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Description physique
Document sonore Collation : 1 DVD
Présentation du contenu

Il s'agit d'une copie de cassette 8 mm.

Le tournage a été réalisé à Aurillac, chez M. Marcel Gaillard, rue du Pré Mongeal.

INTERVIEW MARCEL GAILLARD REALISE PAR V. FLAURAUD SEPTEMBRE 1987 (7AV 25-4) :

[...] Voilà Lépine, c'était un type clair et net, qui râlait tout le temps, très emporté, le premier contact avec lui était toujours difficile, il venait toujours pour rouspéter alors après il s'adoucissait et ça allait... mais d'entrée, il était sec, à tel point qu'in jour je l'ai monté, je crois que je te l'ai dit d'ailleurs, au Mont Mouchet en moto, au moment de l'organisation du Mont Mouchet et là c'était vers mai, le 18 ou 20 mai quelque chose comme ça et alors je l'ai monté là haut, il avait rendez vous avec Gaspard qui était le responsable, qui était le responsable militaire pour la région et Thomas qui était le colonel d'active lui, et alors à l'époque, on avait rendez vous à la maison forestière puisqu'elle n'avait pas encore détruite, elle fonctionnait, enfin elle était debout, il a pas été, tiens les autres deux étaient à la fenêtre de l'autre côté, je l'ai posé là à moto, il a pas été là :"Et quand même vous commencez cette organisation, vous savez bien qu'il faut pas faire de regroupements patati et patata" ; moi j'ai pris ma moto et je me suis tiré, je les ai laissé se disputer et ils sont revenus bras dessus, bras dessous enfin le rassemblement a quand même eu lieu ; enfin il est un fait qu'à un moment donné, il avait été interdit de faire des maquis de plus de 20 ou 30 types, de 20 à 30 types au maximum pour ne pas tirer l'attention évidemment, à la Luzette, il y en avait tellement, il n'y avait pas un paysan à 5 km qui ne savait pas où était le maquis et je crois même qu'à Saint Saury, tout le monde savait où était le maquis parce que les types, ils venaient boire au bistrot et puis toujours [...] la question de jeunes, ils se considéraient comme pas parti, la guerre se faisait en pantoufles jusque là ça se passait très bien, alors comme nous n'avions pas d'officier, il n'y avait pratiquement pas de discipline et moi, j'y allé à peu près tous les jours ou tous les deux jours au plus tard, je faisais le tour de tout les terrains mais je rencontrais le responsable, le responsable c'était Garçon, c'était un... moi j'avais comme adjoint le commandant de la remonte, je te l'ai dit, qu'il m'avait établi des listes d'état civil avec tous les noms des types de centaine, ah je te l'ai pas dit et alors un jour, il me dit : " Mr Gaillard" ; il m'appelait Mr Gaillard... je l'avais invité un soir à dîner, à venir chez moi, j' arrivais du maquis /déguelasse/et je le vois habiller avec sa femme en robe du soir et tout le bordel, quand ils m'ont vu dans cet état, ils étaient sidérés et moi de les voir habillés comme ça, j'étais encore plus surpris, lui, il venait chez le responsable de la résistance, par conséquent, il espérait, il estimait que c'était quelqu'un d'important quoi, c'est gentil de sa part, il était chouette d'ailleurs et alors c'est lui qui m'avait dit : "Là dans mes types, j'ai que deux garçons qui pourraient faire des chefs de centaines, Garçon qui s'appelait Geiswiller et l'autre il s'appelait Lahire mais je ne sais pas comment il l'appelait, je ne sais pas ce qu'il est devenu ce Lahire, il est venu à la Fombelle, il est venu un certain temps à la Fombelle puis je ne sais pas ce qu'il est devenu, il a disparu ou... je ne sais pas ce qu'il est devenu l'autre; tandis que Garçon, je le vois... il n'est pas venu cette fois à la réunion mais il s'est fait excusé, il habite Nice alors pour venir de Nice à Condat, c'est quand même pas une promenade.... ; il n'y a que tous les autres, que ce soit Tricot, si Tricot la réflexion qui m'a faite un jour, enfin nous reparlions de ces histoires, il y a pas si longtemps, il y a peut être deux ou trois ans avant qu'il meurt, je montais assez souvent chez lui, alors on buvait le thé, le thé c'est une boisson que j'adore, enfin il avait l'habitude de boire le thé à quatre heures, on buvait le thé, alors on parlait de ces trucs-là, il me dit : "Tu sais pas l'impression que j'ai eu la première fois que vous êtes venu me trouver avec Avinin et Pierre, je me rappelle de trois paires de /godasses/ sur le perron" ; c'est ce qui l'avait plus remarqué, trois paires de souliers, avant de voir les têtes..."

INT : Et Pierre Durif ? (4'40)

"Et Pierre Durif, il était surtout cantonné sur Saint Flour, lui, il était avec Amarger, il était en contact direct avec Avinin et Pierre mais en dehors d'être venu me trouver, il n'est jamais revenu dans le département, enfin dans la banlieue du département quoi ; il a eu une action ... comme tous les responsables /pardi/, bien sûr, il a fait ce que j'ai fait, ce que faisait tous les responsables normalement, ils ont eu des parachutages à Roffiac, à... aux environs de Saint Flour, ils en ont eu trois ou quatre, je te l'ai dit que le papier qu'on avait reçu était destiné justement à Amarger ; et alors les autres Tricot tu le connais comme moi, tu vois que c'était un brave type, honnête, sérieux, sur qui on pouvait compter, c'était pas un type autoritaire, il mettait toujours des formes pour demander quelques chose, enfin "Tu pouvais" ; "Ca me ferait plaisir que tu me fasses ça" ou "Il faudrait que tu ailles à tel endroit, ça t'embête pas" alors je prenais la moto et je partais /pardi/ mais Grégoire, pareil c'était un brave type, c'était pas non plus un type autoritaire, c'était un brave type, le seul vraiment qui ait été, qui soit autoritaire et abusivement d'ailleurs, c'est Pierre, Avinin, c'était un type charmant, Avinin, c'était un type qui venait, à la Libération par exemple, je l'avais vu d'autres fois mais il venait à la Libération, on avait fait une réunion au cinéma là, avenue Gambetta, il y avait que celui-là d'ailleurs, il n'y en avait pas d'autre à l'époque et alors il s'amène et me dit : "Bon, il faudrait que je parle combien de temps, dix minutes" ; je lui dis : "Tu vas pas parler dix minutes, tu vas parler au moins vingt, vingt-cinq minutes" ; "Bon, je vais parler demi-heure, ça te va»; «Ca me va" ; pendant une demi-heure, il a été intarissable, peser tout ce qu'il a dit, ça pesait pas très lourd mais c'était excessivement intéressant, il a été... c'était un type formidable à ce point de vue là, il avait une mémoire de cheval en plus et puis une facilité de parole, une aisance, il était [...] c'était un type que j'aimais bien, que j'admirais même, que j'aimais bien, il était simple, il a été député à .... enfin il m'a invité... il était directeur du journal Franc Tireur, il m'a invité à une réunion du comité, enfin du comité de salut public puisque dans le fond c'était pas autre chose, les premières réunions consultatives, puis après il était pas marié, il était garçon, d'ailleurs pour faire ce métier, il fallait pas être marié, pensez, pauvre, on pensait pas que les femmes et les gosses pouvaient payer, moi en tout cas j'ai eu la bêtise, j'ai toujours été relativement prudent mais évidemment Jacky disait bien, il avait quatre ou cinq ans : "Moi, si on m'interrogeait, je ne dirais rien" ; tu parles et alors forcément ma femme était au courant puisqu'elle a eu aussi la médaille de la résistance et alors c'était elle qui faisait la liaison, c'est elle qui a assuré la liaison quand j'ai appris le premier maquis de l'Enseigne, je te l'ai raconté, nous étions à table, une de ses collègues s'amène à midi et demi par là, elle lui dit : "Ah bon vous êtes là, tant mieux, je voulais vous voir, votre mari s'occupe pas de résistance au moins " ; elle lui dit : "Pas du tout, pourquoi voulez vous qu'il s'en occupe" ; "Ah ben tant mieux parce que..." ; à l'époque, elles écoutaient tout, elles transmettaient des trucs là par les fiches, elle me dit : "Parce que je viens d'entendre la gendarmerie d'Aurillac qui téléphonait à la gendarmerie de Saint Céré et dans l'Aveyron, il y a un maquis paraît-il qui se trouve par là-bas à la frontière et ils vont l'attaquer demain" ; alors /pardi/ évidemment on a rien dit mais surtout que j'avais rendez-vous le lendemain avec Pierre, moi qui devait venir nous trouver et Bernard devait monter avec le responsable du maquis, je lui dis à ma femme : "Ecoute..." ; et c'était le jour même, c'était à midi et on avait rendez-vous le soir à trois heures, je dis à ma femme : "Ecoute, il faut quand même les prévenir pour les empêcher de monter, il faut surtout qu'ils aillent prévenir les gars du maquis, qu'ils vont être attaqués" ; alors elle /fout/ le camp en vélo, elle les a trouvé un peu après Bargues, alors les autres se... sont partis /pardi/ et ils sont allés prévenir les gars du maquis, qui se sont sauvés et moi j'ai reçu mon Pierre un peu ... /emmerdé/ parce que il aurait bien voulu savoir comment ça s'est passé et d'un autre côté, j'aurais pas trop voulu le lui dire mais je le lui ai dis, il m'a dit : "Mais vous en faites une drôle de tête, Marcel" ; je lui dis : "Oui, je suis embêté parce que nous avons le maquis..." ; "Comment vous avez un maquis, sans me le dire" et patati et patata "et vous savez bien qu'il ne faut pas faire de regroupements" et ci et là, il te m'a foutu une incendié pendant dix minutes alors quand il a eu fini, je lui ai expliqué : "Vous êtes gentil mais les mecs, il faut quand même qu'ils se planquent, on a quelques-uns de planquer dans les bois qui font du charbon pour.... il y avait un type qui vendait du charbon, qui était avenue de la République, qui vous a pris votre magasin, avenue de la République là vous étiez au début..."

INT : Oui, au 88... (9'28)

"Et bien là après, il y a eu un type, je m'en rappelle comment il s'appelait qui vendait du charbon de bois...

INT : Il y a eu mon grand père qui a fait...

"Oui après lui..."

INT : Au même endroit?

"Oui..."

INT : Au 88, ils y sont restés jusqu'en 67 ...

"Pourtant, il avait le magasin par là, il avait un bureau par là, peut être, il y avait le bijoutier qui est au coin, il y était en 46-48?

INT : Montarnal...

"En 43 ou 4

INT : Je ne sais pas si c'était Montarnal ou si c'était Madame, je me souviens plus de son prénom...

"Enfin n'importe, je sais qu'il avait un bureau par là dans l'avenue de la République entre le fromage et vous par là quelque part je ne vois pas où il aurait pu avoir un bureau, il y a des immeubles..."

INT : Il y a trois magasins, la bijouterie... (11'52)

"Oui... en descendant..."

INT : Plutôt en montant, là il y a une rue, tout de suite, il n'y a pas de magasin mais une maison au fond, une courette, puis la bijouterie, ce qui est maintenant un marchand de fromages, avant il y avait un ... d'électricité...

"Il y a un pâtissier aujourd'hui au coin de la rue, au coin d'une petite rue où il y avait un marchand de vin, au dessus, il y a une pâtisserie, ah nom de Dieu, où elle se trouve cette pâtisserie, exactement, au dessus de l'hôpital là, en partant il y a des grands bâtiments, il y a une cour, il y a au dessus, je m'en rappelle plus quoi, puis un autre grand bâtiment.... il y a une pâtisserie qui fait l'angle.. "

INT : A un endroit, il y a une pâtisserie qui fait l'angle ...

"C'était peut être là alors, je sais qu'il... c'était un bureau, il y avait une devanture, il y avait une devanture et j'ai cru longtemps que c'était chez vous mais alors ça devait être là, moi j'y suis allé qu'une fois ou deux, je m'en rappelle plus et depuis le temps et alors ce type, il avait acheté des bois du côté de.... quand on parle de la Tuilerie, là sur la route de Laroquebrou, on s'en va à droite et là il y a un village... bon sang, ma petite fille y avait été faire l'école pendant deux mois et alors là dans ces bois, on en avait planqué, on avait une quinzaine de types, il y avait Armand Keller il y avait un tas de types qui faisait du charbon de bois pour ce gars, alors en même temps, il appartenait au maquis bien entendu, lui le savait, enfin il savait bien qu'ils ne seraient pas toujours à sa disposition enfin dans tous les cas, il a eu... ça lui coûtait pas trop cher comme main d'œuvre, c'était une raison supplémentaire peut être, aussi pour qui les accepte, enfin là il y avait un maquis assez important et c'est le maquis qui a subi le plus de pertes au Mont Mouchet, il doit avoir eu... c'était Ostertag le responsable de ce maquis, il doit avoir eu une trentaine de morts, c'est lui qui en a eu le plus de toutes les compagnies et pendant longtemps, il en était tellement malheureux qu'il répondait jamais à aucune lettre, pendant longtemps, longtemps et puis finalement, il s'est décidé quand même à revenir au regroupement, alors chaque année il vient bien au Mont Mouchet, dans l'ensemble, la tenue que nous faisons avant le Mont Mouchet... oui alors dans mes discours, je déraille un peu, je me perds parce que je saute facilement du coq à l'âne, sans me rendre compte, d'ailleurs il faut me remettre dans le droit chemin quand je m'en sors..."

INT : On en était au portrait des résistants ...

"Ah oui, alors les portraits des types, c'est difficile, faire le portrait d'un gars..."

INT : D'un trait de caractère, de....

"Et oui, justement c'est difficile parce que...

INT : Et Louis Jean, on n'en a pas tellement parlé... (14'56)

"Qui ça?"

INT : De Louis Jean...

"Louis Jean ..."

INT : A Massiac ...

"Ah oui, mais alors Massiac, ce n'était pas mon rayon, moi ça s'arrêtait au Lioran..."

INT : Vous n'aviez pas de rapports [avec Massiac]?

"Pas de rapports de l'autre côté du Lioran, autre que des rapports entre responsables mais autrement, je crois que d'ailleurs il en parle dans son truc Durif, de Louis Jean hein, il en parle bien ; parce que Massiac ça était le centre parce qu'Avinin était de Massiac alors quand il est sorti de cabane, il est revenu chez lui, il est venu à Massiac et c'est là qu'il s'est mis en contact avec Pierre et c'est peut être même d'abord avec Durif, qu'il a eu un contact avec Pierre et que le garagiste, je m'en rappelle plus le nom, son nom, on en parlait hier pourtant ou avant-hier ; parce que Nicole aussi est de Massiac [...] et alors du côté de Massiac, ils ont eu beaucoup plus de dégâts et Saint Flour, que nous parce que le Mont Mouchet, on était tous obligé de passer par là pour monter au Mont Mouchet quoi...."

INT : Et Bernard Cournil, lui comment était-il?

"Comment..."

INT : Bernard Cournil ?

"Bernard Cournil, c'était un type extraordinaire, quand le maquis a été attaqué, le premier là, il me dit : "Mon vieux... "; il est venu Lépine venait de partir ; "tu fais bien d'arriver, parce que si t'étais arriver un quart d'heure plus tôt, tu te serais fait drôlement sonner les cloches, m'enfin j'en ai profiter pour toi et ça s'est pas trop mal passé" ; il me dit : "Ah dis dont, j'ai une trouille comme ça, je les ai à zéro et comment ça s'est passé ?" ; "Ca s'est bien passé, les types ont foutu le camp, on a perdu peut être quelques casseroles quelques trucs comme ça, enfin rien d'important" ; mais aussi sec, il me dit : "Je connais un autre endroit où on pourrait monter un (maquis), je connais un autre endroit, bon sang où on pourrait monter un autre maquis" ; alors je lui dit : "Oui, où s'est ?" ; "C'est au dessous de Boisset, dans les bois, seulement, il y a un /emmerdement/ peut être de la route, il peut, peut être se voir de la route de Maurs" ; et nous y sommes allés et à l'époque, c'était encore des bois, c'était une baraque qui était... à dix mètres de la lisière, il y avait peut être une dizaine de rangées d'arbres devant, c'était tout et en effet quand on regardait à travers les arbres, on voyait bien la baraque, m'enfin on les a quand même planqué là et celui qui a ouvert, enfin étrenner ce maquis, ils étaient deux frères dont l'un est mort maintenant et l'autre était magasinier chez Renault et l'aîné était à la Trésorerie générale et les noms... c'est toujours pareil et c'est tous deux qui y sont allés, les deux premiers au maquis et puis petit à petit on les a rassemblé et à un moment donné, ils étaient bien une vingtaine ; et on les a redéplacés de nouveau et on les a amenés directement organiser le maquis de la Luzette, ça a commencé à la Fombelle, puis à la Luzette, à la Luzette pas à l'endroit où nous étions la première fois, là nous étions en plein dans les bois, il y avait des baraques, nous avions fait des baraques, les parachutes on s'en servait comme toile de tente, ils couchaient sous la tente, enfin c'étaient des parachutes en soie, de première qualité, c'était chouette, alors on donnait ceux qui n'étaient pas colorés, ceux qui n'étaient pas colorés, bigarrés quoi je veux dire parce qu'ils y en avaient de vert, de blanc, de rouge, de noir, ils y en avaient de toutes les couleurs et ils y en avaient de bigarrés aussi et alors on les donnait aux femmes des paysans qui nous faisaient les transports, elles n'avaient pas d'étoffes à l'époque, c'était difficile d'avoir... alors de la soie, c'était chouette, enfin ça leur rendait service toujours et nous aussi ça nous en débarrassais parce que là quand les types étaient parachutés dans les bois ou seul par exemple, ils enterraient le parachute, le premier travail c'était d'enterrer le parachute mais on ne pouvait pas enterrer les parachutes des containers, il y en avait trop, dès fois, on recevait trois, quatre parachutages dans la nuit, les types qui venaient de Lyon, du Midi, qui remontaient et qui en passant nous laissait les cadeaux, nous déchargeait ça alors le lendemain, le responsable militaire qui était aussi un très brave type, il a été tué à la Libération, il était bien mais lui il appartenait à l'armée, lui c'était un militaire, il était appointé par l'armée, c'est pour ça quand les mecs descendaient, pas tous mais ils descendaient avec une valise qui était destinée à payer les saboteurs, à payer tous les militaires qui étaient... qui faisaient partis de l'organisation quoi.. [...] Autrement pour te donner un portrait des gars, c'est assez difficile, Pierre était un type assez trapu, un peu dans mon genre, pas plus grand que moi d'ailleurs, Avinin était à peu près de la même taille mais sec comme un clou, un peu dépenaillé car en sortant de prison, il.... à la Libération, tiens il défilait sur les Champs Elysées avec De Gaulle, il était compagnon de la Libération et sur les Champs Elysées quand De Gaulle est rentré, je l'ai vu, il y a pas tellement longtemps sur une très grande photo, De Gaulle descendant l'avenue avec tous les responsables dont Ingrand, dont Avinin, tous les responsables régionaux mais c'était un type remarquable ; et si le responsable du renseignement c'était Lepourcelet, à la préfecture, et avec Matarasso qui est avocat, qui était avocat toujours, mais qui était juif lui et courageux ; un jour, nous étions montés à la gare pour quelle raison, pour accompagner ou pour aller chercher quelqu'un et il est passé le train où il y avait deux officiers allemands qui l'ont bien regardé parce qu'il avait le type juif très accusé, le nez et tout, il a toujours d'ailleurs parce qu'il est toujours en vie et en partant le type lui a fait signe comme ça avec le doigt, il n'a pas /bronché/, même quand il a vu, c'étaient... je sais pas, ils étaient en tenue noire, je me demande si c'étaient pas des types de la Gestapo, enfin ils étaient pas en service, ils étaient dans le train, il devait aller quelque part, ils sont restés, ils ne sont pas sortis, d'ailleurs, le train ne s'est pas tellement arrêté mais en partant l'autre lui a fait signe, ça voulait dire : "Toi...tu es un de mes clients..."

INT : Vous m'avez dit que pas mal d'armes avaient été amené à Aurillac pour les stocker, seulement bon la ville, il y avait des contrôles aux accès de la ville...

"Il y avait des contrôles bien sûr, il y avait le couvre-feu..."

INT : Ce n'était pas trop difficile, pas trop dangereux... (23'06)

"C'est-à-dire difficile, ce n'était pas difficile, c'était dangereux, difficile, ce n'était pas difficile de rentrer avec un camion gazogène dans Aurillac chargé, couvert, pour venir de Saint

Saury, pratiquement jusqu'à la route nationale, il n'y avait aucun risque, on passait par le Rouget, par les petits chemins, par la Chapelle du Brougniou, les trucs comme ça, il n'y avait du risque qu'en rentrant dans Aurillac, pratiquement ou à quelques kilomètres d'Aurillac et dans la journée, en plein jour, pas en pleine nuit."

INT : Il n'a jamais eu de problèmes ?

"Et c'est-à-dire non, j'ai jamais eu de problèmes parce qu'il fallait une autorisation pour circuler, les camions l'avaient affichés sur le devant du truc et alors, ah mais je pense aussi que c'est peut être pour ça que quand le type nous a arrêté à Raulhac, il a dû voir le bout de carton sur le coin du pare-brise en même temps qu'il a dû lire les lettres, c'est pour ça qu'il nous a pas arrêté alors, sûrement ; et alors on l'amené, on déchargeait, on mettait.. un type rentrait du bois chez... il faisait une scierie Lathelize, c'était une scierie importante, il devait avoir une douzaine d'ouvriers à l'époque et alors il achetait du bois à droite et à gauche, il fallait bien qu'il le rentre ce bois et sous le bois, sous chaque chargement de bois, on /foutait/ le chargement avant de charger le bois, ce qui fait que c'était planqué quoi, il fallait qu'ils déchargent le camion pour savoir ce qu'il y avait tout au fond alors ils pouvaient bien passer la baïonnette dans le foin mais dans le bois, elle passait pas du tout, ce qui fait que le risque, oui il y avait toujours un risque mais il était assez réduit quoi..."

INT : Mais il n'y avait pas un risque de voir... dans un autre domaine cet hôpital au château de Saint Etienne où se trouvait la garnison?

"Il y avait toujours du risque, il y avait toujours du risque, il fallait toujours se méfier de quelque chose, quand moi je rentrais dans un café, ou nous dans un café, nous avions toujours la table en face la porte, la plus éloignée mais en face de la porte, de façon à voir arriver quelqu'un d'assez loin, au café Glacier par exemple, on pouvait sortir par la porte de derrière, à l'époque, il y avait une porte qui donnait sur un couloir, aujourd'hui, il y a Gervais, qui a fait sa quincaillerie mais à l'époque, c'était une arcade et de l'autre côté, il y avait un magasin de journaux ou de trucs comme ça et dans cette arcade, tous les clochards tous ceux d'Aurillac venaient, il y en avait bien une douzaine, venaient y coucher le soir, ils étaient à l'abri de la neige et de la pluie ou ils couchaient sous le lavoir au Pont-Rouge ; mais toujours il y avait un risque, il fallait toujours... Lafaucille par exemple avait rendez vous un jour à Toulouse, il avait pris cette précaution heureusement comme on fait tous et puis quand il a vu que la Gestapo rentrait et commençait à demander les papiers d'identité, il a foutu le camp par la porte de derrière, le type l'a vu, il lui a tiré dessus, et ils l'ont cavalé dans la rue, [...] il s'en est tiré avec trois balles dans le ventre, on lui a couru après, il a eu la veine à quinze, à dix mètres une porte de couloir ouverte, il est tombé derrière, la porte s'est refermée, et la brave femme qui l'a ramassé, a bien entendu que les Allemands soient passés, que ça tiraillait mais il a eu de la chance de tomber sur une femme qui était française d'abord et alors il a pu lui parler et lui donner le nom enfin le numéro à contacter d'un gars et ils sont venus le chercher, ils l'ont amené à l'hôpital et il s'est fait soigné, et alors il avait une plaie en croix de Lorraine sur le ventre, c'était marrant, il avait été touché au ventre et pour l'ouvrir, il avait été obligé de le couper, ils l'ont pas fait exprès sûrement m'enfin ce qui était de marrant quand il faisait voir son ventre, on voyait nettement la cicatrice d'une croix de Lorraine, c'était rigolo, ça c'était un type courageux et alors c'était un catholique fini et alors c'était lui qui faisait... qui procédait aux interrogatoires quand on amenait des suspects à machin, il menait pas par la main alors un jour je lui dit : "/Merde/ pour un catholique, tu a une façon curieuse de pratiquer la religion, tu ne doit faire de mal à personne" ; "Oui mais tu comprends il vaut mieux un chien en vie plutôt qu'un héros mort", il me disait ; et alors, je comprends très bien je le trouve extraordinaire, quand on fait parler un type, on sauve la vie à des tas d'autres gens, même si on le maltraite, même si... c'est malheureux d'en arriver là remarque qu'ils s'en maltraitent souvent pour rien, m'enfin dans la guerre d'Algérie, on reproche à le Pen, moi c'est pas ça que je lui reproche, je lui reproche autre chose mais je lui reproche de partir sur les traces d'Hitler surtout mais je lui reproche pas qu'il est fait faire des interrogatoires, il faut y être passer pour savoir ce que c'est ; alors un type qui avoue, ben il sauve la vie, dès fois des types et malheureusement dans notre cas, c'est qu'il en faisait prendre d'autres et alors la Gestapo n'y allait pas avec le dos de la main alors maintenant avec les détecteurs de mensonges, c'est pas tellement significatif mais avec les produits qu'on a aujourd'hui, on te fout une piqûre et au bout de dix minutes, tu réponds n'importe quoi, n'importe quoi, d'ailleurs ça me fait rigoler, la première fois que j'avais été opéré, j'avais été endormi par le père Dupuy et alors on a bavardé, on discutait de rugby, alors après quand j'étais réveillé, il me l'a dit : "J'ai appris des choses que j'ignorais, tu m'a raconté des trucs que je savais pas" ; je lui dit : "Pourquoi"; "Et parce que quand tu étais endormi, on s'est mis à parler de rugby et puis tu m'a répondu, on a engagé la conversation" ; presque naturellement ; alors aujourd'hui ils ont des produits, on fout une piqûre à un type, il parle malgré lui..."

INT : Au tout début de la résistance alors qu'il n'y avait pas encore de parachutages dans la région d'Aurillac, c'était par Massiac que vous vous approvisionner? (27'11)

"Ah non, moi les premières armes que j'ai eu, je l'ai eu chez Richard à Massiac, je cherchais le nom tout à l'heure du garagiste Richard, ils ont eu un parachutage, ils ont eu le premier parachutage d'armes et alors je suis allé en chercher avec... tout à l'heure j'ai dit son prénom maintenant je peux plus... Armand, Armand Stell, tiens je trouve les deux d'un seul coup, Armand Stell, il faisait de la confection, il vendait des costumes dans la rue du Prince et maintenant il est à la retraite ; nous sommes partis tous les deux, nous sommes allés à Massiac, ils nous ont donné une dizaine de mitraillettes, c'est curieux les histoires, il a donné une dizaine de mitraillettes, quelques revolvers, quelques grenades, pas de plastic encore, il n'y en avait pas et on est parti, j'avais une 601 découverte, enfin décapotable quoi et on rentrait, il devait je sais pas quatre ou cinq heures du matin et j'ai rentré la voiture, nous n'étions pas là, nous avions l'atelier là bas sur la route de Saint Simon, et alors mon voisin immédiat, c'était Ortigues, qui appartenait à la milice, il n'avait pas été milicien, il avait été légionnaire, avant la milice, il y a eu la légion et après il y a eu la milice et alors c'était au mois de mars, par là, ça devait être début mars et je te laisse la voiture, à l'atelier, tous les types étaient au courant à peu près, enfin ils savaient bien que je m'occupais pas beaucoup du travail, que je roulais pas mal, que je recevais des gens bizarres, que je recevais des gens qui n'étaient pas des clients, alors on a beau se planquer, m'enfin quand les types... puis entre eux, ils bavardent, l'un dit une chose, l'autre une autre et finalement on arrive avec des recoupements, à tout remettre en place, c'est-à-dire que je ne me méfiais pas d'eux et je laisse la voiture là, découverte, et le matin quand je descends vers 9 heures, 9 heures et demi, je vois mon Ortigues sur une échelle qui était en train de tailler ses arbres, et là je me dit : "/Merde/, là alors c'est une sale histoire" ; je lui dis bonjour /pardi/, parce que nous étions toujours en bons termes, moi il était à la légion, ça le regardait, pétainiste encore plus, moi j'admets toutes les opinions du moment qu'elles soient sincères et alors je me dit /merde/, ça sert à rien d'aller couvrir la voiture, maintenant il l'a vu, je vais aller m'en débarrasser, je fout le camp, j'amène ça à Bernard qui était à ce moment là à... au Rouget, qui était encore au Rouget et il m'a jamais dénoncé, à tel point qu'un jour, il m'a même, deux fois, il m'a rendu service, on avait un autobus qui traînait devant la porte, depuis déjà deux ou trois mois, là sur... devant le mur de chez Maury et un jour, il me dit : "Tiens Mr Gaillard, je voudrais vous dire quelque chose, il y a des gens... il y a deux types qui toutes les nuits viennent coucher, viennent se planquer dans ce camion" ; il me dit : "Je me demande qui c'est mais certainement il vous surveille" ; alors bon moi je couchais plus, déjà depuis, il y avait déjà une dizaine de jours que je ne couchais plus chez moi, m'enfin j'en ai tenu compte et puis une autre fois, il a prévenu ma belle mère qu'il y avait quelque chose qui clochait, qu'elle me prévienne, je m'en rappelle plus exactement de ce que c'était et alors quand il est ... c'était le neveu de Nugou, de Nugou, le pharmacien, je ne voudrais pas que ça se répète trop parce que... tant qu'il est pas mort.... et alors je dis à Nugou : " Tu a le neveu qui va passer à Riom, il faudrait quand même, moi je me porte garant pour lui parce qu'il m' a fait ça et ça et je ne voudrais pas, il ne m'a pas dénoncé par conséquent, je ne voudrais pas qu'il paie"; il m'a dit : "Oh, écoute, il fera trois mois de prison, c'est un petit /con/ ça lui fera du bien" ; lui, lui pardonnait pas d'avoir été à la légion alors j'ai laissé courir, m'enfin ça m'embêtait un peu, maintenant trois mois, il s'en est pas mal sorti, m'enfin j'aurais bien voulu lui éviter ça, si ça s'était fait au tribunal d'Aurillac, j'aurais témoigner pour lui, je ne suis pas allé à Riom et puis d'ailleurs j'avais autre chose à faire encore, il y a des petits trucs... des /machins/ amusants, il y avait une fille, il fallait le faire, qui a Vic-sur-Cère, en dessous du casino, de l'ancien casino, je ne sais pas si l'actuel est toujours là qui avait une école d'enfants juifs, elle avait 25 ou 26 juifs et elle appartenait à un réseau qui était en contact direct avec l'IS, l'Intelligence Service, et alors nous échangions souvent des renseignements, moi j'allais... je lui portais des tuyaux, qu'elle transmettait à l'IS par exemple qui était à Limoges alors elle faisait souvent le voyage Aurillac-Limoges par le train bien sûr et finalement elle s'est mariée avec un de ces jeunes gars, que je connaissais car il venait quelques fois lui, alors ça lui évitait d'ailleurs à elle de faire le voyage et un jour en revenant de chez elle, c'était l'après midi, vers quatre heures, quatre heures et demi, dans la plaine, après Vic là, entre Polmihnac et Vic, il y a une grande ligne droite là, je te vois quinze Allemands d'un côté, quinze Allemands de l'autre, le fusil sur l'épaule et un mec au milieu de la route, alors il n'y avait pas tellement de gens qui roulait, il n'y avait guère que la milice qui pouvait rouler en moto, dans la journée et j'avais un blouson comme les miliciens, j'avais un béret comme les miliciens bien entendu, m'enfin mon pantalon n'était pas bleu et mon blouson était marron et alors je me dit je vais y aller mollo pour ne pas avoir l'air de... alors je marche, j'avais une moto qui marchait, on l'avait fauché à la gendarmerie à l'époque, c'étaient de fortes motos et le type au milieu de la route, je te lui fait un "Hi Hilter", il n'a pas bronché, il m'a fait un "Hi Hitler" avec un sourire, il s'est dit c'est un copain quoi et alors surtout j'allais sur Polmihnac, il pensait que j'allais faire une liaison avec Lahaye peut être, peut être un truc comme ça mais quand j'ai eu fait cent mètres, ils auraient pu se foutre /au cul/ parce que ça y allait un peu, le reste de la route d'Aurillac, ça était vite franchi, c'est des petites histoires, mais qui font serrer les fesses quand on est... une autre fois, je revenais du Mont Mouchet là, je vous ai dit que la première fois que je suis monté au Mont Mouchet, la première fois, c'était au mois de juin avec Lépine et il y avait la pancarte "Ici commence la France libre" à Ruynes et alors une autre fois, je revenais du Mont Mouchet, je devais avoir conduit Lépine et je redescendait avec Lépine, en arrivant à Saint Flour, j'ai toujours eu du nez, j'ai eu du nez sauf la fois où je me suis fait arrêté, je vois un type sur le talus qui avait l'air de regarder vers là bas et puis vers nous, je m'arrête, je lui dit en patois : "[..] ; "Il y a des Allemands [..] en face la gare" ; /putain/, on est pas parti sur le Mont Mouchet, on a été atterrir je ne sais plus où, la route qui part à... il y a deux routes, une qui va sur le Mont Mouchet, l'autre qui va je ne sais où, je t'ai embarqué cette route et le premier chemin de traverse, on est monté à une gare, je ne sais plus comment ça s'appelait, où devait passer paraît-il un train et je t'ai laissé Lépine là et moi je suis redescendu par la vallée de Mandailles, j'ai fait le tour... c'est des bricoles, des incidents, m'enfin des trucs qui font quand même un peu serrer les fesses parce qu' à rien, la moto s'amenait, deux sur une moto, moi je pouvais passer pour un milicien mais lui il avait toujours le chapeau, le pardessus, il était toujours bien /sapé/, ça aurait été difficile surtout à un barrage, quand on... on peut bien foncer dans le tas /pardi/ on en fout un par terre mais à moto, c'est pas sûr qu'on ne fasse pas comme lui et puis j'avais pas d'armes sur moi, je n'avais rien et puis quand même là, c'était trop scabreux, surtout pour lui ; une autre fois quand on a descendu le... je ne sais pas si je te l'ai pas dit, quand ils ramassaient le bronze, on a enlevé la statue du stade là haut..."

INT : Le discobole... (36'55)

"... Le discobole et alors on l'a planqué à Bargues /pardi/ parce qu'il n'y avait pas tellement de coin, on pouvait pas l'amener à la Luzette, on ne pouvait pas l'amener chez Bernard, il tenait trop de place, il y avait à Bargues là un tas de ronces mais alors volumineux comme ça là, on te le balance au milieu et puis très grand, il faisait peut être dix mètres de circonférence, à sept ou hui on te le prend, "un, deux", hop on te le balance, il tombe à peu près au milieu du truc, et puis les buissons l'ont, quelques jours après, l'ont recouvert, peut être quinze jours, un mois après, mais en tout cas il ne se voyait pas même les gens de Bargues m'en savait rien, c'est assez curieux et alors un jour seulement, il y avait des lapins qui y allaient dans ce/putain/ de trou et un jour Jacky, il était gamin, il avait quatre ans, il te voit le lapin partir dans le trou, alors le petit il y va, il le suit même en s'égratignant.... [...]

Autres données descriptives
Notes ISBD

(Cote de l'original : Fk 8 [1217] et de conservation : A [1217] 1151**).

Auteur
  • Gaillard, Marcel
  • Flauraud, Vincent
  • Lépine, Jean
  • Tricot, Henri
  • Cournil, Bernard
  • Durif, Pierre
  • Avinin, Antoine
  • Richard
  • Stell, Armand
  • Ortigues
  • Gaulle, Charles de (1890-1970)
  • Lepourcelet, Jean
Mots-clés lieu
  • Aurillac (Cantal, France)
  • Maurs (Cantal, France)
  • Saint-Flour (Cantal, France)
  • Roffiac (Cantal, France)
  • Massiac (Cantal, France)
  • Le Lioran (Cantal, France)
  • Maquis de la Fombelle-la-Luzette (Cantal, Lot, France)
  • Mont-Mouchet (Auvers, Haute-Loire, France)
Mots-clés matière
  • guerre 1939-1945
  • Résistance
  • parachutage
  • entretien filmé
Mots-clés personne
  • Gaillard, Marcel
  • Flauraud, Vincent
  • Lépine, Jean
  • Tricot, Henri
  • Cournil, Bernard
  • Durif, Pierre
  • Avinin, Antoine
  • Richard
  • Stell, Armand
  • Ortigues
  • Gaulle, Charles de (1890-1970)
  • Lepourcelet, Jean
Permalien de la notice
7 AV 25-4
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