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Description physique
Document sonore Collation : 1 DVD
Présentation du contenu

Il s'agit d'une copie de cassette 8 mm.

Le tournage a été réalisé à Aurillac, chez M. Marcel Gaillard, rue du Pré Mongeal.

INTERVIEW MARCEL GAILLARD REALISE PAR V. FLAURAUD SEPTEMBRE 1987 (7AV 25-1) :

[...]

INT : [...] Ce qui serait intéressant, c'est d'avoir... déjà votre position avant guerre?

" Ma position avant guerre, j'étais et je suis toujours d'ailleurs un inconditionnel de la liberté, avant tout, sans quelques opinions politiques particulières ; enfin si mon père était radical-socialiste, moi j'ai été socialiste, m'enfin ce qui m'intéressait surtout, c'était la liberté, je suis un inconditionnel de la liberté, quelque soit, liberté individuelle... à condition qu'elle /emmerde/ pas celle des autres, bien entendu ; que chacun soit libre de faire ce qu'il peut. Il y a certaines règles qui m'embêtent [le port de la ceinture, c'est une obligation, moi je pense que chacun est assez grand pour pouvoir prendre ses responsabilités, sans avoir besoin d'ordre quelconque] alors..."

INT : Votre famille était déjà ...

"Ah oui, mon père était conseiller municipal du temps de Dauzier, du /père/ Dauzier en... (Hésitation) 23, je crois [il doit y avoir un titre par là, je sais pas où] et il restait jusqu'en 40, jusqu'à la Libération, jusqu'en 40 où les municipalités ont été remplacée, ont été nommé par Vichy ; que Joly cette [...] de Joly a pris la place de maire et qu'il y a eu ce tas de trucs. Si, inconditionnellement je suis un libertaire, moi je suis pour la liberté, je suis pour l'indépendance de chacun et que chacun assume ses responsabilités."

INT : Le Front populaire pour vous, ça...

"Le Front populaire, pour moi, ça n'a pas changé grand-chose à mon style de vie, étant patron, étant artisan, j'occupais les ouvriers bien entendu ; m'enfin pour moi ça était une bonne affaire, parce que ça a permis aux ouvriers d'avoir plus de liberté, d'avoir des jours de congés, de connaître enfin les vacances et puis aussi les heures de travail, parce que je me rappelle, j'ai retrouvé des cahiers de mon père, moi, où les types en 1902, 1903, 1905 gagné cinq sous de l'heure, et un pain coûtait trois sous..."

INT : Quelle profession exerçait votre père?

" Carrossier, il était d'abord maréchal-ferrant, il avait fait le tour de France d'ailleurs, il était maréchal-ferrant ; et c'est en venant... il est natif de l'Aveyron, et alors en venant travailler dans le Cantal, il a connu ma mère qui était de Saint Simon, ils se sont mariés... par là et puis après il a abandonné, bien entendu."

INT : Au moment... plutôt quelle était votre position par rapport au régime... aux institutions de la Troisième République? (3min19)

"De l'Assemblée de la République ?"

INT : La Troisième République....

"Ah la Troisième République....

INT : Avec tout ces ministères qui [changeaient]?

"changeaient tous les mois, tous les deux mois mais au moins c'était la démocratie, seulement l'inconvénient, c'est que c'était toujours les mêmes qui revenaient, un jour l'un était ministre des finances, un mois après, il passait au travail ou ainsi de suite, à peu de choses près que ce soit des gouvernements Briand, que ce soit le gouvernement Herriot, c'était toujours des radicaux qui étaient au pouvoir, alors c'était... comme d'aujourd'hui d'ailleurs, ça change pas grand-chose, aujourd'hui c'est peut être un peu plus étendu mais autrement... parce qu'il y a beaucoup plus de militants qu'il y en avait à l'époque ; mais j'ai connu l'époque où nous nous réussissions... en congrès régional ou départemental tout au moins, à la salle à Aurillac, on se trouvait bien trente-cinq /à tout cassé/ alors qu'aujourd'hui la moindre réunion aurillacoise réunit cinquante ou soixante, quatre-vingt, cent personnes, ça n'a pas de rapports au point de vue étendue politique ; la politique était réservée à des particu... à des gens privés dans le temps, c'était un peu leur métier, aujourd'hui tout le monde peut en faire ou presque..."

INT : La succession des affaires, ça discrédité [le gouvernement]

"Oh là là, il y a eu des scandales épouvantables mais il y en a eu autant depuis, à l'heure actuelle, on a [...] il faudra bien que... à quelques partis qu'on appartient, je suis socialiste, je le serais toujours, je pense mais je reconnais que... un type qui fait une faute, quelque... quel parti il appartienne, il faut qu'il soit... qu'il subisse le sort commun ; on fait pas des lois pour les uns... on fait pas trente-six lois, on les fait pour tout le monde... »

INT : Votre engagement dans le socialisme date de quand?

" Mon engagement dans le socialisme doit dater de 32 par là... 32, 33, bien après la scission de Tours."

INT : Comment avez-vous réagi au développement du fascisme, à l'arrivée de Mussolini...?

"Mais... avec colère, comme tout le monde ; c'était inadmissible qu'un type comme... d'ailleurs, ça a commencé avec... primo.... avec /machin/ en Espagne (hésitation).... ah.... et non c'est Hitler qui a commencé, c'est Hitler qui a commencé en 30 oui...."

INT : Et Mussolini un petit peu avant.... (6'15)

"Oui Mussolini un peu avant mais lorsque Mussolini l'a fait, il est parti dans une intention socialisante parce qu'il avait appartenu au parti socialiste italien. Hitler a démarré comme Le Pen, tiens. Je me souviens en 32, 33 il y avait Barthélemy, le marchand, le fabricant de cuir, c'était une très grosse affaire à l'époque, il avait une vingtaine d'ouvriers, ils tannaient à la main, ils avaient des bains de tan, le cuir restait dans le tan pendant trois mois, six mois ; il avaient des cuirs de première classe ; il en vendaient dans toute l'Europe et ils en vendaient en Allemagne et il y est allé... le fils, il était le représentant de la maison, il y est allé... il est revenu un jour, il avait été à Nuremberg et on avait passé Hitler sur le film, enfin dans la salle, enfin ... tout le monde s'était levé et il m'a dit : « mon vieux, j'étais apeuré, si j'avais pas fait comme eux, j'ai tendu le bras, si j'avais pas fait comme eux, je crois qu'il m'aurait écharpé », déjà en 32, c'était déjà tout à fait au début quoi... »

INT : Vous étiez bien au courant de ce qu'était Hitler?

« Déjà, enfin on n'était pas encore au courant de ce qu'était Hitler, mais ni même on ne pensait jamais à ce qu'il serait devenu parce que Hindenburg ne voulait pas voir Hitler, il était absolument contre lui, puis finalement en vieillissant et puis peut être avec l'appui des rhénans, avec l'appui lié aux industriels, c'est comme ça qu'Hitler est.... a accédé au pouvoir..."

INT : Vous aviez entendu parler de Mein Kampf?

« Ah non, j'ai entendu parler de Mein Kampf, oui mais à l'époque, j'en avais entendu parler d'un livre de.... qu'avait été écrit par Hitler mais il l'a écrit tard, il l'a écrit plus tard Mein Kampf... »

INT : [...]

« Oui mais je crois qu'il a été édité en 34-35 par là, pas avant parce qu'il avait été interdit... »

INT : Où avait été t-il interdit?

« [...], il avait été interdit, personnellement, je ne l'ai pas lu... c‘est un genre de »

INT : Mussolini par rapport à Hitler, c'est quand même mieux?

« Mussolini, au départ paraissait beaucoup mieux, seulement il avait quand même les mêmes méthodes, il ne torturait pas les /mecs/ mais enfin il les attrapait, il leur faisait boire un litre d'huile, des trucs comme ça tandis que les hitlériens c'était quand même plus, c'était... les hitlériens, c'était en /cinq fois plus grave/ que les histoires de Le Pen à la Chambre, il y a deux ou trois jours là, il y a quelques jours... »

INT : vous savez sur [...] l'avez su assez rapidement ? Quand est-ce qu'on a su qu'Hitler était... [...]? (7'00)

« Qu'il était antijuif, on l'a tous su. Et je crois d'ailleurs, et c'est le plus curieux, qu'il avait une ascendance juive par sa mère. Il avait quelqu'un dans sa famille, qui le touchait d'assez près qui était d'ascendance juive ; mais à l'époque, on ne se serait jamais douter de ça et quand Daladier est parti à Munich avec ... (cherche)... l'anglais là... »

INT : Chamberlain...

« Oui Chamberlain, il est revenu désespéré, Daladier. Il voyait bien que la guerre était proche et alors il s'attendait à être reçu à coup d'automates en arrivant à Paris et il a été reçu, il a été ovationné, il en était sidéré parce qu'il ne pensait pas que les gens soient assez bêtes pour croire que sur la lancée d'Hitler, ça allait s'arrêter là quoi. »

INT : Ici, comment l'avez-vous perçu ce retour?

« Ben, au parti, très mal ; au parti radical et au parti socialiste très mal parce qu'on sentait bien... ce n'était pas clair, ce n'était pas net, ils avaient fait des concessions qui étaient inconcevables ; maintenant évidemment la guerre, on a beau dire, c'est joli à l'écran mais enfin sorti de là ce n'est pas très beau et encore... »

INT : Il y avait déjà des gens qui se préparaient à la guerre?

« Et non justement, les gens ne voulaient absolument pas aller à la guerre ; j'ai vu partir en 14 les gars, ils partaient la fleur au fusil et s'était écrit sur les wagons « A Berlin, dans quinze jours » et puis quand même ça a duré quatre ou cinq ans et eux sont partis dans l'enthousiasme mais en 40, personne n'était très emballé. Mon frère est parti huit jours avant la mobilisation pour aller monter les /Noirs/, il était dans le train pour aller monter les /Noirs/ à la ligne Maginot là haut et puis ce qu'il y a surtout dans cette drôle de guerre, c'est que pendant sept, huit mois il s'est rien passé, ils s'envoyaient des fleurs, presque d'un côté à l'autre des tranchées et puis alors le jour où ça a démarré, ça a dû démarré le 23 ou le 24 mai ; alors c'est d'autant plus curieux que j'étais à l'arsenal de Roanne, nous étions là... quinze cent peut être, hommes ou femmes et il y avait encore, à ce moment là au mois de mai, on avait un outillage exceptionnel pour la réparation des tanks, des trucs comme ça et au mois de mai, il y avait encore trois [...] qui tournaient pas, qui étaient inoccupées, inemployées alors quand je venais en permission, je voyais les wagons de ferraille, de cages à oiseaux, de tuyaux de poêle dans les gares, l'acier vainqueur, ce que nous clamait Renault en Finlande et puis les copeaux de métal, de tout, on les foutait pour « rempierrer » une route qui allait au canal alors c'était déjà pas très encourageant. »

INT : Est-ce que vous avez réparé des chars français?

« Aucun »

INT : Ils ne tombaient pas en panne?

« C'est-à-dire ils auraient dû tomber en panne mais ils en avaient pas beaucoup d'abord, ils y en avaient peu et quand ils sont rentrés à... parce que c'était un très très important arsenal, Roanne, il devait y avoir, je n'exagère pas trois cent chars d'assaut prêts tout neufs, des ... je me rappelle plus, c'était… moi j'avais fait...

INT : des Renault, des [...] (12'08)

« ... c'était... il y avait des Renault mais il y avait surtout des... ils étaient beaucoup plus rapides que les Renault, je me rappelle qu'est-ce que c'était..."

INT : [...]

"C'étaient bien une marque française... je ne peux pas me rappeler qu'est-ce que c'était bon sang... ça me reviendra, ce n'étaient pas des Peugeot... ah bon sang...

INT : C'étaient des chars...

"Des chars modernes, tout neufs et d'ailleurs les Allemands les ont trouvé tout prêts, équipés et ils n'avaient qu'à mettre l'essence et partir avec quoi. Des obus, il y en avait en pagaille, bien empilés qui restaient là, qui sont restaient là et alors on m'a dit, on m'a dit et alors c'est toujours un peu sujet à caution que le jour où les Allemands sont rentrés à Roanne..., le colonel... le commandant d'arsenal les attendait sur la porte en tenue d'officier allemand, en colonel allemand, c'est toujours un peu des histoires à caution, ce qu'il y a de certain c'est que nous avions... demandé Lafargue, Monraisse... le fondeur là bas, je m'en rappelle comment il s'appelle et moi a travaillé pour l'armée et alors on avait fait la demande, d'Austruy nous avait accordé l'autorisation d'aller aux forges du.. de Saint Etienne à faire des offres et prendre des commandes ; nous y sommes allés, alors moi j'avais pris un chargement de roues parce que nous avions encore des roues en bois pour les canons bien entendu, sarclées en fer, des caisses de munitions. Lafargue est revenu avec quelques milliers de caisses de munitions, Monraisse aussi, lui c'était Monraisse devait entreposer le total pour faire la livraison parce que c'était pas trop mal organisé à ce point de vue là, mais c'était tout ; finalement Lafargue a été démobilisé, le fondeur aussi et moi j'ai jamais pu être démobilisé, j'ai demandé, j'ai réclamé, j'ai même écrit au ministère de la guerre comment se faisait-il que, qu'éventuellement [...] et je n'ai pas pu le mettre à exécution ; ce qui fait que... parce qu'il donnait un tiers de la commande pour se mettre en route, pour l'outillage, pour les bois, pour ceci, pour cela et alors Lafargue, lui, a commencé à acheter des bois à Castres, au Haut Durand, partout et puis la guerre s'est finie, il s'est trouvé avec.... il a commencé à durer un peu mais il n'a pas livré la totalité de la commande, loin de là ; alors, il y a bien quelque chose qui clochait quelque part, quoi parce qu'il y avait aucune raison, d'Austruy avait fait une réclamation très importante pour que [...] déjà à l'époque, on atteignait une quarantaine de types et huit cent mètres de surface couverte, ça faisait quand même de la place. »

INT : Donc vous travaillez pour l'armée...

« Oui je travaillais pour l'armée... »

INT : Et quelle était votre fonction, grade?

« Dans l'armée? »

INT : Dans l'armée, pendant la guerre... (15'30)

« Soldat de troisième classe, j'ai suivi le cours des sous off' et puis il s'est trouvé qu'il y avait un /juteux1/ qui m'aimait pas beaucoup parce que je jouais au rugby et on avait fondé une... il y avait le lieutenant qui jouait au rugby alors évidemment quand j'étais mobilisé après en active, ah mais je parle de l'active parce que autrement après... je suis parti comme.... voyons, on était mobilisé civil, on couchait en ville, on n'avait pas d'uniformes, non on couchait en ville comme ça, on était... je m'en rappelle plus [...] je dois avoir mon livret militaire quelque part par là (va le chercher) [...] (lecture de son livret militaire) compagnies ouvriers, c'étaient les compagnies ouvriers, j'ai quand même touché ma prime de deux cent francs de démobilisation mais six mois après l'arrêt de la guerre ; oui infanterie, chars d'assaut, grade de deuxième classe Gaillard, prénoms Marcel Henri Jean, 1er mai 1903, 206ème compagnie de renforcement, je ne me rappelait même plus du numéro de la compagnie à laquelle j'appartenais parce que nous n'étions pas en compagnies, nous étions indépendants... nous étions complètement indépendants, ça s'est l'ordre de mobilisation et de démobilisation [...] ordre d'appel sous les drapeaux, c'était quand ça... »

INT : Avez-vous été démobilisé à Aurillac, non?

« J'ai été démobilisé à Aurillac par force mais alors à l'époque c'était la pleine pagaille... »

INT: Normalement, c'était au Larzac que cela se faisait ?

« Mais c'est-à-dire comme moi, j'ai abandonné l'armée à Tulle, enfin l'armée, ce qui me servait d'armée puisque nous étions des... nous transportions tout le matériel que nous avions à Roanne dans les camions, alors à Tulle, sur le mur il y avait /ah putain/ ce gars là et je lui dit : « écoute, pour moi maintenant la guerre est finie, je /fous le camp/ je veux pas aller à /m'emmerder/ à Tarbes là bas à attendre la fin des événements qui sont déjà cuits alors ça change pas grand chose ; alors en arrivant ici, j'ai trouvé quelques copains et puis nous nous réunissions comme ça, évidemment on parlait de nos misères, de /l'emmerdement/ d'être mobilisé (s'adresse à l'interviewer), je t'écoute... »

INT : Comment avez-vous réagi, d'une part à l'annonce de la guerre et à la déclaration de guerre en 39 et en 40 à l'armistice ?

« La déclaration de guerre, déjà j'entraînais les joueurs du stade et j'avais comme joueurs Pierre Andrieu, Pradel... »

INT : Pierre Fabre?

« Non Pierre Fabre était plus jeune, je l'ai pas eu, il était plus jeune lui, non Pierre Fabre, je l'ai pas eu, c'est vrai, mais il était plus jeune et alors je leur ai dit, ils voulaient s'engager ces /coneaux/, je leur ai dit : « Faites pas les /cons/ la guerre est là dans deux mois, vous allez pas partir vous engager et de suite être les premiers à aller vous faire démolir sur le truc ; au fond ils sont partis et ils sont revenus quatre ans après, /pardi/ ils ont été prisonniers presque aussi /sec/ quand... sitôt que la bagarre a éclaté et ils ont été ramassé ; alors moi, la déclaration de guerre ne m'a pas surpris du tout, évidemment j'étais concerné parce que j'avais déjà vu celle de 14, ça me suffit largement et ma réaction a été que, bon... et puis j'aspirais toujours, j'avais trois gosses, j'avais quand même quarante ans, j'espérais bien ne pas être mobilisé, quoique c'est pas quand même... je me suis bien engagé pour mon plaisir, pour la liberté mais là je trouvais que c'était... enfin qu'on allait forcément à la débâcle et puis il y avait qu'à voir, nous faisions les manœuvres, nous avons fait les manœuvres à la Courtine ; c'était quelque chose de splendide, nous avions des chars qui avaient fait la guerre de 14, bien sûr, je parle de 23 et alors c'était une pagaille noire, on s'installait dans les genêts là et puis quand on sonnait le rassemblement, que c'était fini, nous rentrions tranquillement le char, on avait jeté les obus, quelque uns, on avait été obligé d'en tirer pour ramener les douilles mais c'est tout quoi, alors c'était même pas une guerre de « boy-scouts » ; c'était pire, au moins les boy-scouts s'amusaient, nous on /s'emmerdaient/ alors je suppose que ça était comme ça jusqu'à la guerre, quoi ; je me dis dans ces conditions là, tu parles, et puis on avait de bons généraux, ils étaient jeunes, ils étaient ardents, ils étaient pleins de sang, il n'y avait pas de raison que... Non moi, la guerre... la mobilisation m'a vraiment... démoli parce que j'y croyais, je la sentais venir depuis pas mal de temps mais enfin j'espérais que malgré tout peut être les accords de Munich auraient peut être suffi à attendre au moins un peu plus longtemps."

INT : Dans quelle ambiance sont-ils partis au front?

"Ils sont partis tristes et pas la fleur au fusil comme en 14 : ils sont partis parce qu'il fallait partir mais ils n'étaient pas si emballés que ça, faut pas croire que les gens qui sont partis à la guerre en 40 sont partis, heureux et fiers, ce n'est pas vrai..."

INT : Vous disiez que les accords de Munich auraient pu... mais les accords de Munich officialisaient quand même en quelque sorte, l'annexion d'une partie de la Tchécoslovaquie [...]?

"Oui évidemment, c'est pour ça que ça devenait dangereux, c'est qu'on avait laissé la main mise sur la Tchécoslovaquie et sur la Pologne en même temps puisqu'il y avait à l'époque, un peu avant la déclaration de guerre, il y avait les fameuses minorités slovaques et polonaises qui fallaient absolument... Drest par exemple, il fallait qu'absolument ces gens-là redeviennent allemands et alors, mais c'était impensable qu'il ne puisse pas y avoir la guerre à brève échéance, quoi. »

INT : Vous disiez que vous aviez un espoir secret qu'avec ces accords...?

« Oui, moi j'avais jamais cru beaucoup à ce genre de truc, moi les paroles c'est bien beau mais beaucoup plus de vent que de réalité, quand j'entends souvent parler les hommes politiques là, quand on fait le tri de tout ce qu'ils ont dit, il ne reste pas grand chose de bien clair... »

INT : Et l'armistice alors ?

« Ah ben l'armistice, ça était, l'armistice, ça était la joie populaire pour tout le monde parce que vraiment pendant quatre ans, vous étiez jeunes, vous n'avez pas connu le rutabaga, ni le manque de pain et ni les cinquante grammes de viande à la semaine, ni les queues qu'il fallait faire ; encore tes parents avaient les moyens de le faire mais des quantités d'autres étaient obligés de vivre comme ils pouvaient ; et alors heureusement ans nos régions, on n'en a pas trop souffert parce que les uns ou les autres avions des connaissances à la campagne. Nous, en tant que carrossier, toute la vallée de Mandailles, on travaillait pour toute la vallée de Mandailles alors si mon père voulait un kilo de beurre, il avait qu'à le demander, il l'avait le soir même, du fromage et des patates... »

INT : Revenons sur l'armistice de 40 lorsque les Français se sont arrêtés, il y a eu cette réaction de... joie? (23'06)

« De joie, de joie, de joie, de joie parce que tout le monde était content de, enfin la grosse partie des gens était content que la guerre soit finie, que les prisonniers rentrent, que la guerre soit finie... mais nous étions quelque uns qui l'avions à l'amer, nous l'avions [...] c'est ce que j'ai di déjà, en 40, on s'était réuni quelques copains pour [...] des gars comme ça ; on avait fait une fête qui était triste mais qui était quand même une fête..."

INT : Pétain au pouvoir, c'était pour vous....

"La catastrophe parce que moi je pars d'un principe, Pétain a été un héros à Verdun avec un million d'hommes de tuer, eux sont des héros, lui non, non un type qui fait tuer tant de bonhommes, ça ne peut pas être un héros c'est pas vrai ; un héros c'est celui qui va de sa personne, qui va devant, qui fonce et qui... mais quand il n'y a qu'à donner un ordre pour envoyer un million de types à l'abattoir..."

INT : Donc pour vous, Pétain...?

"Pétain, c'était une /nouille/, un zéro, alors j'ai toujours été anti pétainiste, toujours."

INT : A l'appel de Pétain ?

"Ah l'appel de Pétain, j'étais contre l'appel de Pétain, d'ailleurs nous étions (sonnerie du téléphone) tous ceux qui ont fait de la résistance étaient anti pétainistes, pas mal étaient gaullistes, moi je l'était pas ; moi j'ai pas été pétainiste, j'étais anti pétainiste, j'étais anti-La Rocque déjà quand La Rocque est venu ici, je m'en rappelle plus à quelle époque, avant la guerre en 32 ou 34, il avait fait une réunion là au dessus, en haut de Saint Simon, chez...."

INT : Il y a eu beaucoup de monde?

" Il était bien arrivé à une soixantaine, alors nous avions décidé d'organiser une manifestation et comme le secrétaire se trouvait être Brunhes là, mon voisin il a pas osé me refuser l'invitation, tiens [...] il savait bien que j'étais au moins radical à cette époque-là et alors il lui a dit... mais il a pas osé me la refuser mais il a dû prévenir qu'il avait été obligé pratiquement alors les premières paroles qu'à prononcer /machin/, était de dire qu'ils étaient chez eux, en force et qu'ils n'admettraient pas que des trublions viennent gêner la réunion alors comme on était quatre ou cinq copains décidés à les /emmerder/, on n'y est pas allé ; moi j'y suis allé, histoire de voir puisque j'avais la carte, m'enfin histoire d'écouter un peu et essayer de voir ce qui se passait..."

INT : Les débuts de votre engagement dans la Résistance .... (26'27)

"Au moment de la Résistance, en 40, écœuré, bien entendu comme des quantités d'autres copains, je rentre ici, je trouve des copains du Nord, je l'ai dit tout à l'heure, qui étaient venus, qui étaient là, il y avait le beau-frère de mon frère, enfin il devait être une dizaine, il y avait même un ingénieur qui avait déjà fait des gaz bois, c'est la raison pour laquelle j'ai fait des gaz bois, des gazogènes, sitôt qu'on a pu travailler à peu près couramment et alors pour cette fameuse réunion là, qui avait eu lieu chez François Gramont, qui tenait un bistrot à l'époque où est aujourd'hui... le crédit agricole, juste en face, il faisait l'angle ; je sais pas si c'est toujours un bistrot d'ailleurs, il me semble ; alors on s'était réuni là, on était une quinzaine, il y avait Bernard Cournil, Mazet, qui était le docteur major de l'hôpital, il y avait Mittanchez qui était à la préfecture, qui s'occupait des réfugiés lorrains, il était lorrain lui et il s'occupait des réfugiés alsaciens lorrains à la préfecture, c'est lui d'ailleurs qui m'avait monté après le groupe franc puis il y avait Armand Sthel, il y avait, je sais pas moi, il y avait le marchand de machines agricoles qui était à côté de, chez lui qui est mort depuis, d'ailleurs un grand type grêlé, costaud, il y avait le contremaître de chez [...] enfin on s'est trouvé là une vingtaine quoi et alors évidemment on se demandait comment faire pour essayer de constituer, de faire la résistance, de /rouspéter/"

INT : Avez-vous employé ce mot dès le début ?

"Pas dès le début, non..."

INT : Vous avez commencé quand?

"Ah je sais pas, non c'était plutôt monter une action française, une action qui soit, enfin une action française, pas celle de Doriot2, m'enfin quelque chose comme ça, non il n'y avait pas... on ne cherchait pas de nom, on cherchait surtout des moyens de contacter, des moyens de pas rester seul, des moyens d'avoir l'occasion d'avoir des armes, des trucs comme ça ; le hasard a voulu que ce Mazet là, sa femme était une cousine germaine de Mazelier, l'amiral Mazelier qui était à Londres avec de Gaulle, seulement comme c'était tout deux des /têtes de lard/, ils se sont fâchés, ce qui fait que notre contact a été coupé et alors on s'est quand même constitué et puis finalement un beau jour, Durif vient me trouver et il me dit, c'était en octobre (regarde ses notes), il me dit : "Tiens, il faudrait qu'on fasse de la résistance." Là le mot existait parce qu'il y avait à Aurillac, j'intercale... alors il m'a dit alors voilà : "Tu sais si on pourrait monter quelque chose, pour organiser de la résistance, on aurait des contacts, je connais quelqu'un qui... je lui dit : "écoute, si c'est pour écrire sur les murs", j'avais toujours quarante ans, j'avais plus vingt ans, "si c'est pour écrire sur les murs, ou dans les rues "Ah bas les boches!" ceci ou cela, moi compte pas sur moi, s'il y a une action quelconque, parle-le moi en, ça collera mais sorti de là, ça marche pas..."

INT : Vous vouliez vraiment qu'il y ait de l'action ?

"Il le dit dans son truc (possible article de Durif), il le dit, Marcel était occupé à jouer au poker et il m'a un peu laissé tomber ; et alors on est resté comme ça à recruter des copains, à en parler à droite et à gauche et puis un beau jour, Mittanchez m'appelle de la préfecture, il me dit : "Viens j'ai quelque chose d'intéressant" ; je m'amène là-bas et je te vois un type chauve là, assez battant, il nous propose de nous mettre en contact avec un mouvement de résistance qui s'appelle Franc Tireur, d'ailleurs c'est Avinin qui l'a créé et en ce moment Avinin sort de prison, il est à Massiac, il a l'intention... parce qu'il était journaliste, il a été emprisonné parce qu'il avait tenu, écrit des propos contre l'Allemagne quoi, mais ça c'était déjà fin 41, tout à fait... début 42 peut être ; et alors, il nous met au courant, moi j'ai dit d'accord, je marche d'emblée, ben alors il me dit : "je viendrai avec le responsable" ; alors là on resserre les coudes et puis huit, dix jours après, il s'amène avec un type le manteau long, élimé, maigre et me dit : "je suis Avinin" ; bon tant mieux, il nous dit qu'il a fondé le mouvement Franc Tireur à Lyon, que ça fonctionnait bien, qu'il y avait un journal qu'ils éditaient, le Franc Tireur, je regrette de pas l'avoir gardé d'ailleurs, il nous en a donné deux, trois exemplaires et puis ça a démarré comme ça."

INT : Qui a été le premier contact ?

"Avinin, le premier contact, c'était Durif ; Durif m'a contacté le premier indiscutablement, enfin d'une façon officieuse seulement c'est ce que je voulais vous dire tout à l'heure, il existait déjà des mouvements de résistance ; il y avait Combat [Libération] qui a été fondé par D'Astier de la Vigerie et dont Matarasso, un professeur du lycée dont je ne me rappelle plus le nom... parce qu'il était d'obédience communiste m'enfin c'était pas franchement les FTP, les FTPF, Mme Matarasso, il y avait Mme... comment elle s'appelle Duclaux, la petite-fille du père, du professeur Duclaux ; enfin ils étaient sept ou huit et c'est eux qui collaient les papillons la nuit, ils collaient des papillons partout "A bas les Allemands", des trucs comme ça, alors moi c'est ce que j'ai dit à Durif : "si c'est pour faire ce travail, non, prends des jeunes de 15-18 ans mais moi je suis trop vieux pour faire ce truc là." Alors Avinin nous a donné des directives, il nous a dit : "voilà, il faudrait prendre la direction du mouvement, vous allez prendre la direction du mouvement" et moi je lui a dit : "Ça consiste en quoi" ; "Eh bien, d'abord, il y aura deux choses, le mouvement armé et il y aura un mouvement qui s'appellera AP, action politique qui s'occupera à la libération de placer..., qui aura la haute main sur la direction et qui a la Libération prendra les mairies, les préfectures, s'occupera des mairies, des préfectures et enfin des cantons..."

INT : Pouvez-vous resituer à l'époque? C'était en 4......

"C'était en 42 ça."

INT : Il y avait eu quand même deux ans de battement où on ne se savait pas trop?

"Mais il existait vingt mouvements, je ne sais pas, rien que dans le... il y avait les Francs Tireurs Partisans, il y avait les Francs Tireurs, il y avait Combat, Libération ; c'est Libération d'Astier de la Vigerie, ce n'est pas Combat ; Combat c'était l'autre..."

INT : Combat, c'était Frenay et Aubrac... (34'13)

"Oui, c'est ça, il a été ministre de De Gaulle.... ; bon alors le temps a passé, puis il s'amène et me dit : "voilà, il faudrait que vous trouviez un responsable politique alors si vous voulez pas vous en occupé", moi je lui ai dis : "écoutez, j'ai toutes les peines du monde à faire de la paperasserie chez moi, je tiens pas du tout à la faire pour un mouvement clandestin, c'est encore pire ; alors il me dit : "il faut nous trouver quelqu'un" ; trouver quelqu'un, c'était bien gentil, quelqu'un de sûr, quelqu'un de sûr ; un jour, j'avais dit à Bayou, là qui faisait des chaussures, votre père l'a connu sans doute, c'était un type comme ça et je lui dit : "Jean, il faudrait que tu me montes une sixaine, une sixaine pour la résistance, oui mais je veux des gars gonflés, des types qui peuvent....." ; (rapporte propos de J. Bayou) "une sixaine, je t'en amènerai cinquante." "Écoute, nous en reparlerons quand tu leur aura expliqué la situation." Quand je l'ai retrouvé quinze jours après, il m'a dit : "Écoute, j'ai eu toutes les peines du monde à en trouver six." Une sixaine, c'était déjà pas tellement mal parce que j'ai eu des déboires fréquents quand un type faisait le /flambard/ comme ça dans les bistrots, les Allemands ceci, les Allemands... on n'était pas encore occupé, on a été occupé qu'en septembre 42...."

INT : Novembre...

"Ben ils m'ont coupé la route, je venais d'une réunion justement, ils m'ont coupé la route en haut de la rue des Tanneurs, je les ai laissé passer très lugubrement mais je ne pouvais pas les arrêter, ils étaient trop nombreux..."

INT : Il n'y avait pas [...] la police, il y avait seulement la police d'Aurillac [...]

"Dans la police, il y en avait un, après il y a eu Weisbecker, le commissaire de police qui était alsacien et qui était résistant, qui nous a aidé mais c'était un type qui avait la /trouille/ de tout, il voyait des espions partout, il fallait des précautions extraordinaires pour arriver à le toucher mais alors ça c'est plus tard, ça était quand les sixaines et les centaines étaient montées ; à Aurillac, je devais avoir en fin 43 dans les 700 types à peu près, entre les cheminots, les commerçants, les artisans, les ouvriers, les gars qui s'étaient engagés quoi..."

INT : Ça c'était pour la résistance, mais ceux qui étaient plutôt pro vichystes ?

"Ah mais alors ceux qui étaient vichystes, mon pauvre, ils étaient beaucoup plus nombreux que les autres ; après en 44, il y en avait beaucoup moins, mais en 43, même les gendarmes, ils étaient gouvernemental."

INT : Vos relations avec le SOL ? (37'33)

"Ah les relations avec les SOL étaient très tendues, quoique le lieutenant des SOL là, qui était un des mes amis d'enfance, c'était le beau-frère de Lagarde avec qui j'avais joué au rugby et qui habitait au château, je m'en rappelle plus de son nom d'ailleurs, il a été fusillé à la Libération et sa mère est venue me pleurer, je lui ai dit :"je regrette beaucoup", je le regrettais d'autant moi que je revenais du Mont Mouchet, ça c'était le 18 ou le 20 mai, au moment de l'organisation du Mont Mouchet, je vais sur le Square, il y avait déjà deux mois que j'habitais plus chez moi, je couchais chez Bayou justement ou chez Lathelize et alors je trouve un copain Ricard, qui était italien et qui vendait des costumes, Mme Ricard a existé pendant très longtemps, vos parents les ont connu et il me dit : "Mais comment, qu'est ce que tu fous là, toi tu es fou", je lui ai dis : "Mais pourquoi?" ; "Ben tiens, je sors de la gendarmerie, on joue aux échecs avec le commandant, il était italien alors ils étaient collègues presque et puis lui il s'en /foutait/, il était apolitique, il m'a dit :"Tu vas me faire le plaisir de foutre le camp parce qu'il te cherche, ils veulent te ramasser" ; "Bon, j'ai dit, ils ont qu'à venir, on verra bien ce qui se passera" ; et au fond du Square, le même jour, à dix minutes d'intervalles, je trouve /machin/ son nom va me revenir tout à l'heure, (rapporte ses propos) : "Tiens, bonjour Marcel", ben le lieutenant, le sous lieutenant de la milice ; "bonjour Marcel, comment vas-tu, il y a longtemps que je t'ai pas vu et /patati et patata/ et qu'est-ce que tu deviens et tu travailles, tu es toujours chez toi, je lui ai dit : "Bien sûr où veux-tu que je sois, il faut bien vivre" ; il me dit : "Écoute, je vais t'amener la voiture à réparer demain, est-ce que je peux te l'amener"; "Mais avec plaisir" ; et alors nous nous quittons en excellents amis et le lendemain matin, le quartier était cerné en entier, ils sont rentrés chez moi, ils ont amené mon père, ils ont fouillé partout, /pardi/ et j'avais dans le poulailler, ma mère avait quelques poules, j'avais fait une bombe artisanale avec un tube qu'on avait rempli de poudre pour faire sauter le pont tournant de la gare et puis on avait /foiré/ bien entendu puisque c'était de ma fabrication, alors c'était pas très efficace, la preuve, alors pour pouvoir m'en resservir au Lioran, je l'avais planqué sous le nid des poules là, il y avait de la paille et le nid des poules au dessus et ben ils ont bouffé tous les œufs et ils ont pas trouvé la bombe, c'était des Allemands, eux ils s'en foutaient, si ça avait été la Gestapo, eux ils étaient beaucoup plus... curieux... et plus méchants et alors le père Joly a fait délivré mon père le surlendemain, ce qui fait que ça c'est relativement bien passé mais moi il y avait déjà, oh oui deux, trois mois largement que je couchais plus chez moi..."

INT : Revenons au moment....

"Oui oui il faut me poser des questions, je répondrais sur ce que..."

INT : au moment de l'organisation de la résistance, vous commencer à recruter, vous commenciez à rechercher des lieux de maquis?

"Non j'ai commencé à rechercher un responsable AP, alors, j'ai vu le docteur Rigal qui étaient radical-socialiste, que je connaissais très bien, il m'a dit : "mon pauvre Marcel, c'est avec plaisir que j'accepterai mais je suis trop... mes positions sont trop connues, d'abord à cause de celles de mon beau-père et des miennes, alors je peux pas accepter, je suis de tout cœur avec toi mais ça marche pas" ; et alors j'avais appris qu'il existait un mouvement Cochet, Cochet était un général qui était à Vichy et alors qui essayait, qui avait recruté dans l'armée, des officiers, des anciens officiers, des sous-off', des trucs comme ça et alors à ce mouvement, il était quatre ici, il y avait Marion des Ponts et Chaussées, il y avait Tricot, il y avait le pharmacien Nugou, au fond de l'avenue de la République et le docteur qui était chauve là au milieu de l'avenue de la République, je m'en rappelle pas comment il s'appelait..."

INT : C'était des anciens militaires (41'00)

"C'était tous... ils avaient tous été dans l'armée, ils avaient été officiers ou même de réserve mais ils avaient été officiers, alors ils avaient été contacté ; alors je vais trouver comme ... les parents de Tricot habitait là à côté de chez moi, je l'ai toujours connu pratiquement et lui aussi (sonnerie) [...] et alors je vais trouver Tricot et je lui explique le coup alors il me dit : "bon c'est entendu, ça marche mais je voudrai bien voir le responsable alors quand il s'amène..." ; Lépine, Lépine était responsable pour le département, on l'appelait Pierre à l'époque ou Talbert, je m'en rappelle plus, il avait plusieurs noms et Avinin, ils sont venus tous les deux et nous sommes montés là-haut chez Tricot /pardi/ et alors on discute un moment, il lui explique ce qui l'aura à faire, Tricot est d'accord et nous partons, et dans la rue, mon Lépine c'était un râleur, Lépine, un type franc comme [...] mais alors râleur, il fallait qu'il /rouspète/ tout le temps, il me dit à moi : "mais vous êtes fou, qu'est ce que c'est que ce bourgeois que vous nous avez présenté, il veut tout savoir, il veut connaître..." ; pour faire de l'action, il faut bien savoir ce qu'il va faire le moment venu, Avinin lui a dit :"Dis dont Pierre je vous en prie, nous avons la chance d'avoir un type que Marcel nous garantit honnête, c'est certain alors on va pas mettre sa parole en [...] et puis c'est pas le moment ; ce qui fait que Tricot est resté responsable et qu'à la Libération il a été le maire d'Aurillac, même que Mittanchez était maire... le préfet de Saint Flour et Amarger ensuite."

INT : Le préfet d'Aurillac nommé à la Libération, c'était qui ?

"Comment."

INT : Le préfet d'Aurillac nommé à la Libération ?

"Le préfet d'Aurillac nommé à la Libération s'appelait Rolland."

INT : C'était un de l'extérieur?

"Oui, il venait de l'extérieur mais c'était un type comme ça, c'était un résistant d'ailleurs, forcément à l'époque il avait été établi que des résistants partout ; et alors après notre travail, ça était de... alors Bernard... nous avions la chance que Bernard Cournil faisait le transport officiellement, il avait une carte de transport pour les Postes alors ce qui faisait que..."

INT : Par la Poste ?

"Non, non il faisait le courrier des Postes dans les campagnes, c'est-à-dire qu'il prenait le courrier ici, il allait le porter à la Poste de Maurs, de truc, ce qui fait que ça lui permettait de rouler dans la région, et alors on a commencé à chercher des terrains de parachutages et des terrains pour établir les maquis mais il était pas... fin 42, début 43, il était pas question d'établir des maquis et il fallait quand même avoir des endroits sûrs et nous avions quand même fait la bêtise d'en monter un à... la Luzette et il était cinq ou sept types qui avait pas voulu partir au STO parce qu'alors là le STO nous a fourni de la main d'œuvre, avec le STO, on en a eu des maquisards, des types qui voulaient pas partir mais il y en a de partout ; tiens nous avons eu la réunion des Anciens de la résistance à Condat, il y avait des Suisses, il y avait des types qui venaient de Narbonne, de Carcassonne, de Bordeaux, il y en avait de partout; de Paris, des types qui ont fait la résistance dans le Cantal qui ont été au maquis, au Mont Mouchet et qui chaque année reviennent quand on fait la réunion ensemble quoi ; alors ça était ça notre premier travail, recruter d'abord, et puis alors chercher de terres parachutages et des endroits où on aurait pu mettre des maquis."

INT : C'était facile à trouver? (44'28)

"Non pas facile à trouver parce qu'il fallait que ça soit assez près d'une route, il fallait que ça soit assez aussi près d'un cours d'eau mais très loin de l'agglomération et qu'il n'y est pas de lignes électriques, ou de trucs comme ça pour que les parachutages, les /machins/ comme ça ne s'y collent pas dedans...."

[....]

"Bien sûr, bien sûr, il y a un copain qui disait : "Tiens, il y a Londres qui émet" ; alors évidemment on cherchait Londres bien entendu, on cherchait Londres puis on le prenait, ce qui fait qu'on le prenait tous les jours, d'ailleurs les messages, on les recevait par la radio, les messages de parachutages, les trucs comme ça... alors après nous avons été en relation directement avec Clermont et nous recevions... Avinin est resté là deux ou trois mois, ou quatre mois, il est parti ensuite, il a été nommé à Toulouse, et il a été remplacé à Clermont et à Clermont, il y avait déjà un mouvement important qui existait déjà avec Coulaudon mais qui eux aussi avait été lancé par Avinin ou par des gars comme ça, ils avaient fait comme nous, ils avaient commencé comme nous à se grouper puis quand ils avaient trouvé l'occasion de se mettre en contact avec des mouvements résistants, ils l'ont fait."

INT : A partir de quel moment, avez-vous été en relation avec Clermont ?

" Nous étions en relation avec Clermont mais parce que le responsable régional qui a été arrêté ici chez... // chez le responsable cantonal, ici il y avait un responsable cantonal, moi j'étais responsable pour l'arrondissement d'Aurillac et Tricot aussi et alors nous avions... il y avait dans chaque... nous avions à Murat, à Mauriac Perrier qui avait joué avec moi au rugby et qu'on avait mis dans le coup, à Lafeuillade c'était Fred... on est parti d'un noyau de joueurs du stade, c'est pas compliqué, tous les types qui avaient des sentiments, on les a contacté et certains ont accepté, d'autres ont refusé, à Aurillac, c'était Testud qui jouait pilier, enfin ça a démarré comme ça et chacun dans sa région... à Salers, c'était Wattez, le conseiller général, enfin on avait tapé à peu près dans toutes les branches, alors à la Préfecture, Mittanchez s'occupait des réfugiés alsaciens lorrains et alors le chef du bureau de la préfecture qui s'appelait, qui s'appelait [...] qui a aussi fait un livre sur la Résistance (regarde ce livre) il doit y avoir quelque part une dédicace avec son nom... Lepourcelet, (lit la dédicace) : "A mon ami Marcel Gaillard", ah oui tiens c'est pas mal : "A mon ami Marcel Gaillard et à son épouse qui partage nos angoisses, nos espoirs et nos joies"; les angoisses c'étaient plus fréquents que les joies, m'enfin n'importe ; Lepourcelet, alors avec Lepourcelet, nous étions renseigné sur tous les mouvements, sur toutes les actions que faisait, que commandait la Kommandantur, par exemple au préfet, on savait qu'il allait faire des rafles tel jour, il allait faire ceci, il allait faire cela, c'est comme ça qu'on a appris que... et alors en plus de ça nous avions une fille qui tenait un bar et qui était la maîtresse de l'adjudant allemand qui lui sur l'oreiller lui racontait pas mal d'histoires, à la Libération, les types voulaient l'écharper dans le quartier, il a fallu toutes les peines du monde pour la [sauver] c'est ça elle pouvait pas dire que... elle était avec un Allemand alors évidemment c'était une /garce/, une /salope/ de ceci, de cela mais nous, elle nous a rendu drôlement service et c'est elle qui nous a prévenu d'ailleurs que le maquis de l'Enseigne allait être attaqué et des quantités d'autres choses d'ailleurs."

INT : Au début, pour nourrir [le maquis]? (48'21)

" Et bien pour nourrir les gars, les cinq ou dix gars que nous avions, nous achetions un veau ou un mouton, ma femme vendait les cuisses à ses collègues à la Poste et avec cet argent, on en rachetait un autre et ainsi de suite jusqu'au moment où on a pu plus le faire et où des précepteurs comme celui de Laroquebrou ou celui de Saint Mamet nous ont demandé de les attaquer un jour où ils avaient les caisses pleines de /pognon/ alors évidemment nous avons été les attaquer, les ficeler, les menacer, faire beaucoup de bruit, enfoncer les portes et puis on apportait la caisse alors là ça nous a permis de vivre parce qu'on avait pas d'autres moyens."

INT : Et les bons de réquisitions?

"Les bons de réquisitions, c'était plus tard, les bons de réquisitions et puis alors après parce que là aussi il y avait de la pagaille, j'ai appris un jour par Amarger qu'il y avait des fonds parachutés pour les maquis et pour les responsables des maquis, parce que les femmes avaient... les maris étaient pas là, il fallait quand même apporter du secours, des aides dans la mesure du possible et alors Bernard et moi y avons laissé la chemise et j'ai appris un jour, bien après, il y a dix ans même pas par Amarger que venait de temps en temps des fonds qui étaient distribué par Clermont d'ailleurs aux responsables régionaux qui les répartissaient aux cantonaux et ainsi de suite et nous on a jamais vu un /rond/, je te l'ai foutu une incendié le jour j'ai appris ça, je lui ai dit : "Bougre de /salop/ ; il m'a dit : "c'est la faute à Lépine parce que Lépine a dit : " Vous en faites pas pour Marcel, pour Gilardon, je m'appelait Gilardon et pour Bernard parce qu'ils se /démerdent/" ; on se /démerdaient avec nos fonds /pardi/, quand il venait à la maison, il bouffait bien tranquille, il se rendait pas compte qu'il fallait qu'on se saigne pour pouvoir nourrir les types alors on trouvait quand même des paysans qui étaient chouettes mais alors d'autres, où on allait faire des réquisitions /pardi/ par force, ceux qui faisaient enfin pas tous, mais les plus importants qui faisaient du marché noir, ben..."

INT : Je voudrai revenir sur le maquis qui a été à la Luzette, donc c'est dans les années 43 qu'il s'est installé ?

"Le premier maquis s'est installé à la Luzette au mois d'avril 43."

INT : Vous aviez parce que la Luzette se trouve... ?

" La Luzette se trouve aux confins des trois départements, elle est à cheval sur le Lot, la Corrèze et le Cantal."

INT : Vous aviez des relations avec les maquis des autres départements? (51'36)

"Aucune, les relations que nous avions par malheur c'était le maquis le plus près de nous était un maquis FTP dont depuis j'ai revu le responsable, à l'époque... c'était Georges, le commandant Georges et alors un soir nous faisons un parachutage et on n'a pas pu le rentrer et le soir, on le met dans le bois et un type pour le garder et le lendemain matin quand on est arrivé pour le chercher, il n'y avait plus ni gardien, ni parachutages, Georges, il était passé la nuit avant nous ; nous y sommes allés, on s'est engueulés et puis c'est que ça tournait mal parce que nous étions que deux, Bernard et moi, et eux ils avaient profités de l'occasion pour démonter les containers et prendre les mitraillettes et tout ce qu'il y avait dedans."

INT : Bernard Cournil, c'est lui qui s'occupait de la Luzette, spécialement?

" Bernard Cournil, c'était... c'est lui qui avait crée la Luzette et qui s'occupait de l'organisation de la Luzette et c'est son frère Joseph qui lui s'occupait de l'alimentation, il a fait quelques excès, quelques fois mais c'est Bernard qui en a porté les conséquences alors il s'est répandu des bruits qu'à la Luzette, on avait touché du /pognon/ tant et plus, à un moment donné il y a eu une histoire de 15 ou 16 millions, c'est vrai mais qu'en partie parce que quand les gars descendaient, les.... on nous envoyait des types qui allaient à Toulouse, qui allaient à Lyon, qui allaient à Castres, à Montauban, les saboteurs qui appartenaient à l'armée, il fallait bien les payer, eux ils étaient payés régulièrement tous les mois alors quand il y avait un parachutiste qui descendait, il amenait une mallette avec l'argent qu'il donnait au responsable parce que nous ne savions pas ce qu'il y avait dedans dans les containers mais il y avait un responsable à Clermont, il y avait un responsable à Toulouse qui le lendemain du parachutage était là et savait que tel container allait à Castres, que tel container allait à Albi, à Montauban, que... et alors un jour, ce /putain/ de truc, la valise se crève en tombant le mec, elles étaient pas rembourrées comme les trucs, il la tenait en descendant, elle se crève et l'argent se répand alors évidemment on l'a ramassé en vitesse, c'était la nuit, beaucoup... peut être il y a trois ou quatre gars qui s'en sont aperçus, c'est tout et puis /emmerder/ de ce /pognon/ et qui d'ailleurs était destiné à Toulouse par dessus le marché alors /emmerder/ on le planque dans... chez un instituteur là à côté de Boisset, je me rappelle plus de son nom, il a été arrêté d'ailleurs depuis..."

INT : [...] (55'20)

"Non, je m'en rappelle plus de son nom, c'est pas un nom comme ça et alors on le planque chez lui et avec l'espoir qu'on nous en débarrasse rapidement, ils sont venus le chercher le surlendemain heureusement on l'a pas gardé longtemps, doublement heureusement que les fritz3 sont allés chez lui, il avait été dénoncé /pardi/ comme... et alors ils ont rien trouvé, heureusement, parce que s'ils avaient trouvé le /pognon/ chez lui, il le fusillait sur place [...] et alors ce /con/ de Bernard pour faire le flambard, dès fois pour /emmerder/ : "du /pognon/... mon pauvre, nous en avons tant et plus"; il disait ça en rigolant lui mais les gens le prenaient au sérieux, ils disaient :"Tu parles les parachutages, ils touchent un argent fou, tu penses ils planquent tout, ils gagnent tout"; alors que dans les parachutages, il y avait en tout et pour tout un petit container comme ça à peu près dans lequel il y avait beaucoup de thé, du tabac anglais, un peu de tabac français, du [...] pudding que c'est infect, du chocolat, si il y avait pas mal de chocolat, une dizaine de tablettes de chocolat et puis du pudding et puis une autre espèce de gâteau qui était encore plus mauvais mais ça c'était dans chaque parachutage, il y avait un container comme ça qui était destiné à l'équipe de ramassage mais on distribuait ça au camp, les types à force ils en avaient marre..."

INT : [...] et les autres containers?

"Et les autres containers, nous ne [savions], il y avait un numéro mais nous ne savions pas ce qu'il y avait dedans alors le gars qui s'amenait , le délégué militaire, lui c'était un officier qui était appointé par l'armée, il venait, il savait que dans... tel numéro c'était les armes, des mitraillettes, ici c'était.... à un moment, on a reçu des bazookas, les premiers bazookas, c'étaient des tuyaux de poêle là et puis des grenades, des pistolets, enfin lui il savait ce qu'il y avait dedans et où il devait aller parce que la Luzette a été un des terrains de parachutages qui a reçu au moins les deux tiers des parachutages en France..."

[...]

Autres données descriptives
Notes ISBD

(Cote de l'original : Fk 7 [1216] et de conservation : A [1216] 1150*).

Auteur
  • Gaillard, Marcel
  • Flauraud, Vincent
  • Barthélémy
  • Hitler, Adolf
  • Mussolini, Benito
  • Daladier, Edouard
  • Mitanchez, Pierre
  • Cournil, Bernard
  • Cournil, Joseph
  • Andrieu, Pierre
  • Mazet de Sauxillanges (Docteur)
  • Stell, Armand
  • Mazelier (Amiral)
  • Durif, Pierre
  • Bayou, Jean
  • Tricot, Henri
  • Cochet, Gabriel (Général)
  • Roland (Préfet)
  • Lépine, Jean
  • Avinin, Antoine
  • Coulodon
  • Perrier
  • Lac, Antonin
  • Amarger, René
  • Lepourcelet, Jean
  • Pétain, Philippe (1856-1951)
Mots-clés lieu
  • Aurillac (Cantal, France)
  • Roanne (Loire, France)
Mots-clés matière
  • Résistance
  • parachutage
  • guerre 1939-1945
  • démobilisation
  • Quatrième République
  • mouvement armé
  • entretien filmé
  • Les Francs tireurs et partisans (FTP)
  • Francs tireurs et partisans français (FTPF)
  • Entreprise Lafargue
  • Parti socialiste
Mots-clés personne
  • Gaillard, Marcel
  • Flauraud, Vincent
  • Barthélémy
  • Hitler, Adolf
  • Mussolini, Benito
  • Daladier, Edouard
  • Mitanchez, Pierre
  • Cournil, Bernard
  • Cournil, Joseph
  • Andrieu, Pierre
  • Mazet de Sauxillanges (Docteur)
  • Stell, Armand
  • Mazelier (Amiral)
  • Durif, Pierre
  • Bayou, Jean
  • Tricot, Henri
  • Cochet, Gabriel (Général)
  • Roland (Préfet)
  • Lépine, Jean
  • Avinin, Antoine
  • Coulodon
  • Perrier
  • Lac, Antonin
  • Amarger, René
  • Lepourcelet, Jean
  • Pétain, Philippe (1856-1951)
Permalien de la notice
7 AV 25-1
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