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Document sonore Collation : 1 disque compact audio
Présentation du contenu

Présentation du contenu, transcription, traduction par Pierre fils de Louis Amiral

Louis Amiral : clujadas e jòngs

Las clujadas : les toitures en chaume

Los jòngs : les jougs

Le texte ci-dessous est le fruit d'une discussion improvisée, après repas, en 1978 entre Louis Amiral et son fils Pierre. Elle a eu lieu dans la maison du premier, à Cézerat de Vernols, à la demande du second.

Le manque total de préparation explique que les propos de l'un ou de l'autre soient décousus et que de grosses lacunes subsistent.

Les mots soulignés sont dans le glossaire.

Pierre- Bon, toi, tu as été paysan toute ta vie mais tu as quand même fait beaucoup de toitures en chaume et de jougs ?

Louis- Oh mais des toitures en chaume j'en ai fait, ouf ! J'en ai placé des cents et des mille de cleus !

- De cleus ?

- Ça s'appelle "cleus" en patois mais en français c'est glui !

- Comment tu l'appelles en français ?

- Glui !

- Glui ? Je n'ai jamais entendu ce mot !

- Ah oui, ça s'appelle comme ça !

- Si tu me le dis, je te crois.

- Oh mais je le sais que c'est des gluis.

- Alors, explique-moi un peu comment tu faisais pour faire une clujada ?

écoute-moi, commençons par le commencement : les toitures qui étaient couvertes en chaume, il n'y avait pas de douelle ?

- Ah non, il y avait des lattes, il y avait des lattes et autrefois, ils ne clujaient pas comme j'ai clujé par la suite ; j'en ai eu défait des clujadas et j'ai trouvé qu'il y en avait un à Fortuniès qui clujait au rang,

- Au rang ?

- Avec des bâtons alors j'en ai pris le modèle,

- Et, il n'y avait pas de lattes ?

- Il y avait des lattes mais pour tenir la paille, ça n'était pas des liens.

- Commençons donc par le commencement, il n'y avait pas de douelle, c'étaient des lattes,

c'étaient des petites planches ces lattes ?

- Elles faisaient six sur huit et elles faisaient toujours au moins quatre à six mètres ; sur les vieilles toitures, elles étaient attachées avec des chevilles en bois.

- C'était pour faire tenir la paille sur ces lattes, comment faisais- tu ?

- Des lattes étaient espacées au moins de 30 cm de l'une à l'autre

- Oui

- Alors, quand je faisais la toiture c'était le fil de fer que je passais entre la paille qui faisait le garrot pour tenir la paille sur la latte,

- Oui !

- Et au fur et à mesure je passais l'espasa et je montais jusqu'à la cime puis après, je faisais le faîtage quand j'avais fini.

- Alors, la paille, tu l'attachais avec du fil de fer !

- Ce n'était pas la paille que j'attachais, c'était l'arceau et je cravatais la latte en même temps,

- La paille, si je comprends bien était coincée entre la latte et l'arceau et l'arceau, c'étaient des tiges de noisetiers ?

- Des tiges de quatre ou cinq mètres alors, pour donner le biais à la paille j'avais l'espasa.

- Alors, qu'est-ce que c'est l'espasa ?

- L'espasa, c'est une planche faite avec des rayures faites avec un guillaume pour que ça fasse des ornières qui buttaient la paille pour l'égaliser, avec une poignée et une cheville pour l'accrocher quand je ne m'en servais pas,

- Alors là, tu menais un rang qui était de quelle largeur tu mettais glui après glui pour monter ou alors tu mettais deux ou trois gluis ?

- Quand c'était pas trop accidenté, je clujais à la perche, alors, j'en mettais plusieurs et alors j'e montais cinq mètres chaque fois, je mettais deux cordes, une corde de chaque côté,

- Quand ça ne penchait pas trop ?

- Quand ça ne penchait pas trop, que ça n'était pas accidenté, je montais ce qu'on appelait une "somirada", et alors à ce moment là, il n'y avait pas d'ornières ça se mariait tout ensemble sinon ma montée était de 80 cm que mon bras puisse espaser,

- C'était un glui déplié ?

- C'était un glui déplié, j'arrivais, je plaçais mon glui, je le faisais glisser sous le bâton après, avec l'espasa, je l'égalisais au niveau de l'autre, voilà

- Au niveau de celle que tu venais d'espaser et qui était en dessous,

- Quand tu arrivais là haut, il fallait faire la crête ; la crête, tu l'appelais…

- La viscla en patois, en français, c'était le faîtage alors, la viscla, je la faisais soit en morenons, des petites gerbes d'une grosseur de 8 cm de diamètre, pas de circonférence et après, je partageai ma viscla de chaque côté j'attachais avec une latte d'un bout à l'autre

- Et ces petites gerbes là il fallait que le lien soit serré ?

- Ah il fallait l'attacher à 12 cm de la tête, bien propre tout égal et lié au lieur

- Et avec de la bonne paille ?

- Avec de la bonne paille trempée de la veille,

- Et après, quand il pleuvait il ne fallait pas que l'eau puisse rentrer dans le lien

et ça durait à peu près ?

- Une bonne viscla durait huit ans.

- Huit ans et une bonne clujada ?

- Une clujada 30 ans, 30 ans avec de la bonne paille,

- Qu'est ce que tu appelles de la bonne paille ?

- De la paille de blé, de seigle,

- Pas de blé, de seigle !

- Battue à la roue et la roue se composait d'une herse tournée à l'envers ou d'une roue avec une cheville au milieu,

- De seigle, mais c'était pas du seigle de printemps, de la "marsincha" ?

- Il y en avait parfois mais on réservait le seigle de printemps pour faire les liens pour attacher les morenons sinon c'était du seigle d'automne, on appelait ça le blé, ça n'était pas du froment !

- Alors, une fois que les gerbes de blé, de seigle étaient battues à la roue il fallait faire les gluis,

- Nous faisions les gluis,d voilà comment ça se passait, les gluis étaient attachés au lieur, pareil à deux endroits à dix cm du cul et après l'épi,

- Mais ils ne prenaient pas deux ou trois gerbes pour faire un glui, il y avait bien une autre opération ?

- Ils faisaient un gabarit, une planche avec un bâton de chaque côté, de hauteurs égales et quand ils arrivaient au sommet de la machine, hop ils attachaient le glui,

- Mais ils ne prenaient pas la paille directement dans une gerbe comme ça pour la mettre dans le gabarit, ils la peignaient bien ?

- Ah il fallait la peigner !

- Alors, le peigne se composait d'un morceau de bois rond avec d'autres morceaux de bois plantés et entre calés,

- Comme des dents de râteau ?

- Oui mais en place d'être ronds ils ressemblaient à une lame de grand couteau,

- Et il y avait plus d'une rangée ?

- Ah, il y avait deux rangées superposées. ils prenaient les gerbes par les épis et les jetaient sur les lames puis ils tiraient et ça y était et après, les gluis ils les mettaient entre les jambes et ils y passaient le dalhon pour les débarber.

- Bon mais tu as commencé de faire des clujadas à quelle époque ?

- Attends, heu… les premières… en 40, en 40, je faisais des toitures en chaume pendant la guerre, je me rappelle que, vers Aymas, les boches m'avaient arrêté sur la route.

- Et quelqu'un te l'avait appris ou tu l'avais appris tout seul ?

-Je l'avais appris de moi-même, à Fortuniès chez le père de Chevalier qui me le fit voir et puis je l'avais appris un peu aussi avec Bécarou de Maillargues mais celui-là clujait aux liens, c'était pas pareil, ça ne me plaisait pas,

- Il attachait la paille avec de la paille,

- Ce n'était pas pareil, ça ne me plaisait pas, il attachait la paille avec de la paille et alors ça faisait des raies et je n'en voulus pas et quand Bastide là- haut, le père de Pierre Chevalier me le fit voir, il me dit "moi je n'en fais plus de ces clujadas, venez" alors je le suivis et il me fit voir puis après je partis et je te dis, il y a 40 ans !

- Bon alors tu as commencé en 40, et …

- Et même en 39,

-Et tu t'es arrêté quand il n'y a plus eu de paille ?

- Quand il n'y eut plus de paille, que les botteleuses arrivèrent !

- Bon nous sommes en 1978 ça fait combien d'années que tu t'es arrêté ?

- Oh, une quinzaine d'années, en 64 - 65 et même en 60, oh mais j'avais commencé en 30, en 35 ou 40 !

- Ces toitures qui étaient en chaume, maintenant…

- Elles sont en tôle ou en tuiles rouges, oh mais, j'ai placé quelques tôles,

- Tu as remplacé quelques clujadas par des tôles,

- Mais c'était très malin car il fallait niveler la charpente avec des lattes tandis qu'avec la paille, ça nivelait tout seul,

- Et, parfois, il me semble avoir vu des pignons en paille ?

- Ah oui je vais t'expliquer c'était un autre problème!

- Ça devait être quelque chose d'autre ?

- Ça s'appelait un cropon, tu entends mais le croupon il fallait que le type qui me servait fasse des morenons rien que des morenons et alors, ça n'était pas espasé alors les morenons je leur enfilais un bâton par le derrière et en montant ça faisait des escaliers,

et alors moi, j'avais une jambe en dedans et l'autre en dehors sans cela je serais tombé car c'était une pente presque verticale,

- Alors c'était le bâton qui était enfilé dans le morenon et tu attachais le bâton avec du fil de fer…

- Par la latte et alors il ne pouvait pas glisser le "type" car il était pris dans le lien,

- Et je pense bien oui c'était bien serré,

- C'était bien serré, autrement, tu ne pouvais par la faire tenir.

il fallait qu'ils fassent des morenons d'avance mais alors là, pour faire l'ajout, il fallait faire comme une manche de tricot, il fallait diminuer en montant et après, il fallait border de l'autre côté et alors là, il y avait un problème il fallait faire comme un éventail tu comprends ?

- Et tu l'attachais comment ça ?

- Eh bien ça se prenait dans la tête du bâton,

- C'était toujours un glui

- C'était toujours un glui mais triplé, il était plus gros mais attaché plus haut, il faisait l'éventail,

- Les pignons, c'était comme les clujadas ça se commençait en bas !

- Généralement non, il y avait un morceau de mur, il y avait trois mètres de mur,

- Oui mais tu commençais par le bas, en montant ?

- En montant !

- Il y avait trois sortes de faîtage,

- Oui mais enfin c'était celui avec les morenons le plus solide

- Oui le plus important,

- parce que les autres, les autres, de mettre la paille comme ça, ça tenait pas longtemps,

- Non, ça glissait et le nœud étranglé ça n'allait pas, ça ne restait pas, non, c'était les morenons !

Les jougs

- Je parlais tout à l'heure de clujadas et de jougs, alors les jougs ?

- Alors les jougs, je vais te dire j'ai commencé par bricoler. Les gens me demandaient de faire des tombereaux, des choses comme ça en commençant. Puis l'un me dit :"il faudrait bien que tu me répares un peu ce joug il me gêne cette vache". Alors j'ai commençai à en faire des jougs et j'ai commencé. à Pradiers, à Pradiers, chez Bresson je lui avais fait quelques bricoles et il me dit "il faut que tu me fasses un joug pour les boeufs". oh purée il m'en a fait voir. Je ne l'ai pas manqué du tout car il a toujours bien allé et de là, je suis parti vers La Terrisse, d'ici là, en avant ...

-Tu as commencé pendant la guerre là aussi ?

- Oui et de là j'ai navigué, je suis parti de l'autre côté du Puy Mary, le Falgoux, Saignes de partout, je n'arrêtais pas de faire des jougs, j'avais eu du côté de… attends un peu… de Pons, à Pons là bas en allant sur …

- En descendant avant d'arriver à Mauriac

- Avant Mauriac eh bien du côté de Pons par là, en montant cette vallée il m'est arrivé d'avoir de 15 à 20 jougs d'avance ; les gens étaient venus me trouver pour que j'aille leur faire des jougs et j'en faisais.

- Alors quand tu étais dans une ferme, ils venaient te chercher et tu allais un peu plus loin ?

- J'allais un peu plus loin ou alors ils m'amenaient le bois là.

- Et alors comment ça se passait ?

- Les types me disaient venez choisir l'arbre, vous !

- Alors, tu allais choisir l'arbre sur pied ?

- Oui c'est moi qui choisissais.

- Et alors, qu'est-ce que c'était comme arbre ?

- Du frêne,

- Toujours du frêne ?

- Ou du bouleau,

- du bouleau ?

- Ou du châtaignier s'il y en avait ou du vergne,

- Ah bon !

- Ah oui mais du vergne, c'était principalement pour les selles à traire que je faisais, mais la plus grande partie, c'était du frêne.

- C'était le plus solide,

- Le plus solide mais même le bouleau était bien bon, ou même du cerisier, j'en avais eu fait mais le meilleur c'était le frêne et j'allais choisir ces frênes que le lierre les entourait sec comme des ?…..mais je les prenais assez gros pour les écarteler autrement ils fendaient,

- Tu le faisais avec la moitié d'un billot ?

- La moitié d'un billot mais je tachais moyen que le bois porte le pli pour le découper, pour que le bois soit plus solide, voilà !

- Alors là, ils le coupaient, ils le coupaient avec le passe partout ?

- Ah oui avec le passe partout après vinrent un peu les tronçonneuses. Le voisin disait : "vous ne pourriez pas en faire un pour moi aussi !" Alors, ça n'arrêtait pas, il fallait en faire un pour le voisin,

- Où tu te mettais pour faire le joug ? A la porte de la grange ?

- Ah oui souvent,

- Alors tu es à la porte de la grange avec ta pièce de frêne ?

- Je l'équarris,

- Tu commences à attraper la hache,

- Je l'équarris d'abord. Si le type n'avait pas de banc de menuisier ils m'en portaient un, je me mettais bien souvent je choisissais les coins pas loin de la route.

Les gens disaient : "qui c'est ce type là-haut ? c'est un homme qui fait des jougs ! oh punaise il faut que j'aille le voir!"

- C'était pour te faire de la réclame ou pour le plaisir qu'ils te voient travailler ?

- Oh il y en a qui me regardaient mais dans le mois de mai j'ai eu fais deux jougs de vaches pas jour !

- Dans une journée ?

- Dans une journée, équarris hein ? Je les équarrissais la veille et je les fabriquais mais ça tournait les aissettes !

- D'une fois qu'ils étaient équarris ?

- Je les traçais, quand c'étaient des jougs de vaches il fallait tant et tant...

- Quelles dimensions ?

- 115, 110, ça dépendait, je leur demandais s'ils avaient des chemins étroits. "Oh oui ils me disaient nous avons de mauvais chemins" , alors je faisais que 112 pour que les vaches puissent passer et pour les bœufs, c'était 130, 135 parfois.

- Alors après c'était les aissettes ?

- Après c'était les aissettes et la gouge,

- La gouge pour faire…

- Ah oui, oui pour faire les cornières, les passages des julhas des courroies

- Le passage des courroies.

- Et la tarière avec la queue coupée, je l'ai encore là,

- Pour faire les trous pour mettre les chevilles,

- Ah oui, les chevilles ; les types me disaient "j'ai du chêne"! Je n'en voulais pas de chêne parce le chêne casse, ah ça valait rien le chêne, ah non ça valait rien, ça casse ah non, c'est brutal. Je leur disais vous n'avez pas de quartiers de frêne j'aurais fait des chevilles pour tout le département !

- Les meilleures chevilles, c'était du frêne ?

- Ah, c'était le frêne, ça ne cassait pas !

- J'ai vu des jougs avec cinq chevilles, avec quatre chevilles, avec une cheville et j'en ai vu qui n'avaient pas de chevilles, alors toi, tu les faisais toujours de la même façon ?

- Il y a le joug baraban qu'ils appellent, sans cheville celui là, c'est pas pareil, il est boulonné, faut des boulons. Il n'y a pas de cheville c'est une mejana en fer comme une S alors c'est pas pareil moi je n'en voulais pas de ça !

- Toi tu faisais le joug avec cinq chevilles,

- Moi je faisais le joug avec quatre chevilles et l'éscot,

- L'éscot, c'est la grosse cheville,

- C'est la grosse cheville mais c'est l'éscot !

- Les quatre chevilles qui étaient sur la tête des bœufs ou des vaches c'était pour attacher les courroies, les courroies qui servaient à fixer le joug sur la tête des vaches ou des bœufs,

ils les ficelaient aux cornes et après, l'écot servait à mettre les radondas,

- Les deux radòndas,

- Les deux radòndas, la première était en cuir et ils la mettaient sur une perche dans une roue de char pour qu'elle prenne le pli et celle de derrière bien souvent elle était en bois c'était de l'armager jeune qu'ils tordaient et qui faisait la radònda de derrière pour retenir le char avec le rassenadon .,.

- Le timon du char passait dans les deux radòndas

- Le timon du char passait dans les deux radondas et il y avait une cheville en bois.

C'était du frène car quand ils renversaient si c'était un autre bois, il cassait tandis que celle-là elle pliait mais elle ne cassait pas.

- C'était une sorte de cheville,

- Une sorte de cheville plate avec une tête, tu m'as compris !

- Alors, il y avait un trou dans le timon,

- Qui en place d'être rond était allongé.

- Alors, le joug frottait contre la tête de la cheville plate et c'est comme ça que ça tirait et alors quand il fallait faire reculer les vaches et le char…

- La radònda de derrière, contre le rassenadon faisait reculer le char ou le tombereau,

- Alors le rassenadon c'était…

- C'était bien souvent un morceau de bois ; le timon portait le rassenadon sur lui-même il avait été équarri à la hache pour faire le rassenadon!

- Il y avait des timons qui avaient une pièce ajoutée ?

- Une apasture, ils étaient apasturés. Il y avait deux sortes d'apastures il y avait les timons qui étaient apasturés "à gueule de loup" Ils effilaient le timon qui avait été cassé et l'apasture lui faisait une gueule allongée avec deux cercles -de fer- et deux boulons même deux chevilles en bois quelquefois il y en a qui serraient ça, c'était cônique.

L'autre apasture consistait en une encoche avec deux cercles et deux boulons et alors l'encoche faisait que ça ne pouvait pas lâcher …..il y en avait beaucoup d'apasturés.

- Ça allait mieux ou c'est parce que le timon était cassé ?

- Ah le timon était cassé ou était usé, le char était bon alors il fallait apasturer ou alors ils avaient versé et le timon s'était écartelé alors s'il était écartelé. Alors s'il était écartelé, ils le prenaient à la gueule de loup ils serraient tout ensemble autrement ils ne pouvaient pas le faire car ça faisait une grande écharde ou alors si le timon s'était écartelé ils mettaient un cercle mais ça n'allait pas bien il fallait que ce soit fait par quelqu'un comme il faut, que le cercle soit encastré sinon ils ne pouvaient pas dételer quand ils dételaient, le char suivait quand même…

-- Il fallait qu'il soit encastré,

- Encastré, embouti,

- Ces courroies qui servaient à atteler les vaches au joug elles étaient faites en cuir ?

- C'est les bourreliers qui les vendaient et elles ne coûtaient pas bon marché, il y en avait deux sortes, les noires n'étaient pas trop chères mais les jaunes pstt, c'était la peau de la vache !

- oui, c'était de la peau de vache.

- Je voulais te parler d'autre chose parce que je me souviens que pendant la guerre, ou juste après la guerre, quand il y avait un peu de blé ou de froment par là dans le pays, quand ils avaient moissonné ils mettaient les gerbes en…

- En gendarmes,

- En gendarmes à la bonne heure, c'était bien vite fait il y avait une vingtaine de gerbes mais après ils faisaient des meules,

- Ils faisaient des meules,

- Ah mais je vais te dire qu'autrefois, pour que le blé soit bon à moudre ...au jour d'hui, ils moissonnent, le grain va de suite au moulin mais ils faisaient des meules et ils ne rentraient pas les meules avant trois semaines ou un mois, ils disaient que le blé se faisait en meule, le grain.

-Il finissait de mûrir !

-De mûrir !

-Alors les meules là, il y rentrait combien de chars de gerbes ?

- Ça dépendait, une bonne meule faisait deux chars de gerbes,

- Pas plus ?

- Ah pas plus maintenant il y avait les mules pour les batteuses,

- Alors là il y rentrait …

- Eh bien tout le blé.

- Mais il y avait des mules qui représentaient combien de chars ?

- De quoi battre à la batteuse jusqu'à midi,

- Alors ça faisait combien de chars de gerbes ça ?

- Oh bien moi j'avais été à Aubejac et même au Maigre, j'étais resté au maigre quatre ans comme maître bouvier et tiens- toi bien, trois jours de temps la batteuse tournait devant la porte : une journée entière pour battre les lentilles et les mules de blé et de froment,

- Dans une mule, vous y mettiez combien dix, vingt, trente, cinquante chars de gerbes ?

- Oh trente chars et là c'était pas trente chars de chars à barreaux, je te ferai remarquer que sitôt que tu arrivais au Bru, il n'y avait plus de chars à barreaux tu sais ce que c'est qu'un char à barreaux ?

- Oui, oui !

- C'étaient des chars à quatre roues, attention et quand ils avaient mené vingt chars à quatre roues ça faisait une belle mule !

- Sûr !

- Ça en faisait quarante des autres.

- Tu étais maître bouvier, maître bouvier c'était surtout pour la faux ?,

- Pour la faux et pour les labours ; on labourait avec deux paires de bœufs et ils changeaient à midi, avec quatre paires,

- Labourer d'accord, mais pour faucher ?

- Oh pour faucher, on fauchait pas tant que ça, on gardait la faux, le manche de la faux, pendant trois mois, on commençait par la luzerne, l'herbe à foin -il n'y en avait pas beaucoup, les graminées artificielles, après c'étaient les pois, les lentilles, la jarousse, tout ça et après…,

- Et après il fallait moissonner,

- Après, il fallait commencer de moissonner.

- Vous moissonniez avec la faux ?

- Ah non, nous moissonnions avec ces vieilles machines à la pédale,

- Tu n'as jamais moissonné à la faux ?

- Oh pas là, oh si si je moissonnais soit au rang, ça dépendait de celle qui descendait derrière ou contre.

- Mais pas avec la faucille ici ?

- Ah non pas moi, jamais, avec la faux !

- La faux, c'est quand tu étais maître bouvier là haut ?

- Mais j'avais été bouvier à Aubejac,

- Mais après, plus tard, ici ?

- ici ?

- Mais faucher, il me semble que tu y as passé quelques journées non ?

- Hou !!

- Alors là, tu commençais le matin,

- Oh le matin, quand j'étais loué domestique nous commencions à 5 heures et là ça fauchait et nous nous arrêtions quand ils portaient la soupe,

- A 9 heures ?

- Ah non plus tôt ! A 7 heurtes ils portaient la soupe, et même à 6 h et demie, par les fermes ils portaient la soupe à 6 heures et demie, après il y avait le 9 heures, après cela s'est perdu ça faisait pas et après nous fauchions jusqu'à onze heures, après c'était fini nous allions par le foin.

- Il fallait attendre que la rosée se lève ?

- Eh bien oui, nous allions par le foin ou n'importe et on recommençait après quatre heures. La fauchaison d'après quatre heures n'était pas terrible, ça n'allait pas, un fois il faisait chaud, la faux n'était pas battue, l'herbe était chaude, il y avait un petit verre dans le nez, tout cela ça n'allait pas, nous n'avions pas envie de faucher mais enfin on fauchait un peu jusqu'à la fraîcheur !

- Alors là pour faucher, le matin quand il y avait de la rosés ça allait mais le soir c'était plus dur ?

- Oh les herbes étaient molles !

- Il fallait que la faux coupe !

- J'avais été assez loué je me rappelle mais le soir ça n'était pas intéressant d'aller faucher avec les gars car il y en avait la moitié qui n'en coupaient pas une,

- Elles se couchaient sous la faux,

- Elles se couchaient, il me fallait aiguiser les faux des autres ça n'allait plus.

- Pour faucher comme il faut, il faut que la faux coupe, tout est là !

-Tout est là !

- Bien battue, bien aiguisée,

- La faux ne connaît que ça, pas la force, elle ne connaît pas la force, la faux ! J'avais fait deux campagnes avec Mars à Lampre j'en avais sept ou huit derrière mon cul et il m'en fallait aiguiser pas la moitié mais presque,

- Ils ne savaient pas faire couper ?

- Non ça ne coupait pas !

- Alors il faut bien piquer !

- D'abord il faut conserver la faux comme une demoiselle, il ne faut pas la mettre par les taupinières … par les chemins

- D'abord, il faut choisir une bonne faux ?

- Ah la faux si, si, quand tu achètes une faux -tu peux l'enregistrer ça- j'en ai acheté deux, il faut qu'elle ait le son clair et court, si ça fait comme une cloche, tu peux la laisser dans l'atelier, il ne faut pas la prendre : dongg si ça fait ça, il ne faut pas la prendre, clair et sec c'est que la faux est bien trempée,

- Et après il faut la battre comme il faut mais çà ne peut pas s'expliquer,

- Ca ne s'explique pas ça ! Mais Il faut faire attention de ne pas faire de tétines car les tétines se fendent et alors, ça fait une scie au lieu d'une faux !

- Après, il faut aiguiser comme il faut alors là il faut une bonne pierre ?

- Ah, il faut une bonne lombarde !

- Une lombarde, c'étaient les meilleures ?

- Ah c'étaient les meilleures, une lombarde !

- Et là pour les choisir ?

- Pour la choisir pft… il faut les essayer !

- Il n'y a pas d'autre solution,

- Il y en a que c'était du savon et d'autres qui étaient de bonnes pierres !

- Bon alors là nous avons fini : que ce soit en fauchant, en moissonnant, en clujant, il fallait toujours boire un canon de vin ?

- Ah oui, ah oui, oui, c'est pour ça que depuis je bois quelques canons mais écoute-moi, je voulais te dire aussi : pour lier les gerbes il y avait le truc de lier au lieur, si ça n'était qu'attaché comme ça, on appelait ça "à ceinture de curé", les types qui attachaient les gerbes "en ceinture de curé" quand tu faisais les mules pour la batteuse, quand tu y mettais le pied dessus pft, ça glissait alors il fallait lier au lieur !

- Les ceintures de curé ne sont pas serrées ?

- Il ne faut pas lier "à ceinture de curé" !

Glossaire

Aissette : mot qui n'est plus usité ; on dit maintenant herminette : hache recourbée dont le manche est perpendiculaire à la lame

Apasturar : coupe le début du timon d'un char car il est dégradé et le remplacer par une pièce neuve

Armager : le mot français est peut-être "viorne" ?

Clujada : toiture en paille, en chaume. A remarquer que l'occitan dit la chose en un seul mot alors qu'il en faut deux dans la langue française

Clujar : faire une toiture en chaume ; pour la facilité de la transcription, il a généralement été francisé

Clujaire : celui qui fait une clujada. Le terme "chaumier", pour désigner ce métier existe mais n'est pas présent dans tous les dictionnaires

Cropon : partie triangulaire non bâtie du pignon d'une grange et recouverte de paille

Dalhon : vient de dalha qui signifie faux. Haut d'une faux coupée et muni d'un manche en bois fixé sur la partie qui sert à ajuster la faux sur le manche pour faucher

Escot : grosse cheville en bois au milieu du joug

Espasa : une photo déposée par Pierre Amiral permettra de comprendre car les explications écrites peuvent difficilement être parlantes. Une traduction possible, "taloche de chaumier", n'éclairerait guère le propos

Espasar : ce verbe, qui décrit les actions pour lesquelles on utilise l'espasa, a été francisé dans la transcription. Il existe d'ailleurs deux gestes ; le premier au cours duquel le clujaire tient l'espasa horizontalement et tape l'arrière du glui pour que sa paille prenne la pente du chaume déjà posé, le second, exécuté dans le sens de la longueur, de haut en bas, consiste à rendre la paille bien plane et lisse

Guillaume : rabot dont la lame a la même largeur que le cadre en bois sur lequel elle est fixée

Julhas : en français, les bourreliers qui les vendaient disaient "julhes". Courroies en cuir de 3 cm de large

Lieur, liadon en occitan : c'était un simple bâton de 40 à 50 cm de long et de 3 cm de diamètre appointé comme un crayon... Après avoir fait un nœud simple en paille, le lieur, d'un tour de main difficile à acquérir plantait ce bâton dans le nœud et tournait pour que le lien soit très serré

Lombarde : pierre à aiguiser qui venait d'une roche qu'on trouve en Italie, en Lombardie

Mejana : pièce de fer qui sert à tenir le timon mais que je ne connais pas car il n'est pas usité chez moi

Morenon : petite gerbe de seigle de la moitié de la longueur normale, de 8 cm de diamètre au niveau du lien qui était très, très serré grâce à l'aide du lieur

Rassenadon : butée à la base du joug, juste derrière le trou de la cheville, sur laquelle la radonda de derrière venait se caler pour que l'attelage de bœufs, en reculant, fasse reculer le char ou le tombereau...

Vient du verbe "rassenar" qui signifie : reculer ; un autre verbe signifiant reculer était aussi employé couramment, c'est "restiorar". Le dialecte de la Châtaigneraie ou d'Aurillac dit :"cessar"

Radonda : couronne en cuir accrochée à l'éscot dans laquelle s'enfilait le joug. Il y en avait une devant et une derrière; celle de derrière, le plus souvent en cuir plus fin était parfois en bois souple

Autres données descriptives
Notes ISBD

(Cote de l'original : Fg 510 [701] et de conservation : A [701] 722).

Auteur
  • Amiral, Pierre
  • Amiral, Louis
Mots-clés lieu
  • Vernols (Cantal, France)
Mots-clés matière
  • chaume
  • joug
  • moisson
  • récit de vie
  • chaumier
  • faucheur
  • moissonneur
  • savoir-faire
  • jouguier
Mots-clés personne
  • Amiral, Pierre
  • Amiral, Louis
Permalien de la notice
3 AV 687
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