Germain Pouget est né le 14 juillet 1928 à Aurillac. Pour son premier poste d'instituteur il est nommé au préventorium de Condat en Feniers. Après cette première expérience il enseignera à Vieillevie-sur-Lot pendant 17 ans. Dans cette école il utilise la méthode Freinet et c'est dans ce cadre qu'il lui arrive de prêter un magnétophone ou une caméra à certains de ses élèves pour qu'ils puissent réaliser des reportages dont ils font le compte-rendu pour la revue de l'école " Au bord du Lot ». Par la suite il va enseigner le français, l'histoire-géographie, mais aussi le chant, le dessin ou les travaux manuels au lycée Emile Duclaux de 1967 à 1974. Il poursuivra sa carrière d'enseignant au collège Jules Ferry de 1976 jusqu'à sa retraite en 1983. Il est décédé en janvier 2012.

Transcription d'un passage de l'enregistrement recueillie par Raymond Carrier auprès de son grand-père en juin 1966 à Vieillevie

" Dans les tranchées, nous étions des malheureux : on attendait toujours tout le temps la mort ! On mangeait ce qu'on nous portait, pas grand-chose des fois. Il y avait parfois de la glace sur la soupe mais on avait toujours assez de pain.

Nous autres, c'étaient les camions qui nous transportaient d'un côté à l'autre : une fois nous étions en Champagne, l'autre fois nous étions dans la Somme. Blessé quatre fois j'ai eu trois citations de croix de guerre, la médaille militaire et la Légion d'honneur gagnée dans la forêt d'Apremont. J'ai sauvé la vie peut-être à deux cents. Nous étions deux, nous sommes restés, nous avons été blessés tous les deux. Nous étions dans un poste avancé, nous n'avions que des grenades, un revolver, nous n'avions pas de fusil. Il y a eu beaucoup de morts et de blessés : on restait une vingtaine à la compagnie, tous les autres étaient morts ou blessés.

Dans la forêt d'Apremont, nous étions avec le 11ème d'infanterie. Moi, avec un camarade, nous étions à un fusil-mitrailleur. Durant la nuit, on était fatigué, on dormait. Toutefois, on a entendu les Allemands à côté, et j'ai dit à mon camarade qui dormait à mes pieds : " Tiens, voilà les Allemands qui sont là ! " . A ce moment, ils nous ont lancé une grenade. Alors moi, sous la secousse, j'ai sauté de la tranchée. Alors dans le fils de fer comment faire, moi j'ai traîné toute la nuit. De bon matin, ils ont lancé sept ou huit fusées pour regarder qui c'était. J'ai crié : " C'est Français ! Français perdu ! Français perdu ! " Alors ils ne m'ont pas tiré dessus. Puis, à la pointe du jour un soldat est sorti sur le parapet et m'a dit : " A droite ! A droite ! " et suis rentré mais j'étais porté manquant à la compagnie.

Le capitaine m'a dit : " Qu'est-ce que vous avez fait ? Vous êtes porté comme prisonnier ou déserteur. " Moi, j'ai dit : " Non, j'ai sauté les fils de fer ! " Alors il m'a dit " Pauvre petit, tu es bon pour le Conseil de guerre " moi j'ai dit " J'ai été trois fois blessé, j'ai fait mon devoir, j'ai eu deux ou trois citations " le capitaine m'a dit " Ça, c'est pas vrai, vous dites pas la vérité " moi j'ai dit " Si, c'est vrai, je dis la vérité. ". Alors il m'a dit vous allez vous asseoir là et il a envoyé un homme à Commercy pour chercher mon livret militaire. Et quant l'homme de liaison est arrivé le capitaine a dit : " Oui, ce que vous dites est vrai " puis il m'a ramené dans ma compagnie et je n'ai pas été puni parce que j'avais assez de citations.

Lors de l'attaque de Château-Thierry, moi j'ai attrapé une vingtaine de balles dans ma capote, mais je n'ai pas été blessé. Et quand j'ai pu filer, j'ai filé, vous savez.

Quand l'armistice a été signé, nous étions à l'avant du fort de Vaux. On s'est retrouvés avec les Allemands dans la nuit, les Allemands ont levé les bras, et nous autres aussi, c'était la fin (…)

(Cote de l'original : Fg 54 [60] et de conservation A [60] 58).