faisait autant ; nous n'avions pas d'officier, nous ne pouvions pas leur faire faire des manœuvres ou leur faire faire quoi que ce soit, des types se sont blessés bêtement avec des mitraillettes, on avait des mitraillettes STEN et c'est un engin redoutable c'est certain mais il s'agissait de la laisser tomber quoi ça pour que si elle était sur rafale que la rafale parte et si elle était sur un coup, ça allait bien parce que c'était qu'un coup mais si elle était sur rafale... on a eu des types qui se sont blessés comme ça en les démontant ou en bricolant en s'amusant avec... des blessures pas grave à un bras, une jambe m'enfin il aurait pu aussi bien être tué parce que c'est quand même des /pruneaux/ de neuf millimètres, ça fait du bruit, ça fait mal alors les maquis, c'était ça pour nous, nos maquis à nous c'était ça, ils avaient un responsable qui était un militaire et qui ne pouvait pas leur faire faire des manœuvres, pas de maniements d'armes, on ne pouvait pas faire de tirs d'abord, si ça aurait que ça alors on démontait les mitraillettes, on leur faisait remonter et ils faisaient le travail courant qu'on fait en caserne à neuf heures du matin quand on démonte le canon ou le char d'assaut, qu'on énumère les pièces, qu'on les nettoie, ou qu'on les démonte ou qu'on les nettoie mais en dehors de ça, le travail, il en faisait pas du tout... "

INT : Pouvez vous me raconter l'attaque de la délégation de la milice aux Estreysses..?(16'38)

"de la délégation de la milice aux..."

INT : Aux Estreysses ?

"Aux Estreysses, c'est encore un coup qui a /foiré/ assez bêtement ça, nous avions... il y avait un milicien qui était mort à Maurs et nous savions que la milice devait y descendre alors avec Bernard, on prend une trentaine de types, on monte une embuscade dans les Estreysses, pas dans la côte, avant d'arriver au village des Estreysses, dans tous ces tournants, là où il y avait un petit pont, il y a deux petits ponts qui sont très serrés, il y en a un.. alors du haut du caillou, on les voyait arriver à cinquante mètres et alors on avait monté un fusil mitrailleur là haut et un deuxième qui les prenait de côté, l'un de face, l'autre de côté, alors le camion s'amène, le premier mitrailleur attend même pas qu'il est fait le tournant, tire, il leur tire dedans et le fusil s'enraye, l'autre a pu le courage de tirer, enfin paraît-il il s'est dégonflé ; c'est toujours, si ça avait été des militaires ou des types qui étaient habitués à faire de la machine, ils auraient fait, moi j'ai rien à dire, j'avais une Gamot dans les mains de deux kilos elle aurait fait sauter le camion je ne sais pas à dix mètres en l'air, je leur ai pas jeté parce qu'ils sont tous sortis de suite du camion, le chauffeur... c'est ce qui les a sauvé d'ailleurs, le type a tiré et a blessé le chauffeur, le chauffeur se trouvait être un de nos clients de Mandailles là, il tient un restaurant à Saint Julien de Jordanne, un restaurant très connu où je vais manger assez souvent et dont le nom fait [défaut] naturellement comme le reste, enfin il me reviendra, ce type sort : "Tirez plus, tirez plus", et il me voit, il me connaissait et moi je... et le camion sur sa lancée a encore fait une dizaine de mètres et les miliciens cavalaient alors là ça tiraillait, les types ont tiraillé à la mitraillettes mais eux aussi on tiraillait, on entendait les balles sifflaient, qui tapaient dans les arbres ou des trucs comme ça, ils ont tiré vingt coups de fusils, de mitraillettes car ils leur tardaient... ils ont en reçu cent fois comme ils en tiraient et ils sont descendus dans le travers comme ils ont pu, sur le /cul/, sur les jambes, sur le dos ; tu vois d'un côté, il y a la muraille, et de l'autre côté, il y a le trou jusqu'à la rivière en bas /pardi/, ce qui fait qu'ils s'en sont tirés pratiquement... le seul type blessé dans l'affaire, ça était le chauffeur, alors qu'ils auraient dû y passer tous ou au moins... j'avais le docteur Mazet qui était docteur de l'hôpital et avec qui d'ailleurs on avait essayé de constituer, sa femme était une cousine germaine de Muselier, je te l'ai dit l'autre jour, m'avait dit, il avait fait la guerre de 14, il m'avait dit : "Tu sais à la guerre pour tuer un type, il faut au moins tirer 140 balles"; je trouvais ça extraordinaire, mais ce jour là on les a tiré largement et puis pour rien, pour le plaisir quoi, parce qu'il y a encore ça quand ce sont des militaires, des types qui sont habitués aux armes, ils te voient les types, ils tirent mais les jeunes comme ça, ils tiraient au hasard pour faire du bruit, pour s'entendre faire la guerre, pour des trucs comme ça, en ce qui nous concerne nous, ça était l'histoire du Mont Mouchet, il y avait des types qui avaient fait des ...machines d'armes, qui savaient se battre, c'était le cas d'Ostertag qui lui avait dressé ses types, il était sous lieutenant dans l'armée, il avait quand même une certaine formation... une formation militaire assez importante et il avait quand même fait faire quelques manœuvres à ces gars mais toujours pareil, pas pouvoir les faire tirer, ne pouvant leur faire faire que du démontage d'armes ou des trucs comme ça et c'est peut être pour laquelle il a eu tant de tués, les types ne se rendaient pas compte du danger quoi."

INT : Qu'est-ce que ça a représenté pour vous de passer de simple civil à se retrouver avec un revolver, une mitraillette...? (20'57)

"Oui, c'est ça, pour moi, j'avais fait le régiment, j'avais été dans les chars d'assauts en 23 et puis j'avais fait les vingt-un jours au dessus de Clermont... j'avais fait un autre vingt-un jours à la Courtine alors je savais ce que c'était une arme, je m'effrayais pas pour un coup... pour moi, ça m'a pas changé grand chose mais pour le jeune comme toi qui s'amène et on lui /fout/ une mitraillette dans les mains et puis un mois ou deux après, on lui dit tu vas t'en servir, tu t'en ai jamais servi et puis ça recule, c'est comme le type qui a jamais tiré au fusil, s'il épaule pas bien, il en prend un coup à l'épaule ou dans la joue, il y a toujours le recul de l'arme, de même quand on tire au revolver, quand on tire au revolver, il faut pas viser le type, il faut viser les pieds parce qu'il y a toujours le... [recul] quand la balle explose, d'ailleurs tu peux peut être le voir au cinéma, quand tu vois un concours de tire, le revolver fait toujours ça, un millimètre ici c'est rien mais à cinquante mètres, ça fait deux mètres au dessus, c'est pour ça que les types manquent même la cible, ça tire au dessus, quand on tire au revolver, il faut ou le tenir à deux mains et ça secoue quand même ou tirer assez bas, quand on veut tirer dans la poitrine d'un homme, il faut lui viser les pieds, avec le coup la balle remonte et alors on le touche quelque part à condition encore de viser dans l'axe parce que ça peut aussi passer à droite qu'à gauche ; au fusil c'est pas pareil, il y a une mire, au fusil on prend la mire, on prend le guidon et on peut suivre mais au revolver, on tire comme ça, quand je vois à la télé, les types qui vont te tirer vingt coups de revolver pour rien et qui tout d'un coup à cent cinquante mètres, d'un seul coup te /dégringole/ le mec, je trouve ça un peu curieux, ça me fait un peu sourire enfin c'est comme ça les armes..."

INT : Les problèmes entre résistance intérieure et résistance extérieure, c'était quelque chose d'important ou secondaire ? (24'51)

"Ben c'est-à-dire, pour moi personnellement non parce que nous ... avions nous pour consigne d'arrêter le plus possible la remontée des allemands, nous ne savions pas où allait se faire le débarquement, nous n'en savions strictement rien, nous l'avons appris comme tout le monde par la radio mais nous savions que quand le plan vert passerai, le débarquement aurait lieu à deux ou trois jours près, il devait avoir lieu le surlendemain mais il paraît qu'il y a eu une tempête terrible et qu'il avait été obligé de le remettre, ils ont même été sur le point de l'abandonner, ce qu'ils auraient peut être mieux fait, il y aurait eu moins de morts, m'enfin, moi d'ailleurs je ne l'aurais pas fait dans les mêmes conditions, moi j'avais des conditions plus particulières, ils savaient qu'ils pouvaient compter sur les maquis mais ils ne s'y fiaient pas alors il y avait des maquis très importants en Bretagne, en Normandie, plus importants sinon aussi importants que le notre et alors je ne sais pas mais ils auraient déposé.... une division dans ces maquis là, avec des chars, avec des canons, toute une division armée quoi, mais ils auraient pu prendre les trucs [les Allemands] à revers, faire en même temps peut être l'attaque par mer, d'accord de façon, parce que les canons étaient dirigés que vers la mer, ils étaient pas dirigés vers la terre..."

INT : Et l'histoire de la force C que Coulaudon désirait voir larguer sur le Mont Mouchet ?

"Ah ça encore c'est une autre histoire, on espérait, parce qu'au Mont Mouchet, il y avait trois anglais dont une anglaise, trois officiers anglais qui étaient venus précisément, alors on devait recevoir en dehors des armes, il devait tomber mille hommes sur le Mont Mouchet, ils ne sont jamais venus et alors il est arrivé quelques parachutages mais l'histoire du parachutage est aussi curieuse, quand c'était des français ou des anglais qui parachutaient, ça tombait dans un rayon de 100 mètres, 50 mètres c'était tout, quand les américains ont commencé à parachuter, les paysans venaient nous trouver pour nous dire : "Vous avez un parachute pendu dans les bois à deux kilomètres" ; au lieu de tomber en faisceau, en vrac comme faisait les autres, ils le larguaient en partant alors ça tombait, il fallait les repêcher quoi, la nuit, ils étaient pas allumés les containers alors on voyait les parachutes mais quand ils sont à hauteur des arbres, c'est fini on les voit plus et alors ça nous arrivait pas journellement mais il nous arrivait bien au moins une ou deux fois dans la semaine qu'un paysan vienne signaler un parachute qui était accroché aux arbres et qui était là, c'est pour ça qu'il s'en est perdu pas mal d'ailleurs... "

INT : Quand vous êtes arrivé dans Aurillac libéré...

"Ca était une stupéfaction pour moi, ça était une stupéfaction parce que je te l'ai dit hier, je devais venir chercher le commandant de la place qui ne voulait pas être arrêté par les résistants mais qui voulait être arrêté par l'armée, il voulait se rendre à l'armée..."

INT : Le lieutenant colonel Borgman?

" Voilà... et Mortier s'était mis en relation avec eux, je ne sais pas dans quelles conditions et il avait promis de se rendre, si c'était l'armée qui venait le chercher alors j'y suis venu avec un lieutenant de l'armée avec ses galons et en tenue et puis quand nous sommes arrivés en haut de l'avenue de la République, c'était pavoisé jusqu'au Square /pardi/ il y avait beaucoup de monde dans les rues mais les Allemands étaient partis dans la nuit... "

INT : Est-ce que vous ne trouviez pas que c'était une imprudence d'avoir pavoiser? (28'30)

"C'était une imprudence folle, s'ils avaient été arrêté au Lioran comme normalement ils auraient dû être, ils seraient retournés tandis qu'ils étaient rentrés dans le tunnel alors à ce moment là c'était difficile d'en ressortir parce que c'était tenu des deux côtés mais c'était une imprudence folle parce qu'ils pouvaient retourner de Vic sur Cère, de n'importe où, ils pouvaient revenir et heureusement, ceux d'Aurillac, c'était pas des types d'active et il y avait pas mal de Géorgiens, de Russes blancs, il y avaient de vieux Allemands, des types qui avaient quarante ans, trente cinq ans, il n'y avait pas de jeunes, c'étaient des ... dans l'ensemble, heureusement d'ailleurs parce qui si ça avait été des types sérieux comme les SS, Aurillac, on aurait été pas aussi tranquille qu'on l'a été..."

INT : Les troupes allemandes à Aurillac ne vous ont quasiment pas gênés?

"Non, c'est-à-dire quand il y avait le couvre feu, ils faisaient des patrouilles mais avec les bottes alors "Flaq, Flaq, Flaq" on les entendait du Square... alors ce n'était pas la peine de... on avait dix fois le temps de se planquer avant qu'ils arrivent..."

INT : C'était plutôt la milice ?

"La milice était beaucoup plus dangereuse, la milice était plus dangereuse parce qu'elle voulait faire du zèle par rapport aux Allemands bien sûr et alors en plus de ça machin, Lahaye était un ambitieux, puis c'était un pro nazi, il n'y a pas d'erreur tandis que le premier, celui qui avait avant lui, c'était un brave type... à la légion c'était un brave type, le responsable de la légion [milice] était le beau frère de Dupuy..."

INT : Ce n'était pas le docteur de Rollat ?

"De Rollat, tu me sors le nom, tu fais bien je m'en serais pas rappeler et je sais que De Rollat quand on l'a contacté pour appartenir à la milice, il a refusé et c'est ma femme elle même qui l'a entendu au téléphone, on lui a proposé de prendre la direction de la milice, il a pas voulu, il était légionnaire, pétainiste mais il a pas voulu, c'est pour ça que je lui ai sauvé un peu la vie, un peu parce que quand il a été arrêté ici, il y a eu une manifestation, les gens voulaient le lyncher et alors j'ai dit à [...] où j'en étais avant tu m'arrête."

INT : A de Rollat ...

"Ah oui de Rollat, il devait être... il devait être jugé ici et alors un soir, il y a une manifestation terrible, il y avait deux mille personnes sur le Square qui voulait aller ouvrir les portes et le lyncher alors,... comment il s'appelait, c'était un bon copain d'ailleurs, alors il y avait quand même une garde, une quinzaine de types armés derrière les grilles pour pas qu'on les enfonce et lui était embêté parce que la foule allait finir par faire péter les grilles alors je lui dit : "Tu sais pas, tu vas le faire passer par la porte de derrière" ; il y a des portes de sorties derrière la prison, "et tu vas le planquer au château de Saint Etienne là haut, tu le montes chez Dauzier, il te le gardera bien en attendant demain qu'il fasse jour tu ira le récupéré pour l'amener à Riom pour se faire juger" ; il l'a jamais su ça d'ailleurs mais il peut dire... je pense pas que les gens soient allés jusqu'à forcer les grilles mais enfin il y avait une telle fureur ; la foule s'est idiot, il faut qui jette un peu de ... pour que tout le monde souffle dessus même surtout ceux qui n'ont rien vu... ceux qui sont les plus intéressés, ils veulent voir, ils poussent, ils forcent..."

INT : Dans quels milieux avez vous surtout recruté des résistants? au niveau du milieu social et du milieu politique? religieux, on accueillait tout le monde mais (32'51)

"Je vais te citer un cas qui est typique, tu étais dans un bistrot, j'étais dans un bistrot qui était le café Glacier et il y avait là au comptoir un type, les boches il voulait pas les voir, il les boufferait tous, je ne sais pas si je ne te l'ai pas dit, tellement ça m'avait écœuré, il les boufferait tous, il était prêt à n'importe quoi, je me dit : "Tiens voilà un mec qui est pour moi" ; et je le laisse partir, je le rattrape au bout de la rue et je lui dit : "Où est-ce que vous allez" ; il me dit : "Je vais vers le Square, j'habite..." ; il habitait derrière la prison, je lui dit : "C'est mon chemin justement, si ça vous fait rien je vous accompagne" ; je ne le connaissais pas du tout, c'était même pas un habitué du café, c'était la première fois que je le voyais et alors je lui dit : "Vous avez l'air de pas aimer les Allemands, à vous entendre..."; " Ah les [...] et ceci"; il recommençait ses tirades ; "Je ferais bien n'importe quoi" ; "Tiens, vous pouvez peut être avoir l'occasion de le faire, on ne sais jamais, vous savez il se montera peut être des mouvements de résistance" ; il y avait déjà à ce moment là les petits prospectus dans la rue que mettait Matarasso, sa femme et deux ou trois copains qui appartenait au mouvement de machin, de... celui que je t'ai dit hier, j'ai perdu son nom, ça fait rien... je te l'ai dit hier ça"

INT : C'était Libération...

"C'était Libération mais c'était un De... machin qui était le responsable du mouvement... "

INT : De la Vigerie ...

"De la Vigerie, oui de la Vigerie, c'est lui qui animait le mouvement, eux en faisaient [parti], ils avaient été contacté à Toulouse et ils étaient venus faire du recrutement à Aurillac parce qu'ils étaient à Aurillac tous les deux, Matarasso avait épousé la fille de l'imprimeur... il y avait une imprimerie, là où il y a eu longtemps les douches, là où c'est démoli maintenant, l'imprimerie, l'imprimerie, enfin n'importe... et alors il avait épousé cette fille et ils habitaient au milieu de la rue des Tanneurs, la rue qui vient rejoindre la rue des Carmes, la maison qui fait presque le coin, pas celle qui fait le coin, l'autre tout de suite après et alors ils habitaient là, ils étaient venus se réfugier là et c'est eux qui posaient les prospectus et alors je le dit à ce mec, je lui dit : "Il y aura peut être un mouvement de résistance parce que vous voyiez, il y a des gens qui posent des papiers dans la rue" ; " Ah oui, vous croyez..." ; là il commençait à se dégonfler, je lui dit : "Pourtant, vous pourriez en faire parti" ; "Ah oui tiens en effet ce serait intéressant, ça serait bien, et puis ah oui vous comprenez, ça serait embêtant, j'ai une femme et puis j'ai ma belle mère et puis..." ; le mec, il s'est dégonflé lamentablement, je lui aurais /foutu/ un coup de pied dans le /cul/ avec un plaisir, j'ai pas osé, pour ne pas faire de scandales pour pas ... Ou alors vous trouviez un type et je préférais ça qui vous disait : "Ecoute, moi je suis de cœur, tu peux compter sur moi mais j'ai une telle trouille, je ne peux entrer dans une bagarre" ; c'est plus net, c'est plus franc on sait à quoi s'en tenir mas à pavaner devant les gens, à raconter tout ce que l'on ne pense pas surtout, c'est quand même un peu moche, alors voilà comment se fait le recrutement ; alors au STO, nous avions des listes des gars qui étaient nommés pour le STO, alors ceux là on les contactait directement par personnes interposées moi ou des copains, on lui disait : "Tu es désigné au STO, et oui je le sais bien mais malheureusement je ne veux pas partir, bon si tu veux pas partir, c'est pas difficile, tu prends le maquis..."

INT : Est ce qu'il y avait des jeunes, plus jeunes que ceux partant au STO qui essayait de venir... (36'49)

"Pas beaucoup non..."

INT : C'était plutôt le STO, tant qu'il n'y avait pas le STO...

"Oui tant qu'il n'y avait le STO et les départs forcés en Allemagne, à un moment donné, ils faisaient le départ forcé en Allemagne, les spécialistes, les ouvriers qu'ils payaient, ils leur promettaient des payes, c'est comme ça que mon beau frère y est parti mais il y en a beaucoup qui ne voulaient pas partir, alors ils cherchaient à se planquer dans les fermes, les trucs comme ça et alors tôt ou tard, il y avait quelqu'un au courant qui le savait et le recrutement se faisait comme ça, c'était pas facile du tout ou alors on passait dans la rue on entendait un type qui prenait la radio anglaise, on essayait de se renseigner pour savoir qui s'était, du moment qu'il prenait la radio anglaise, c'est que déjà il était intéressé, tu vois c'était pas facile du tout..."

INT : Et finalement au bout du compte, une fois qu'on avait recruté, si on essaye de savoir on avait davantage de gens qui sortaient de classe ouvrière, de la bourgeoisie...

"De classe ouvrière, surtout les classes ouvrières..."

INT : Est-ce que c'était pour des raisons...

"Des raisons de STO et ça s'explique parce que la classe ouvrière est quand même la plu nombreuse alors sur 100 STO, il y avait 80 ouvriers, il y avait 10 employés, 10 fonctionnaires, des trucs comme ça il y en avait bien quelque uns mais la majorité c'était des ouvriers ... "

INT : Ce n'était pas des questions de convictions ...

"Les convictions politiques on s'en foutait éperdument"

INT : Quand je parle de convictions, je le prends dans ce cas précis dans le sens du refus du nazisme ...

"Ah oui c'était la condition essentielle d'ailleurs..."

INT : D'accord mais ce que je voulais voir ce n'était pas que dans les classes ouvrières qu'il y avait plus de monde qui était contre les Allemands que dans d'autres classes...

(40'00)

"Ah oui oui, pas plus en pourcentage peut être pas parce qu'il y avait quand même certains bourgeois qui ont fait des résistants remarquables, certains commerçants, certains artisans mais dans les ouvriers, il n'y a que ceux qui sont parti volontaire pour le travail en Allemagne, c'était forcé, ils étaient nommés, ils étaient désignés mais ceux qui n'ont pas voulu partir on rejoint le maquis, enfin on essayait de se planquer dans des fermes, à droite ou à gauche et ceux qui s'en foutait, sont partis en Allemagne, ils pensaient être payés, on leur avait promis des payes astronomiques alors évidemment, l'appât du gain ça fait faire pas mal de choses..."

INT : Vous êtes franc maçon?

"Je suis franc maçon ..."

INT : C'est un rapport l'œil qui a là sur le tableau...

"Oui..."

INT : parce que ça rappelait l'œil qu'il y a dans le triangle

"Oui c'est vrai dans le triangle maçonnique, c'est un ami qui m'a fait don de ce cadeau quand j'ai été décoré de la légion d'honneur, cet ami c'était un professeur de dessin à Clermont, il est à la retraite maintenant mais il avait un coup de crayon remarquable, oui tiens c'est une idée, c'est vrai qu'il y a quelques symboles, autrement l'idée ça représente, je peux pas le lire c'est trop fin... si si je suis franc maçon, je m'en cache pas, je ne le crie pas sur les toits parce qu'il paraît que ce n'est pas très honorable... nous en ce qui nous concerne, je ne te dis pas ça tout à fait sous le sceau du secret, parce que c'est vrai, m'enfin la résistance est partie de la loge d'Aurillac, ça a commencé à la loge..."

INT : Vous étiez déjà?

"Oui..."

INT : Ca date de longtemps votre engagement dans la franc maçonnerie?

"Ca date de 39, tiens j'ai la médaille du cinquantenaire, on a fêté le cinquantenaire, il y a un mois a peu près, je dois avoir d'autres médailles, des trente et des quarante-cinq ans [...] on était assez nombreux dans l'organisation..."

INT : Est- ce que d'être dans la franc-maçonnerie, ça a beaucoup compté dans votre engagement dans la résistance ? (45'49)

"Oui, oui d'abord pour deux raisons, les maçons ont été tout de suite mis à l'index bien entendu et alors on était tous connus parce que nous avons des [listes] déposées à la préfecture comme toutes les sociétés d'ailleurs avec le nom des responsables et ici ce qui est assez curieux, c'est qu'elles ont disparu, elles ont disparu bien avant la Libération, ce qui fait que pratiquement nous n'avons été inquiété pour ce genre... pour ce motif mais oui la maçonnerie a beaucoup compté dans la résistance, c'est un association philanthropique, philosophique et progressive à but fraternel, on se fait beaucoup d'illusions sur la franc maçonnerie, on s'est fait beaucoup d'illusions sur la franc maçonnerie, on a tellement raconté de /conneries/ de messe noire, de trucs comme ça mais maintenant c'est passé, c'est quelque chose d'accepté, De Gaulle l'a accepté puisque c'est lui qui a remis les trucs en place quand ils ont compris enfin ce que c'était vraiment.."

INT : Est-ce qu'on peut mettre en parallèle votre engagement idéologique dans la franc maçonnerie et votre engagement dans la résistance pour lutter contre le nazisme ?

"Oui, oui ça peut se mettre en parallèle, je n'aurais pas été franc maçon, j'aurais été quand même dans la résistance..."

INT : Ca apportait quelque chose en plus?

"Ca portait un appui extraordinaire puisque... la franc maçonnerie a un but fraternel, où qu'on aille on peut trouver un ami sur lequel comptait, c'est déjà beaucoup, c'est déjà même énorme et j'ai lui d'ailleurs et c'est curieux comme histoire que la maçonnerie par exemple au XVIIIe siècle... toute la noblesse faisait parti de la maçonnerie, c'est une raison pour laquelle nous portons l'écharpe à gauche parce qu'en maçonnerie tout le monde est égal, riches, pauvres, n'importe... [...]"

INT : Vous me disiez avant la sonnerie tout le monde est égal dans la maçonnerie...

"Tout le monde est égal, il n'y a pas de riches, de pauvres, en entrant en maçonnerie, on dit qu'on laisse les métaux à la porte, c'est-à-dire les signes distinctifs, d'honneur, de ceci et cela, un cordonnier est l'égal d'un amiral, en dehors chacun reprend sa place mais en maçonnerie, il n'y a pas de personnalités, un préfet, je ne sais pas moi... un employé de préfecture peut se trouver avec son patron dans une loge, ils sont au même niveau, il peut lui dire ce qu'il veut, enfin dans des mesures toujours correctes, je veux dire par là, que c'est parce qu'il y a une différence de notoriété, que... chez nous ça n'existe pratiquement pas, en dehors chacun reprend ses activités, c'est normal ça..."

INT : Est- ce que cette conception égalitaire a joué...?

"Chez nous par exemple, vous faites un travail, vous pouvez raconter ce que vous voulez pendant une heure de temps, personne ne vous interrompt, vous dites tout ce que vous avez envie de dire le temps que vous parlerai et après vous aurez la contradiction ou vous approuvera ou vous demandera des trucs mais la discussion est entièrement libre et il y a cet avantage sur une société quelconque, c'est qu'au parti socialiste ou au parti radical n'importe, sauf au parti communiste où on a juste le droit de la fermer, quand il y a un qui prend la parole, il y a tout de suite dix, douze, quinze qui parle en même temps, non, non là chacun vous laisse parler pendant une heure de temps, le temps que vous voudrait, dix minutes, le temps que vous voudrait et alors personne ne vous interrompt alors on discute, de la discussion jaillit la lumière, on apprend souvent des choses que l'on croyait connaître alors que présenter sous leur vrai jour, on ne les voit pas de la même façon, c'est une école de philosophie tout à fait particulière...

INT : Est-ce que grâce à ça vous avez vu, conçu la résistance d'une manière tout à fait différente que si vous .... (50'00)

"Ah non pas du tout là c'était un engagement total, ça n'a rien à voir, les deux choses n'ont pas été mêlé, il s'est trouvé que nous nous trouvions assez nombreux quelque fois au maquis...»

INT : Et la loge d'Aurillac a joué...

"Enfin pour l'arrondissement d'Aurillac, la résistance est partie de la loge et ça en 40, sitôt la défaite, la première réunion que nous avons eu, nous avons envisagé la possibilité de résister, ça s'appelait pas encore résistance mais..."

INT : Quand vous vous êtes réuni, il y avait Mittanchez ?

"Mittanchez en faisait parti, Bernard Cournil en faisait parti, Mazet en faisait parti..."

INT : Ce premier noyau de résistance aurillacoise...

"Parti d'Aurillac, c'est la loge mère d'Aurillac qui est au départ de la résistance, maintenant c'est Durif et Avinin qui nous ont branché vraiment sur quelque chose se consistant... "

INT : Durif et Avinin, ça datait de plus tôt ou de plus tard?

" Comme..."

INT : comme développement d'un noyau de résistance ?

"Ah plus tard, nous c'était en 40, de suite la première réunion que nous avons eu après la défaite, il y avait des types qui avaient été mobilisé, d'autres qui ne l'avaient pas été, d'autres qui étaient trop vieux des trucs comme ça mais il n'y a eu de défection en ce qui nous concerne, je crois qu'il y a qu'un jeune, c'était un sous off de l'aviation qui a été vraiment, qui était plutôt nazi, d'ailleurs il était encore mobilisé à ce moment là, il n'a pas assisté à cette réunion et s'il avait été là, nous ne l'aurions pas accepté, nous l'aurions exclu parce que nous savions que ses opinions étaient franchement pas de droite, parce que de droite ça représente rien mais pro nazi quoi..."

INT : Jean Moulin, qu'est ce qui représente pour vous? (53'05)

" Jean Moulin représentait pour nous l'envoyé de De Gaulle, l'homme qui venait faire le rassemblement de tout ces groupuscules éparpillés à droite et à gauche et qui n'avaient que des contacts indirects avec les autres par le représentant, c'est tout ; Dejussieu qu'on appelait Pontcarral, prenait ses ordres de Londres directement, il était compagnon de la Libération, Chaban Delmas prenait ses ordres de Londres, il était compagnon de la Libération... "

INT : De Gaulle lui que représentait-il pour vous?

"Moi c'est curieux, j'ai jamais été gaulliste mais pour moi il représentait l'homme qui vraiment essayé... faisait tout son possible pour essayer de sortir la France de la /merde/, je ne suis pas particulièrement patriote pour moi la patrie, c'est l'endroit où on est né, on a été élevé, on... on est né en Auvergne pour moi ma patrie c'est l'Auvergne, c'est le Cantal m'enfin on est français dans l'ensemble alors il faut bien, tout n'étant pas

d'accord avec les décisions prises on est bien obligé de les observer, les lois sont faites pour tout le monde, enfin en principe..."

INT : Quelle est la part qui a joué dans votre engagement le fait qu'il y est invasion de l'ennemi, pas sur le plan idéologique, mais contre l'ennemi qui envahit le pays natal? et le fait de vouloir chasser l'ennemi du pays

"Oui c'est surtout ça ..."

INT : Ou c'était complémentaire...

"Moi je suis maladivement libertaire, moi la liberté, c'est quelque chose.... je ne peux pas supporter que les Allemands nous occupent, c'était une contrainte que je ne pouvais pas supporter et je crois que c'est bien ce qui a fait agir la majorité de nous, en tout cas la maçonnerie tout au moins et même d'ailleurs heureusement parmi les autres parce que nous aurions pas fait le poids ... ah oui ce que je voulais vous raconter tout à l'heure, c'est qu'au XVIIIe siècle, les officiers dans la noblesse étaient tous franc maçon, 90% de la noblesse était franc maçonne et à l'étranger aussi, en Autriche et alors pendant les guerres napoléoniennes, il arrivait souvent, on parle d'une fameuse bataille où les deux généraux étaient franc maçon, ça s'est passé très à l'amiable, il y a un concours de circonstance tel que la bataille a déferlé et puis finalement elle s'est rangée avec la victoire de Napoléon parce que de notre côté, nous avions deux généraux maçons, en face il n'y avait qu'un mais c'est pas pour ça mais l'entente entre eux, nous nous sommes.... moi je ne sais pas faire tuer les types pour une gloire... moi je suis antinapoléonien, antinazi, anti le général truc parce que moi faire la guerre avec la peau des autres, c'est pas mon genre, quand j'ai quelque chose à dire ou à faire, je le fais personnellement et puis je ne l'envoie pas dire et on me le dit pareil, je m'en vexe pas pour autant, c'est normal, enfin je trouve ça normal, ça ne l'est peut être pas m'enfin je trouve ça normal...

INT : On dit que les francs maçons ont été à l'origine de la Révolution française?

"Les franc maçons ont été à l'origine ... [de la Révolution], ce qui est assez curieux, c'est que dans la Révolution française, par exemple chez Thiers, il y avait presque autant de franc maçons que chez les communards et ils ont tenté de chaque côté qu'il n'y est pas de sanctions, de fusillades idiotes de trucs comme ça, ils n'y sont pas parvenus bien entendu parce que Thiers était un type entier, il voulait absolument reprendre Paris et les communards étaient aussi des gens entiers, il y avait par exemple du côté de la Commune, une cinquantaine de maçons peut être une centaine, peut être cent-cinquante, qu'est ce que ça représente par rapport à la masse de Paris, ça représente pas grand chose, il y avait peut être autant de l'autre côté, alors c'était pas suffisant pour influencer un mouvement mais enfin de chaque côté de part et d'autre, du côté communard on a évité de fusiller les curés, de faire des atrocités et de l'autre côté on a aussi évité de faire fusiller des patriotes ou des trucs comme ça, comme au mur des Fédérés, c'est un truc qui aurait jamais dû se passer ... "

INT : La résistance c'est bien ceux qui croyait au ciel à côté de ceux... (57'57)

"Qui n'y croyait pas, exact c'est bien la formule, dans la résistance, il y a eu des curés, j'ai eu des copains très bien.... [...]

Autres données descriptives
Notes ISBD

(Cote de l'original : Fk 9 [1218] et de conservation : A [1218] 1151***).

Auteur
  • Gaillard, Marcel
  • Flauraud, Vincent
  • Cournil, Bernard
  • Dejussieu-Poncaral (Général)
  • Ostertague, Auguste
  • Lahaye
  • Derolas (Docteur)
  • Moulin, Jean (1899-1943)
  • Mazet de Sauxillanges (Docteur)
Mots-clés lieu
  • Aurillac (Cantal, France)
  • Mauriac (Cantal, France)
  • Laroquebrou (Cantal, France)
  • Maurs (Cantal, France)
  • Maquis de la Fombelle-la-Luzette (Cantal, Lot, France)
  • Mont-Mouchet (Auvers, Haute-Loire, France)
Mots-clés matière
  • guerre 1939-1945
  • Résistance
  • Service du Travail Obligatoire (STO)
  • parachutage
  • entretien filmé
  • Franc-maçonnerie
  • Organisation de résistance de l'armée (O.R.A.)
  • Les Francs tireurs et partisans (FTP)
  • Francs tireurs et partisans français (FTPF)
  • Gestapo
Mots-clés personne
  • Gaillard, Marcel
  • Flauraud, Vincent
  • Cournil, Bernard
  • Dejussieu-Poncaral (Général)
  • Ostertague, Auguste
  • Lahaye
  • Derolas (Docteur)
  • Moulin, Jean (1899-1943)
  • Mazet de Sauxillanges (Docteur)
Permalien de la notice
7 AV 25-5
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